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Jean-Pierre Sergent

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Transcriptions des conférences données par l'artiste Jean-Pierre Sergent | 2020 - 2022

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TRANSCRIPTION DE LA CONFÉRENCE DE JEAN-PIERRE SERGENT : POLYPHONIES : ARTS, CULTURES & CIVILISATIONS | GALERIE L'ORANGERIE | 15 MAI 2022 - Télécharger le PDF (150 KB)

Remerciements : Galerie de l'Orangerie : Christine Herrgot, caméra : Lionel Georges, transcription : Karine joyerot, relecture : Christine Dubois


1/4 :  I, LES INFLUENCES ET L'APPARITION DES ARTS EXTRA EUROPÉENS DANS MON TRAVAIL, ANNÉES NEW-YORKAISES (1993-2003)  - Voir la vidéo

Bonjour à tous, merci d'être venus ici à cette belle Galerie de l'Orangerie. C'est Christine Herrgott, qui est une amie d'enfance, qui nous accueille et je vais vous faire une présentation avec quelques-unes de mes œuvres en relation avec des cultures qui m'ont intéressé au cours de ma carrière. Il se trouve que j'ai pas mal vécu à New York, j’ai aussi voyagé au Mexique, au Guatemala et je m'intéresse à beaucoup de cultures, à ce qu’on appelle les cultures 'premières' (racines), avant on appelait ça les cultures 'archaïques'. Donc voilà comment ça va se passer : la conférence s’intitule : "Polyphonies : arts, cultures et civilisations".

En introduction quelques pistes ; je lis beaucoup de livres et il y a parfois des choses qui m'interpellent, donc je vais commencer par Fernando Pessoa : "Tout ce qui est humain m’émeut. Tout m’émeut parce que j’ai la vaste fraternité avec l’humanité véritable. Et mon cœur est un peu plus grand que l’Univers tout entier."
 C’est vrai que souvent, les artistes, ont un peu cette sensibilité particulière ; et nous sommes émus, nous sommes touchés, par peut-être plus de choses que d'autres êtres humains qui partent vers d'autres choses, d'autres horizons… Peu importe... Il y a aussi Costa-Gavras : 
"Nous ne vivons pas à Disneyland. Nous vivons dans le sang et dans le temps... Nous vivons dans un monde tragique." C'est vrai qu’on le voit, aujourd'hui, avec cette terrible guerre en Ukraine, et c'est vrai que souvent la vie est tragique… bien sûr, il y a aussi les amis qui disparaissent, nous sommes confrontés aux souffrances et à la perte d’êtres chers donc, je pense, qu'il faut prendre ça en compte dans le travail de chaque artiste. Je suis en train de lire un livre qui s'appelle "Le léopard des neiges" de Peter Matthiessen… vous pouvez lire sur l'écran :
"Tous les phénomènes sont des processus, des connexions, tout évolue et cette évolution est visible : il suffit de s’ouvrir l’esprit par la méditation ou d’abattre les écrans qui l’occultent par le truchement des drogues ou des rêves, pour constater que rien n’a de limites précises, que, dans l’interpénétration sans fin de tout ce qui constitue l’univers, un flot moléculaire, une énergie cosmique vibrent dans la pierre et l’acier comme dans la chair."
C'est une pensée qu’ont beaucoup de cultures traditionnelles, qui est que, tout est vivant et tout vibre à un certain état de vibration. J'ai fait un autre entretien avec un médecin qui fait de la médecine quantique (Dr Jean-Louis Garillon, 30 juin 2019) et c'était vraiment très intéressant de discuter avec lui. Mon travail est basé sur toutes ces vibrations-énergies. 

I - 1  LES CROQUIS & DESSINS PRÉPARATOIRES 
NEW-YORK, (1995-2003) : Là, je vais parler des influences et de l'apparition des arts extra-européens dans mon travail. Parce que c'est arrivé après avoir vécu à New York, où j'allais régulièrement presque tous les dimanches au Metropolitan Museum ou au Musée d'Histoire Naturelle ; et dans ces musées j'ai découvert pas mal d’oeuvres venant de cultures dont on n’a peu l'habitude de voir les oeuvres. Pour expliquer un peu ce qu’est le travail d’un artiste (sa genèse) : je dessine des croquis au départ, et donc là, je vais vous montrer quelques croquis préparatoires d’oeuvres. 
Ici, on voit un ensemble de croquis, c'était à l'époque d'avant les ordinateurs donc je prenais beaucoup de photos ou je réalisais beaucoup de dessins et j’ai fait beaucoup de diagrammes de choses qui m'interpellaient. Et là, j'ai fait tout un schéma où je voulais parler de l'énergie : c'est-à-dire que je voulais confronter nos cultures contemporaines, versus les cultures traditionnelles. Ce que l'on voit dans les sociétés traditionnelles, ce que moi, j'y ai vu, donc j'ai parlé d'énergie, de simplicité, de la vie, du Feng Shui, de la couleur, de la lumière, de la nature, qui est très importante, de la pureté, la joie, la danse, le moi, l'unité, la liberté, la communication, le soleil, l'amour, l'offrande, le silence, l'individu, la beauté, l'espace et surtout les quatre points cardinaux, j’y reviendrai par la suite.
Et dans nos sociétés ; bon, eh bien ; en vivant à New York c'est une ville qui est magnifique mais quand même, où nous sommes plongés dans la contemporanéité la plus totale : le stress, l'énergie du business et tout ça… Donc dans nos sociétés, j'ai personnellement senti ces énergies-là : la stagnation, la dépression… Bon, je n’en parle pas en France car c'est encore pire que tout ! Le manque de temps, la dissociation, le bruit, l'agression, la répression, la multitude, l'argent, le monde souterrain, industriel, la solitude, le système prédateur, la saleté, la laideur, les ténèbres, le carrefour, la désorientation, bas de plafond comme on dit communément, la prison, pas de lumière, opposition culture-nature.
Ce sont un peu des clichés mais c’est ce qui m'intéresse de développer dans mon travail. Ça, j'y reviendrai par la suite. Et là, on voit comment je travaille. Par exemple je voulais mettre une tête de mort, des arbres… C'est tout un ensemble d'images qui crée un ensemble cohérent parce que mes oeuvres sont construites comme des assemblages et j'aime assembler le plus de choses possibles.
Ici aussi, c'est un travail sur Plexiglas ; au départ, j'ai assemblé des petits formats qui ont la taille de ces petits rectangles sur Plexiglas… Voilà, donc là, on voit un masque africain et il y a souvent des indications de couleurs : noir, bleu ciel ! Et ici on voit des dessins Pygmée parce qu’allant au Metropolitan, j’achetais souvent des livres, puisque bien sûr, c'était avant l'invention de l'internet donc, j'ai eu la chance d'avoir un peu d'argent pour acheter quelques livres et le dessin d'en bas, c'est une œuvre du Louvre du XIIè siècle, du Moyen-Âge. C'est pour vous expliquer comment je mélange les choses. 
Ici, c'est un plan du métro de New York et j'ai brûlé la carte pour placer un mandala coloré à l'intérieur. C'est l'exact opposé : c'est une circulation spirituelle au sein d'une circulation matérielle... J'habitais par là d’ailleurs, juste à Queens Plazza. Voici quelques dessins, vous voyez le schéma de la femme qui est sur cette oeuvre-là, il y avait aussi un dessin d'un livre Asmat. Je suis très influencé par ces cultures Asmat de Nouvelle-Guinée qui peuvent nous sembler des cultures très violentes, puisqu'ils étaient encore cannibales, à l'époque où Michael Rockefeller était allé les voir ; et donc, c'est de l'énergie pure ! C'est la vie avec une énergie pure ! Il y a aussi un crâne de cheval... Et on voit ici, une partie de ce papier qui est exposé à la Galerie, que vous pourrez voir tout à l'heure. Il y a aussi des dessins de manuscrits du Moyen-Âge, des dessins d'origine arabe, des dessins d'origine grecque…

I - 2  LA SÉRIE "BEAUTY IS ENERGY", (2002)
NEW-YORK, APRÈS LE 11 SEPTEMBRE 2001 | L’ART, LA VIOLENCE, LE SEXE ET LA MORT : Là, je vais vous présenter la série "Beauty is Énergie", c'est un travail que j’ai réalisé après le 11 Septembre 2001, après toute cette violence qui nous a tous scotchés et abasourdis… Et je n’ai pas pu travailler pendant près de trois à quatre mois. Finalement, je me suis remis au travail en commençant cette série. Donc ici, à la galerie, vous avez plusieurs travaux qui viennent de cette période-là. Donc l'Art, la Violence, le Sexe et la Mort. Je cite Octavio Paz, qui est un auteur mexicain, j'aime beaucoup son travail parce que, comme il est inscrit dans la pensée mexicaine et qu'il a aussi vécu à Paris, il était entre les deux cultures (même trois avec l'Inde !) et il peut nous dire des choses très intéressantes au sujet des sociétés dites 'primitives', Il dit cela :
"Les cultures dites 'primitives' ont créé un système de métaphores et de symboles qui, comme l'a montré Lévi-Strauss, constituent un véritable code de signes, à la fois sensibles et intellectuels : un langage. Le langage a pour fonction de signifier et de communiquer les significations ; mais l'homme moderne a réduit le signe à la pure et simple signification intellectuelle et la communication à la transmission de l'information. C'est exactement ce qu'on vit aujourd'hui !Nous avons oublié que les signes sont des choses sensibles et qui agissent sur les sens."
Ce que je veux faire dans mon travail, c'est d'agir sur les sens !
Là, on voit un travail qui montre un sacrifice humain aztèque, avec des sexes en érection, il y a un coelacanthe aussi derrière, il y a des dessins Pygmée que je vous ai montrés tout à l'heure donc, c'est tout un ensemble de choses qui s'accumule et s'entremêle comme ça. 
Et là, je cite d’Élan Noir, qui était l'un des derniers chefs et medecine-man des Sioux Oglala, il parle de la Danse du Soleil qui s'appelle :
Wiwanyag Wachipi : "Nous sommes liés à toutes choses : la terre et les étoiles, tout, et avec tout cela, ensemble, nous levons la main vers Wakan-Tanka (le Grand Esprit) et ne prions que Lui."
Il parle encore de comment ces gens sont ou étaient reliés ensemble. Donc là, on voit ce dont je vous ai parlé tout à l'heure avec toutes les fétiches, la terre, les pierres… je vais développer ça tout à l'heure plus en détail. Cette image là est présentée ici. J'ai pris ces éléments dans un texte d’un amérindien et ce qui m'intéressait, c'était de savoir de quoi il parlait, parce qu’on n'en sait rien et il évoquait des éléments : le ciel, le feu, l'eau, la terre, la pierre, le bois, le vent, les nuages ; les symboles : le cercle, les couleurs, l’adobe (c'est-à-dire la maison), les rituels, les fétiches. Il parle de l'inconscient : l'esprit, les rêves, les symboles ; des concepts : la beauté, le sacré, l'éternité, le monde, l’infini (concept qui disparaît aussi un peu chez nous) ; la cosmogonie : le soleil, la lune, le cosmos, les étoiles. C'est très important de se reconnecter comme ça. 
Je reviens à Octavio Paz : C’est-à-dire que nous, face aux accidents de la vie, nous n’avons plus les rituels nécessaires pour pouvoir les affronter et c'est un peu ça qui nous manque… Je vais parler des rituels avec Xipe Totec, c’est une statue qui est au Metropolitan Museum, qui s'appelle 'The Flayed One', c’est-à-dire l’écorché, on a cette belle œuvre ici. Et je vais vous montrer la photo de la statue qui est au Metropolitan Museum, c’est une terracotta rouge de taille humaine, l'incarnation de Xipe Totec, dieu aztèque du renouveau, de la nature, de l'agriculture et de la pluie. Il s’écorche et se dépouille lui-même pour nourrir l'humanité, symbolisant ainsi le grain de maïs perdant son enveloppe avant de germer. Cette statue a vraiment une force incroyable, quand on est devant c'est vraiment impressionnant ! Ce n'est pas comme l'art contemporain actuel ! Ici, vous avez une autre statue de Mictlantecuhtli, le dieu de la mort, son nom signifie Seigneur de Mictlan, domaine de la mort, le lieu le plus bas de l’inframonde, c’est au Templo Mayor de Mexico. En ayant voyagé au Mexique, je me suis aperçu que les oeuvres que ces artistes ont réalisées avaient une puissance que l'on ne trouvait nul part ailleurs. Ils étaient vraiment intégrés à la vie d’une manière très juste, très violente mais très vraie. Et là aussi, on voit le même dieu de la mort, c'est un dessin aztèque. 
Ici, on voit cette oeuvre exposée. On sent mon inspiration Maya mais ça, c'est un dessin-mémoire d'une transe chamanique et ce serait un peu long de raconter tout ça… Il faut dire que pratiquement, dans toutes les transes, on meurt ; et après, les esprits nous reconstruisent le corps donc, c'est un peu ce que ça raconte.


2/4 :  L'IMPOSTURE INDIVIDUALISTE ET MATÉRIALISTE, LE DEFICIT SPIRITUEL CONTEMPORAIN, LA SOCIÉTÉ UNIQUEMENT MATÉRIALISTE ET PORNOGRAPHIQUE, 
LA DISPARITION DES RITUELS, DE LA NATURE & DE LA TRANSE
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I - 3  HOMMAGE AUX INDIENS SELKNAM, ALAKALUFS ET HAUSH DE LA TERRE DE FEU, PATAGONIE, AUJOURD’HUI TOUS DISPARUS : Maintenant, je voulais rendre un hommage aux Indiens Selknam, Alakalufs et Haush de la Terre de Feu en Patagonie, aujourd'hui tous disparus, parce qu’ils montrent bien ce qu'est l'Art dans une société première. Et donc, ça c'est aussi une sérigraphie qui n'est pas montrée ici mais qui est dans mon atelier et j'ai trouvé que cet homme dégageait une présence, c'est comme s'il avait pu survivre à la mort parce que quelqu'un l'a pris en photo, c'est un peu un fantôme, un esprit. Heureusement, il y avait déjà des photographes qui les ont pris en photo et donc, voilà comment ils se déguisaient pour leurs rituels dont je parlerai un peu plus tard.  
C'est assez fascinant, ce sont un peu des Pères Noël quelque part. 
Donc là, malheureusement avec la mauvaise lumière, on ne la voit pas mais cette oeuvre est exposée ici, c'est noir sur noir. Et ces hommes-là avaient fait le plus long parcours depuis l'Afrique, ce sont ceux qui sont allés plus loin et il y a environ 14 000 ans, ils sont arrivés en Terre de Feu tout au bout du monde, à l'autre bout de la matrice africaine.  
On peut les voir, ici, “décorés” avec des symboles et des lignes dont je ne connais pas, bien sûr, la signification ! Ils faisaient des pièces de théâtre costumés comme ça, enfin, des rituels. Vous voyez aussi ça, c'est fabuleux. Les rituels des Selknam, Quand le soleil poursuivait la lune, Anne Chapman a écrit ce livre sur ces rituels :
"Sur la scène du Hain, inversement symétrique du domicile céleste de Lune où elle reçoit les esprits des chamans qui lui rendent visite pendant l'éclipse, on voit surgir et s'opposer nus sur la neige des esprits masqués souterrains et célestes chargés d'une incroyable puissance qui infligent aux kloketen, les jeunes initiés, des épreuves cruelles et dégradantes qui vont les conduire à la maturité. (En fait, ce sont des rituels de passage)
Fille Neige, mère Vent, mari Pluie, clowns érotiques et agressifs envers les femmes, se livrant à des jeux impurs, ballerines, cocus, bouffons grotesques, tout ce monde comique et taquin apeure les jeunes et raille les femmes jusqu'à ce qu'elles prennent petitement leur revanche."

Il y a cependant souvent un problème dans ces sociétés traditionnelles, c'est que souvent les femmes n’ont pas leur place exacte (et sont en situation d'infériorité). J’ai écrit un article avec une amie turque (Tulika Bahadur en 2018) ; pour elle, les traditions sont des contraintes plus qu'autre chose donc, tout dépend des cultures bien évidemment et il faut penser à ça aussi ! Voici des femmes Selknam qui ont l’air en bonne santé. C'est une tribu et ils vivent ensemble, ce que l'on a un peu perdu aujourd’hui. Et là, c'est la photo la plus horrible que je puisse connaître, c'est-à-dire que ce sont des chasseurs anglais : dont l'un s’appelle : Julius Popper, qui chasse les Indiens avec ses hommes auprès d'un Selknam mort et dénudé… Voilà c'est très très violent puisqu'on les a chassés comme des lapins. Et ainsi, en 1996, mourut l'Indienne Lola Kiepja, dernière descendante de ces peuples. C’est un vraiment triste, c’est-à-dire que leur langue a disparu, leurs rituels ont disparu et on ne sait pas, on ne sait plus et aujourd'hui tellement de langages et tellement de cultures disparaissent que c'est un peu mon rôle d'Artiste d'en parler.  

 I - 4  L’ÉGYPTE, LA BEAUTÉ, LA FEMME ET L’OFFRANDE EN OPPOSITION À LA VIOLENCE : Je voulais en venir à l'Égypte. En opposition à toute cette violence dont je viens de vous parler et de la destruction de toutes les cultures premières, j'ai trouvé dans cette statue égyptienne, qui est au Louvre, une espèce de forme d'apaisement. C'est-à-dire qu'elle porte de l'eau ou des urnes funéraires et elle fait des offrandes au monde. Et travailler sur le dessin de cette image m'a beaucoup apaisé et donc voilà, je l'ai dessinée comme ça ; c’est vraiment l’opposé de la violence, c'est la générosité pure. 

I - 5  LA SÉRIE "SKY UMBILICUS", (2007), VOYAGES VERS LES AU-DELÀ : En 2007, j'ai commencé une série qui s'appelle "Sky Umbilicus", dont il y a des œuvres qui sont exposées ici. Et c'est une réflexion sur comment les sociétés premières ou égyptiennes, par exemple dans l'Antiquité, utilisaient les animaux pour voyager vers les au-delà. Donc on a cette sérigraphie qui est ici. Dans beaucoup de cultures traditionnelles, l'âme du mort passe par l'intermédiaire d'un animal ; ici, on voit que c'est un cerf… pour après rentrer dans le corps de la femme qui est dénudée comme ça. Je trouvais que cette image était superbe, c’est une belle métaphore de l'au-delà. Ici, voici la déesse Nout dont le corps se déploie au-dessus de la Terre pour la protéger ; ses membres doivent toucher le sol et symbolisent les quatre points cardinaux. Elle avale le soleil avec sa bouche, le soir, pour le recracher par son sexe, le matin. C'est tellement beau et poétique, ça symbolise aussi notre vie quotidiennement, les rites cycliques du sommeil, de l'éveil, de la nourriture, de la sexualité. C'est quelque chose complet et harmonieux et il y a aussi les piliers du ciel qui la soutiennent ici comme des I grecs. Là, on voit le taureau Apis qui emporte la momie dans l'au-delà. C'est une image que j'ai prise au Metropolitan Museum et j'ai trouvé que c'était très beau comme symbolique. 

I - 6 L'ART MURAL, MONUMENTAL : Mon voyage en Égypte en 1983 avec mon grand-père m'a fait connaître quelque chose que je ne connaissais pas, c'est-à-dire que les artistes de l'époque travaillaient uniquement à la mémoire des morts et ça, on le voit à cette première photo prise lors de la découverte du tombeau de Toutankhamon en 1922 ; et on dirait que ces statues sortent dans le présent après 3 à 4000 ans de vie souterraine et je rends plus hommage aux artistes qui ont pu réaliser ces oeuvres, qui ont survécu jusqu'à nos jours, qu’à Toutankhamon… Mais bon peu importe… Je pense vraiment que les artistes sont importants. Et donc, j'ai eu un peu une révélation dans la tombe de Nefertari, que vous voyez ici, c'est ce que l’on peut appeler : l’Art total.
Quand j'ai découvert ça et que je suis rentré après, à l'École des Beaux-Arts de Besançon, je me suis dit alors, que l'Art n'est pas dans les écoles donc, j'ai un peu claqué la porte des écoles et je suis parti, ailleurs, pour pouvoir développer mon travail plus librement. 
On peut voir, ici, ce que ça a donné sur moi, ce que cette influence de l'Art mural a donné sur moi, c'est ce qui est exposé, actuellement, au Musée des Beaux-Arts de Besançon(et qui continuera encore un certain temps). Là, je voulais un peu parler, très, très brièvement de ce que l’on peut appeler l'imposture individualiste et matérialiste, le déficit spirituel contemporain, la société uniquement matérialiste et pornographique, la disparition des rituels, de la nature et de la transe…

II  L'IMPOSTURE INDIVIDUALISTE ET MATÉRIALISTE, LE DEFICIT SPIRITUEL CONTEMPORAIN, LA SOCIÉTÉ UNIQUEMENT MATÉRIALISTE ET PORNOGRAPHIQUE,
LA DISPARITION DES RITUELS, DE LA NATURE
ET DE LA TRANSE

II - 1 LA MODE
Je suis tombé sur ces images l'autre jour et je me suis dit 'Ouah ! Ça dégage ça !'. Ce sont des modèles qui portent comme des fumigènes sur la 5ème symphonie de Mahler donc là, on est vraiment arrivé à la quintessence du ridicule. Et celle-là, peut-être que vous la verrez mieux, c'est quelqu'une qui porte des bouts de bois cloués sur sa tête et qui défile comme ça… Bon là, il est vrai que nos sociétés arrivent à des dérives complètement absurdes et absconses et qui n'ont plus beaucoup de sens, ça a du sens uniquement pour les riches et célèbres, comme on peut le dire communément ! Et comme le disait Pierre Bourdieu : "le goût, c'est le dégoût du goût des autres." Ça illustre, exactement, ce que l’on vient de voir c’est-à-dire, que quelques gens, parce qu'ils ont le pouvoir politique ou qu'ils possèdent de grosses galeries, imposent leurs goûts sur tout le monde quelque part, parce que, dès l'instant où l’on diffuse  largement ces informations-là, on est obligé et forcé de les voir ; on peut en être d'accord ou pas… car Il faut, bien sûr, une diversité des choses mais là, c’est terrible, parce que cela ne signifie plus rien du tout : juste une posture ! (une imposture même !) J’oppose à cela (la folie destructrice contemporaine) aux rituels des sociétés ‘premières’. Voilà, c'est une petite fille qui embrasse un veau. Et là, c'est pareil, c'est un veau qui est dans une maison où ils ont fait des dessins d'offrandes, pour ce veau, justement et je trouve ça assez touchant.
Ici, ce sont deux femmes Hindoues, qui dessinent un dessin d'offrande et d'hospitalité, pour accueillir les dieux devant un temple, à la craie et elles refont le dessin quotidiennement… ça parle de l'éphémère.
Et ici, voilà aussi des offrandes quotidiennes, au Lingam et au Yoni qui sont les symboles masculins et féminins et il est dit : "l'immobilité absolue et le mouvement ultime sont la nature de Shiva." Car pour eux, le dieu Shiva, c'est à la fois, cette immobilité et cette énergie énorme, dynamique, cosmique. C'est un peu l'infini et le présent ; et c'est cette complexité et ce paradoxe, qui ont disparu chez nous. On ne pense plus du tout de manière paradoxale… 
Et je voulais en venir au tour et à la peinture sacrée, pour parler de ce plexiglas qui est là. J’ai découvert cette image l'autre jour, c'est une statue indienne qui a été récemment découverte. Autour de la statue, il y a tout cet ornement qui la met en valeur, qui la définit comme œuvre sacrée ; et dans mon travail, c'est exactement ce que je fais avec les tours sacrés que je mets autour des plexiglas. 
Régis Debray en parle très bien dans la "Jeunesse du sacré" : "Une métaphore. Que nous apprend-elle ? Qu'une terre promise ouverte à tous les vents cesserait de l’être. Et que la clôture — grillage, cordon, balustrade, haie, barrière, jubé, chancel, courtine — est d’un autre ordre que le rinceau ou la palmette. Ce n’est pas ornemental mais transcendantal." C'est-à-dire que le tour définit quelque chose qu'il faut respecter quelque part. Et donc voilà ainsi le schéma d'installation de mes oeuvres sur Plexiglas… Du tour de mes oeuvres sur Plexiglas. 

II - 4  LE TOUT ET L’ARCHAÏSME 
Je vais citer Novalis qui est un écrivain romantique allemand : 
- LES DISCIPLES À SAÏS, NOVALIS

"Il ne paraît pas sage de vouloir saisir et comprendre un monde humain sans être plein, soi-même, d'une humanité épanouie. Aucun des sens ne doit sommeiller, et s'ils ne sont pas tous également éveillés au même degré, il faut pourtant que tous soient sur le qui-vive, qu’aucun ne soit opprimé ni ne se relâche."
C’est important de comprendre cette complexité du monde, j'en ai parlé précédemment ; et, plus on ouvre sa conscience (j'en parlerai tout à l'heure), plus on a de chance de ne pas passer à côté de choses importantes. Par exemple, là, j'ai pris cette photo d'un cerf grec, archaïque au Metropolitan Museum, toujours et voilà l’oeuvre que j'en ai faite : une oeuvre sur papier de grand format et c'est une oeuvre que j'ai également imprimée sur plexiglas. Et ça, c'est un gribouillis, ce sont des gribouillis érotiques avec un dessin-gribouillis que j'ai fait moi-même parce que justement, je veux rentrer aussi dans le chaos car, souvent, nous trouvons pleinement, dans le chaos, la force de créer, la grande force de création et c'est vraiment important de travailler avec toutes les énergies disponibles. 


3/4 : III  L'ESPOIR DANS L'ART ET DANS LA VIE, RÉINTÉGRATION D'UNE ÉNERGIE COSMIQUE ET DE LA NATURE AU TRAVERS DE L'ÉNERGIE SEXUELLE - Voir la vidéo

III - 2  LES NOUVELLES SÉRIES "SHAKTI-YONI: ECSTATIC COSMIC DANCES" L’ART, LE SEXE ET LA MORT, TOUJOURS…


Je prends une citation que j'avais dite dans un article de la Presse Bisontine en mars 2013, j'avais alors une exposition qui s'appelait : "Sexe & rituels", j'avais dit alors : "Le sexe est la seule énergie qui s'oppose à la mort !" (ainsi que l’Art, éventuellement ?) Et bien sûr, sans avoir à y réfléchir trop, il est évident que nous sommes tous en vie parce qu'il y a eu du sexe pour nous mettre au monde. C'est une énergie essentielle et je n'arrive pas à comprendre comment l'Occident n'arrive pas à intégrer cette énergie, dans sa logistique (dans son imaginaire) parce, que si vous allez dans n'importe quel musée en France, il n'y a absolument aucune œuvre montrant un acte de pénétration. Le sexe n'est jamais intégré donc, c'est tabou, on a rendu le sexe tabou. Et les raisons pour lesquelles c'est tabou, seraient trop longues à énumérer ici. Donc, voilà la petite série des Shakti-Yoni ; c'est un dessin hindou avec tous les points chakras importants du corps. On voit la vulve, le nombril, les seins... C'est sûr qu'en Orient, ils avaient une connaissance du corps beaucoup plus approfondie que nous avec, par exemple, l'acupuncture et tout ça... Le corps est géré totalement différemment. Voici une petite sérigraphie, vous avez la chance de la découvrir de visu. Je voulais citer Hildegarde Von Bingen parce que au XIIIe siècle, il y a beaucoup de Nones et de Moines, qui, dans leurs pratiques religieuses et dans leurs dessins (Hildegarde von Bingen a fait de très beaux dessins), ont compris la cosmogonie céleste. Vous voyez bien ici que la Terre n'est pas plate. C'est un ensemble de choses, elle tourne et ils avaient compris ces énergies qui nous créent et nous nourrissent. Et j'ai fait un dessin d'après un autre dessin d'Hildegarde Von Bingen, voilà, ce sont les cercles concentriques et je vais vous en parler tout de suite en citant : 

- MU, LE MAÎTRE ET LES MAGICIENNES D' ALEXANDRO JODOROWSKY 

"L’acquisition de la fluidité est comme une pierre qui tombe au milieu d’un lac (le miroir du Soi). De ce choc, surgit une onde circulaire qui donne naissance à une plus grande, les cercles continuant à se multiplier jusqu’à couvrir toute la surface de l’eau. L’expansion de la conscience est ainsi mais avec une différence : le lac mental est infini…"
Dès l'instant où vous commencez à prendre conscience des choses, ça ne peut que s'"aggraver" entre guillemets, s'approfondir et ça, c'est une démarche très intéressante, très spirituelle et très profonde. 


III - 2  LES AZTÈQUES ET LES MAYAS DU MEXIQUE ET DU GUATEMALA, LES CRÂNES DE MORTS ET LES AXIS MUNDI

Voici une œuvre de grand format sur papier, que j'ai imprimé également sur Plexiglas. Et, de voir tous ces Crânes... Cette sérigraphie de l'invitation doit être ici, également. Je ne sais pas vraiment pourquoi les Aztèques et les Mayas parlaient tellement souvent de la mort et de la vie ; mais bon, il se trouve que j'ai pris des photos là-bas et là on voit ces crânes de morts empilés comme ça. On les retrouve, aussi, bien sûr, dans notre Moyen-Âge où on parle souvent de squelettes et de choses comme ça. Voyez, c'est tellement vivant, c'est d'une force incroyable. Les artistes avaient cette force et cette puissance... Et je pense que, ce qui est important pour un artiste, c'est d'avoir une vitalité. Donc là, on sent très fortement la vitalité des artistes. Voici la Pyramide de Chichén Itzá dans le Yucatán et j'ai eu la chance de voir cette pyramide, au centre de laquelle, il y a une autre pyramide à l'intérieur. Car souvent, ces pyramides ont été construites les unes au-dessus des autres (comme les pyramides égyptiennes) et au centre exact de cette pyramide, il y a ce petit trône du jaguar du tigre rouge Tigre Rouge (El Tigre Rojo) et c'est à l'axis mundi exact de la pyramide. C'est à dire, que c'est le Lieu, où l'on communique avec les esprits, les dieux et les ancêtres. Donc, on a ici un schéma de la pyramide de Tenochtitlán, la principale cité Aztèque, qui a été détruite par les Espagnols (Hernán Cortés en 1521). Il y a donc l'axis mundi, les quatre directions, un niveau terrestre : Nord, Sud, Est, Ouest, 13 niveaux célestes et 9 niveaux des infra-mondes souterrains. C'est-à-dire que comme ça, les chamanes pouvaient voyager d'un niveau à l'autre. C'est assez intéressant puisque que nous, nous ne voyageons qu'horizontalement. Bon, on a la chance de pouvoir prendre l'avion ou de faire de la plongée sous-marine mais quelque part, ce sont ici, d'autres niveaux spirituels. Et là, je parle de Black Elk à nouveau, qui fait une offrande aux quatre directions. Black Elk était un grand sage Indien. 

- RÉCIT D'ÉLAN NOIR SUR LES SEPT RITES DES SIOUX OGLALA, JOSEPH EPES BROWN 
"La pipe sacrée, la libération de l'âme
Le calumet contient ou est réellement, l'Univers. Mais puisque le calumet est l'Univers, il est aussi l'Homme et celui qui remplit un calumet doit s'identifier à lui, établissant ainsi non seulement le centre de l'Univers mais, aussi, son propre centre ; il se 'dilate'" (je veux parler de cette expansion, c'est important. Je pense que les artistes doivent se dilater et ne pas rester seulement à leurs propres niveaux d'évolution, c'est très important !) "se dilate à tel point que les six directions de l'espace sont en fait, ramenées en lui." (C'est à dire qu'il mange et est mangé, c'est un peu compliqué mais on peut aussi voir ça dans les rituels tantriques également.) "C'est par cette 'expansion' que l'homme cesse d'être une partie, un fragment et devient entier ou saint ; il brise l'illusion de la séparation." 

J'en ai parlé précédemment. Voici d'autres œuvres que j'ai réalisées avec le Chaac, Dieu de la pluie maya avec sa hache de foudre, il frappe les nuages et déclenche le tonnerre et la pluie. Avec aussi, autour de lui, un dessin d'une couverture Navarro ; qui sacralise un peu la couverture quelque part, avec ces croix qui s'inversent. Je veux parler aussi des quatre directions, c'est aussi une grande œuvre sur papier, donc j'ai repris un dessin aztèque avec des arbres et des insectes et on voit bien les quatre directions qui nous font rentrer au centre. Quand on a la grande chance d'être au centre, on peut alors faire ces voyages chamaniques. Ici, on voit le calendrier aztèque, avec tous les animaux qui incarnent tous les mois :

- LE CALENDRIER AZTÈQUE, OU MEXICA 
"Était intimement lié à la mythologie des anciens peuples de la Mésoamérique. Fondé sur l'observation astronomique et exprimant un système de croyances chargé de représentations abstraites (divinités, symboles, numéros, couleurs, qui se combinent et se reflètent les uns sur les autres), le temps 'mexicain' ne se distinguait pas radicalement de l'espace conçu comme un milieu hétérogène et doué de propriétés singulières selon les orientations cardinales. De même, à la différence de nos habitudes mentales, il n’était pas perçu comme linéaire (compte long), mais s’appréhendait de manière cyclique, à travers 3 systèmes comptables parallèles et imbriqués mettant en lumière des connaissances astronomiques élaborées."

C'est aussi pour ça que ces cultures m'intéressent, parce qu'ils ont trois systèmes de calendrier intégrés les uns dans les autres et c'est très intéressant ! Ici, on voit une petite sérigraphie qui montre que tous les 52 ans les aztèques éteignaient tous les feux, dans tout le pays (du Mexique) de tous les foyers et le feu était, alors, redistribuer depuis Tenochtitlán, du feu de la pyramide centrale, dans tout le pays et on voit, ici des prêtres qui portent des Fagots de bois allumés et qui redistribuaient ce feu, dans tout le pays. Donc, chacun, s'il vivait plus de 52 ans, avait la chance de voir cette cérémonie une fois ou deux dans sa vie, ces rituels qui étaient importants. Bien sûr, cette fête centralise le pouvoir politique mais malgré tout, c'est une belle image : éteindre tout et recommencer à nouveau le monde. C'est un peu comme notre Nouvel An à nous mais ça, c'était tous les 52 ans… Ça dépendait de leur calendrier cyclique. Ici on voit Ixchel, la déesse Maya associée à l'eau, son nom signifie "Dame arc-en-ciel", c'est aussi un travail sur papier. On voit qu'elle renverse des trombes d'eau sur le Monde et qu'elle porte des os sur sa robe et des serpents sur sa coiffe. Elle est vraiment impressionnante. Ce ne sont pas comme dans les défilés de mode dont on a parlé tout à l'heure… ça signifie vraiment quelque chose et c'est dans l'énergie du Monde et de l'Univers. Ici, je voulais citer un prince-poète Aztèque Aztèque Ayocuan Cuetzpaltzin, qui a vécu au XV siècle, il faut dire que ce n'est pas une société qui a perduré très longtemps, juste du XII au XV siècles, il dit : 

"Devrais-je périr comme les fleurs qui se fanent ?
Que restera-t-il de ma réputation ici-bas ?
Rien de mon pouvoir terrestre ne m'accompagnera ?
Au moins mes fleurs, au moins mes chansons préférées !
La Terre est le lieu des moments fugaces et éphémères.
Et c'est ainsi, dans cet endroit, qu'en quelque sorte il nous faut vivre ?
Y reste-t-il de la joie, y reste-t-il des amis ?
Ou est-ce seulement ici l'endroit où découvrir son visage, solitaire, dans le miroir de la Vie ?"
Littératures précolombiennes du Mexique, Miguel León-Portilla

C'est une très belle poésie et on pourrait dire exactement la même chose aujourd'hui car nous avons toujours les mêmes interrogations par rapport à la vie et par rapport au passage éphémère sur cette Terre. Et lui, il aimait les fleurs, c'est un beau poème... 

III - 3  L’INDE DE BÉNARÈS, SPIRITUALITÉ-ÉTERNITÉ

La spiritualité indienne me nourrit également énormément, bien que je n'ai jamais eu la chance d'aller là-bas. Je voulais citer Pierre Loti, qui est un auteur occidental parce que, citer les auteurs hindous et les Upanishads etc. c'est un peu difficile à comprendre pour nous mais Pierre loti dit très justement dans son très beau livre L'Inde :

VERS BÉNARÈS CHEZ LES THÉOSOPHES DE MADRAS 
"Un ciel sans Dieu personnel, une immortalité sans âme précise, une purification sans prière…"
Je trouve qu'il a tout dit dans cette phrase. Et plus loin : 
"Et bientôt la pensée immense de cette multitude s’envole vers les insondables au-delà où doivent, plus tard, se fondre et sombrer toutes nos individualités éphémères."
C'est magnifique également et à un moment donné, il cite les brahmanes qui comparent leur philosophie à la nôtre, ils disent :
Les brahmanes : "Notre philosophie (indienne) commence là, où la vôtre finit."

Et pour avoir lu pas mal de philosophes occidentaux et les philosophes hindous, je partage parfaitement cette pensée. C'est mon avis personnel. Donc là, on peut voir une petite sérigraphie Shakti-Yoni où on voit un yantra, comme ça ; c'est le cercle et le Carré, tout simplement. Il faut dire que les Hindous parlent souvent du vide et les bouddhistes également, c'est une notion que j'aime appréhender dans mon travail. Ça c'est aussi une sérigraphie Shakti-Yoni. Et voilà une autre sérigraphie avec un cerf qui provient d'un dessin d'une grotte préhistorique. Là, on voit également un yantra et ça correspond parfaitement au terme shakti-yoni, car on voit le carré qui est le yoni et les points qui sont des Iingams, les éléments féminins et masculins. Et toutes ces interconnexions entre l'Homme et la Femme, créent ce que nous sommes aujourd'hui : La VIE ! Voilà, donc, nous avons fini cette petite conférence, je vous remercie d'être venus, si vous voulez découvrir mon travail plus en détail, vous pouvez voir mon site Internet (j-psergent.com) et puis j'ai mon atelier qui est situé à Besançon. Si éventuellement vous souhaitez poser des questions ?


4/4 :  IV QUESTIONS & RÉPONSES - Voir la vidéo

Public
: C'est plus une réflexion générale ; je suis venue voir l'exposition le jour du vernissage et puis, je n’avais pas trop compris les choses ; et là, quelque part beaucoup de choses s’éclairent et je sens une énorme vitalité, une vitalité de mort, de dépassement, de spiritualité… Essayer un petit peu de communiquer, dans ce bas monde où les questions sont très matérielles, très sommaires et où, vous essayez de communiquer à votre manière, votre spiritualité et je sens une énergie phénoménale au travers de votre parcours et ce qui est intéressant de savoir, c'est comment vous en arrivez là, à créer cette énergie vitale, à ce besoin d’exprimer tout ça ?

J.P.S. : Oui, je comprends, c’est une très belle question, il faudrait que je vous raconte toute ma vie bien sûr. Merci pour votre question, cela soulève beaucoup d'interrogations par rapport au public, parce que, comme vous l'avez dit tout à l'heure, je trouve que le public français ne rentre pas du tout dans mon travail ; il ne sent pas du tout cette énergie. Et donc, c'est pour cela que je fais beaucoup de vidéos pour expliquer d’où je viens. Je suis né à Morteau, pas très loin d'ici, la ville où est née Christine également, la Directrice de la Galerie, et la nature est magnifique dans cette région et il se trouve que j’ai également eu la chance d'élever des chevaux pendant une dizaine d’années, des chevaux américains (Appaloosas & Quarter Horses). J'ai eu la chance d'étudier l'Architecture puis l'Art à l’École des Beaux-Arts à Besançon donc, tout ça ce sont des pistes. Mais comme je l'ai dit précédemment, rien n'a été aussi fort que ma présence en Égypte où j'ai eu comme une espèce de révélation cosmique dans les temples où je suis entré dans une cellule carrée, cubique et au plafond, il y avait aussi un un puit de lumière carré et j'essayais toujours de m'éloigner un peu du public pour avoir cette révélation ; je fais une digression mais l’Art, c'est une initiation quelque part et donc, il faut pouvoir être initié ; je pense ça sincèrement. C’est comme Gainsbourg disant que la chanson est un art mineur et la peinture un art majeur. Et je pense comme lui, que l’Art, c'est quelque chose de majeur. Donc, j’ai, quelque part, eu la chance d'être initié ; j'ai fait une expérience cosmique (comme on l'appelle) que j’ai continuée, par la suite dans mes transes chamaniques à New York. Et donc, d'avoir fait cette expérience, c'est-à-dire que comme j'en ai parlé tout à l'heure avec l’Axis Mundi, on se décorpore et on rentre un peu dans l'univers. Ça m'est arrivé, comme ça, sans jeûner, sans rien faire, c’est ce que l'on peut appeler une révélation… mystique. Et avoir vécu ça, avec tellement de force qu'après les autres choses ne m'intéressent plus… La peinture, 'so what', ça me fait royalement chier et quand je vais dans les musées… Ça ne me parle plus du tout et c'est très, très important de le dire… Pour citer des artistes, j'ai un peu suivi la voie de Jackson Pollock, qui a eu la chance de rencontrer les Indiens Navajo qui travaillaient sur le sol ; c'est ainsi qu'il a trouvé son énergie (et décidé de peindre au sol). L'énergie, il faut la trouver. C'est vrai, parce que notre société nous l'enlève en quelque sorte ; elle nous formate forcément, c’est le gros problème. Par la suite, ce qui a aussi développé toute mon énergie et ma conscience, c'est de vivre à New York, qui est un milieu totalement multiculturel. J’ai eu la chance d'avoir des amis qui venaient du Japon, mon épouse était d’origine colombienne, j’ai eu des amis mexicains, japonais, des amis africains ; donc nous apportons tous avec nous, notre bagage culturel et forcément, ça nous enrichit ou ça nous appauvrit. Car il y a des gens qui refusent la diversité ; on a bien vu ce qu’il s'est passé, il y a juste une quinzaine de jours avec les élections, ici, en France. Beaucoup de gens se referment sur eux-mêmes parce qu’ils pensent qu'ils seront plus forts ; moi, je pense l’inverse parce que c'est ma démarche artistique qui m'a démontré ça, par A + B, qu’on était plus fort en s'imprégnant de différentes cultures, en lisant différents livres, c’est une question d'enrichissement. Est-ce que vous voulez poser d'autres questions ?

Public : Ça me renvoie la vie au travers de la mort. C'est-à-dire cette énergie au travers de toutes les morts, c'est moi qui pars dans mes digressions, ce sont des questions qui me travaillent pour l’instant.  

J.P.S. : Pour rebondir, c’est vrai que la mort nous assomme à chaque fois et il faut pouvoir rebondir et cette énergie vitale, j'en parle souvent. Une fois j'étais allé à New York dans une ‘party’, une fête et j'ai vu une femme Indienne à l'autre bout de la pièce ; cette femme dégageait une beauté et une énergie incroyables et je vais lui parler et elle m'a dit "Tu sais, il faut être deux pour pouvoir sentir cette énergie." Donc, c'était un compliment qu’elle me faisait et c'est un compliment que je lui faisais et en fait, c'était un Maître Yogi, c'est hindou et donc je pense qu'on s’est connecté ; moi, je ne suis pas un hindou mais j'ai la chance, peut-être, d'avoir cette énergie. Peut-être parce que je suis artiste (it's a blessing and a curse), c'est à dire, que c'est une bénédiction et une malédiction. On ne sait pas d’où ça vient, c’est peut-être la naissance, c’est peut-être le karma qui sait ? mais bon, je crois très fort à ces énergies. On sent qu’il y a des gens qui sont des sages et d'où viennent-ils ? Peu importe où ils sont nés. Ce que l’on dit aussi, c’est que ce sont de vieilles âmes. Il se trouve que j’ai rencontré mon amie Marie-Madeleine Varet, qui est philosophe et avec laquelle, j’écris beaucoup de textes et on filme également beaucoup d’entretiens vidéo. Elle a tout de suite flashé sur mon travail. Elle a vu une oeuvre dans une Galerie, elle m’a appelé le lendemain et depuis lors, on est devenu amis et on communique énormément, oui, sur la philosophie, sur l’Art, sur la vie. 

Public : Je disais que dans tes présentations, il est beaucoup question de rituels, des rituels qu’on a un peu perdus dans nos civilisations et ça m’a fait penser à cette période de Covid où il n’y avait plus de rituels pour les morts, pour tous ceux qu'on a enterrés à la va-vite, moi, je trouve que c’est tellement important les rituels et à quel point ça empêche, s’ils ne sont pas réalisés, pas faits, ça empêche de faire ces passages et puis de continuer les choses ; mais il y a quelque chose qui ne s’est pas fait, pour beaucoup de familles, qui ont perdu des personnes lors de ce Covid et on a vu à quel point ces rituels, quand ils ne sont pas là, perturbent beaucoup l'évolution des gens, des familles, etc. 

J.P.S. : Donc, je vais répondre à Christine bien sûr. C'est une chose choquante que ce pitoyable rapport à la mort car nous devenons juste des produits, des objets jetables, comme ça ; mais comment faire ? Nous sommes, ici, surtout en France, une société très séculaire, très athée et on voit que les églises ferment, les rituels funéraires disparaissent dans les églises et on ne sait plus comment enterrer les morts parce que faire un rituel civil, si on ne croit pas en l’Au-delà, ça n’a aucun sens, autant le mettre dans la poubelle quelque part. Il faut être quand même en accord avec ce que l’on croit, c'est très compliqué. Peut-être que les artistes sont là pour ouvrir quelques pistes mais moi je n’en ai pas, je parle de ce qui a existé et j'essaie de le partager. Je suis allé l'autre jour, à l'enterrement du père d'un ami et bien sûr, cette cérémonie était sous l'égide chrétienne, c’est-à-dire que l’on a fait le rituel que l'on sait faire ici, en France et bon, on peut regretter que ces rituels disparaissent mais si les gens ne croient plus en Dieu, pourquoi les continuer ? Nous sommes entrés aujourd'hui dans une  société que l’on peut appeler post-culturelle, post-religieuse et voilà, il faut que l’on se débrouille… Peut-être par soi-même, je ne sais pas, je n’ai pas la solution. 

Public : Jean-Pierre, moi, je suis un peu surpris là-dessus, tu ne mets le rituel de la mort que par rapport à la religion, il existe hors religion aussi le rituel de la mort, ça peut se faire. J’ai été également surpris dans ta présentation, quand tu as mis les concepts des civilisations passées, versus les concepts de notre civilisation. Je trouve que tu as beaucoup embelli les civilisations passées et que tu as beaucoup noirci nos civilisations actuelles. Alors, c’est certainement ta perception et je voulais savoir, pourquoi tu avais fait ce choix, qui me paraît peut-être discutable ? Parce que tu as beaucoup noircit la nôtre et beaucoup embellit le passé !

J.P.S. : Premièrement, un Artiste n’a pas à se justifier mais je répondrai à ta question. Oui, un artiste n'a pas de 'morale' et n'a pas à se justifier de ses choix ! Je parle de ce qui me touche, parce que j’ai senti cette grande disparition de ces choses magnifiques ! Et bien sûr que notre société est magnifique aussi ! Quand on va à New York, c'est superbe ! Mais malgré tout, pour moi, on a perdu beaucoup. Mais chacun ressent les choses à sa manière. Tu sais qu'en ayant vécu dix ans à New York, c’est quelque chose qui est quand même violent : il y a des artistes qui vont là-bas, ils restent deux mois et ils se barrent. Moi, j’ai tenu quand même dix ans et c’est la ville la plus compétitive au monde. Je ne te parle pas de vivre ici, à Sauvigney les Gray où l'on puisse ressentir les même choses ; mais en ayant vécu dans des grandes métropoles comme ça, on se pose quand même des questions sur comment on fonctionne ensemble ? Mais tu as tout à fait raison, je sais, oui ! Mais c’est le parti pris d’un artiste, oui !  

Public : Cette pulsion de vie, que vous semblez embellir par les traditions, qu'est-ce qu'elle devient aujourd'hui ? Cette pulsion de vie, elle existe ? Elle ne se matérialise pas pour vous ? Dans ce monde là ? Est-ce qu'elle est sublimée ? Est-ce que vous ne voyez pas de points positifs dans notre pulsion de vie, ici, dans cette société ?

J.P.S. : Je vais répondre par une paraphrase ; j'étais à Mérida dans le Yucatan, (je parle ici d'autre chose) et j'ai pensé la chose suivante : on ne marche pas de la même manière à Mérida donc au Mexique, qu'à New York. Ça veut tout dire, c’est-à-dire que notre esprit est embrouillé par mille choses. Moi, quand je vais  faire mes courses dans un supermarché, j'ai envie de pleurer ; parce que la communication n'existe plus quelque part et c’est un peu ça que je dénonce. Après c’est un parti pris, bien sûr. Mais vous savez quand on a touché à quelque chose de très fort, de très "spirituel" entre guillemets, on a du mal à revenir en arrière, au quotidien. Les deux mondes cohabitent bien évidemment, bien sûr ! On est tous confronté à la vie, à la mort, à la souffrance… Tout cohabite ensemble mais, pour avoir vécu dans d’autres lieux ; les gens, en France, ont un peu cette 'énergie' spirituelle éteinte. Peut-être parce que les français se construisent de manière plus intellectuelle, plus que de manière corporelle ; c’est là où est la différence ! comportement corporel et spirituel que vous.

Public : J’ai un petit peu de mal à vous poser cette question parce que je n’ai aucune capacité créatrice et moi, vous voyez, je réagis. J’ai aimé parce que ça m’a plu, certainement que ça résonne en moi. Mais la question que je voulais vous poser, parce que je suis touchée par la quête de spiritualité qui vous anime mais moi, j’ai du mal à partager quand vous parlez d’énergie, etc. Par contre, j’ai été touchée et je suis un peu d’accord avec Monsieur, quand vous avez mis tellement d’oppositions, (on vous comprend) mais vous avez parlé de simplicité, vous avez parlé de nature et il y a un mot que je n'ai pas entendu et c'est la question que j'aimerai vous poser, c'est la question de la rencontre ? Et de la rencontre avec l'humain ? Avec l'humain des personnes que vous avez rencontrées et dans tout votre exposé, on sent combien vous êtes touché, combien vous êtes attiré, combien vous partagez, etc. Mais vous ne nous avez transmis aucun échange, vous en avez eu puisque vous nous avez dit que vous aviez des amis presque dans le monde entier mais vous nous avez retransmis aucun échange. Moi, j’ai eu une expérience professionnelle où je n’ai été que dans le relationnel, y compris par l’intermédiaire du corps et j’ai du mal, si vous voulez, à faire le passage vers l’énergie, le cosmos. Même si je suis tout à fait d’accord avec les rites, ça je suis tout à fait d’accord mais pour moi, le rite n’a un sens que s’il est vécu entre humains et qu’il est incarné. Donc, c’est un petit peu ça, mais je vous interroge parce que je pense que vous auriez des choses à nous raconter, pas au niveau de l’anecdote, si vous voulez mais au niveau, justement des rencontres si fondamentales que vous avez pu faire ? 

J.P.S. : Bien évidemment, ce n’était pas le thème de cette conférence mais je vais quand même vous raconter une anecdote pour illustrer de que vous dites. J'ai eu la chance d'exposer au ‘Plaza Hotel’ à New York et au ‘St. Regis Hotel’ qui sont des hôtels cinq étoiles et j'ai eu la chance d’y exposer avec des amis qui était d'origine Crow, de la tribu des Crows. Les femmes Crow portaient des robes et souvent sur ces robes, elles cousent des dents d'élans et plus la femme est âgée, plus il y a des dents dessus. Il y avait donc la mère et sa fille et à côté, il y avait deux artistes qui étaient des hommes. Et il y avait un artiste qui voulait échanger avec moi une sérigraphie ; on était d'accord sur une sérigraphie ; je vais vous parler de l'échange… De ce que c'est que l'échange. Moi, j'avais choisi une petite oeuvre qu'il avait faite, il y avait le chef de la tribu et lui, était vraiment un artiste mais il dessinait les indiens comme on le voit d'habitude (pour les touristes), avec les plumes, les chevaux et tout ça... Et cependant, il avait fait une œuvre personnelle dans laquelle il racontait sa vie, une petite oeuvre grande comme ça (un collage)  et je lui ai dit, je t’échange avec ça ! Et donc, la foire a durée deux jours et il me dit je vais attendre la fin de l’expo… Et le dimanche je vois donc… Le cheminement des stands était comme ça : lui était là, moi j'étais là, tout au fond avec des sérigraphies qui sont montrées ici, la série des ‘Beauty is Energy’ et donc, soudain, je vois un américain… énorme, on sentait qu'il buvait de la bière et tout ça… Et le mec, il a pointé son doigt et a acheté l’oeuvre que je voulais. Alors là, l'artiste était bluffé et il m'a dit interloqué :  "- Mais tu le savais toi !" Il pensait que j'étais un chaman et bien, l'Américain savait aussi que c'était une Œuvre d'Art, que ce n’était pas quelque chose de commun, de banal… Il avait transcrit et intégré son énergie vitale dans cette œuvre-là. C'est juste une anecdote pour vous raconter. 

Public : Oui, ça passait par là !

J.P.S. : Voilà, ça passait par là, bien sûr mais bon, on ne peut pas raconter sa vie en quelques phrases… 
Vous avez d’autres questions ? Non ? Écoutez, merci beaucoup, merci à Christine d'avoir organisé cette exposition et cette conférence.

Christine Herrgott : Merci à vous tous d’être venus et merci Jean-Pierre pour cet éclairage. 

J.P.S. : Je vous en prie.


EROS UNLIMITED AU MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE BESANÇON | 14 FÉVRIER 2020 - Télécharger le PDF (150 KB)

Remerciements : MM. Nicolas Surlapierre, Nicolas Bousquet, la Ville de Besançon & les étudiantes du LP METI (transcriptions : Florine Beligny, Laura Bernardino, Lena Bertrand, Laurie Chardon, Maïlys Pudil et Léa Ternat)


1/3 : LES ŒUVRES NON-EUROPÉENNES OU PRÉ-MONOTHÉISTES - Voir la vidéo

Nicolas Bousquet : Mesdames et Messieurs bonsoir ! Bienvenue à cette soirée de la St Valentin où nous allons, je l'espère, apprendre énormément de choses sur l'art et l'érotisme grâce à Jean-Pierre Sergent, qui nous fait le plaisir et la joie d'exposer, à la foi des œuvres au musée depuis déjà quelques mois : Les quatre piliers du ciel dans le hall du musée mais depuis ce soir, voyez cette sélection de sérigraphies Eros Unlimited, qui est aussi le nom de la conférence de ce soir ! Donc Jean-Pierre Sergent, va nous parler de son travail, de l'érotisme dans l'art, des origines quasiment jusqu'à nos jours et il reviendra pour une rencontre avec Thierry Savatier, historien de l'art et auteur d'un ouvrage de référence sur l'Origine du monde, le dimanche 22 mars, pour faire dans ce même lieu une autre conférence. Donc vous y êtes les bienvenus évidemment et donc je laisse la parole à Jean-Pierre en vous demandant s'il vous plait d'éteindre vos portables pour qu'on ne dérange pas la conférence. Voilà bonne soirée !

Jean-pierre Sergent : Merci, merci !

Bonsoir à tous. C’est vraiment un plaisir d’être ici devant vous dans ma ville parce que ça fait longtemps que je vis à Besançon. Ça fait maintenant 14 ans que je suis ici, après avoir passé 10 ans à New-York. Je vais vous parler un peu de mon histoire et des œuvres d’art que j’ai rencontrées au travers de ce périple de la vie d’artiste, depuis une quarantaine d’années. C’est vraiment un travail de longue haleine d’être artiste et quand les gens pensent à 20 ans d’être artiste, je pense qu’il faut au moins 20 ans plus 20 ans, il faut vraiment acquérir une maturité : à part des artistes comme Basquiat qui a pu rencontrer l’énergie très rapidement.

- I-1, La reproduction, la continuité génétique & les patterns

Donc, je voulais parler premièrement des pôles totem Asmat de Nouvelle Guinée. Ce sont des pôles qui sont au Metropolitan Museum, enfin ceux-ci sont en Nouvelle Guinée et ça parle vraiment de la généalogie de l’être humain. C’est-à-dire qu’ils racontent dans ses pôles… Voyez,  ça c’est dans les Upanishad.

"Des milliers de fois auparavant, j’ai vécu dans la matrice d’une mère, j’ai pris plaisir à une grande variété de nourriture et je fus allaité à tant de seins maternels que je naissais et mourrais de nouveau et continuellement, je renaissais une nouvelle fois."

C'est la pensée hindoue qui nous dit ça, c’est-à-dire que nous, nous pensons que nous sommes uniques mais eux, pensent que nous sommes connectés à un esprit cosmique. Ces totems, je vous en ai parlés. C’est une œuvre qui m’a vraiment influencé à New-York parce ces œuvres montrent, en fait, la continuité généalogique ; en général,  vous avez les grands-parents, les parents et puis l’enfant qui est au-dessus, qui sort d’une éjaculation masculine.

L'homme qui éjacule et ses trois enfants !

Il y a assez peu de femmes, parfois il y en a, mais souvent ce sont des sociétés patriarcales et  parfois c’est une société assez violente, puisque finalement, pour nous, ils étaient cannibales. Mais leur art est très, très fort et puissant ! C’est en voyant ces œuvres que j’ai compris qu’il me fallait faire un travail assez fort, ce que j’espère faire maintenant. Voilà, là on voit bien, au-dessus l’homme qui éjacule et les enfants qui naissent comme ça. Par exemple il y a ici trois enfants. C’est vraiment magnifique et c’est sculpté d’une manière assez phénoménale, assez méticuleuse et il faut dire que ce sont des pôles qui font 3 à 4 mètres de haut ou même plus. Ces œuvres sont au Metropolitan Museum. Quand on est devant ça on est devant une énergie que l’on pourrait appeler génétique et cosmique. Et chez ces Asmats, comme chez beaucoup de peuple auparavant, ils vivent avec leurs ancêtres. Ils travaillent le corps des ancêtres et ils les ornent de plumes, de coquillages et vraiment ce sont des œuvres très très fortes, qui m’ont donné envie de travailler sur le sujet de la sexualité et la mort.

Les patterns génétiques

Je voulais parler ici, bon on saute un peu du coq à l’âne, je voulais parler des patterns (motifs) que j’utilise beaucoup dans mon travail, on peut expliquer que ce sont tous des patterns génétiques comme on en a parlé tout à l’heure, avec le père, la mère, le fils et la fille. Et ça s’intrique comme ça. Il y a un écrivain qui a écrit un très bon livre qui s’appelle Patterns that Connect, dont on verra la photo plus tard et je m'inspire beaucoup de ce livre, parce que nous, on pense que ce sont des choses complètement figuratives, décoratives mais pour eux ça a une signification profonde. C’est vrai que ça les entre dans cette connexion dont on a parlé tout à l’heure. Voyez, par exemple,  j’ai pris cette photo dans un musée et après la photo suivante,  on verra ce que j’en ai fait dans une œuvre. Là,  je vais parler des dieux et des déesses fertiles et sexués. Parce qu’il faut dire qu’en Occident, le dieu ou les dieux ne sont pas sexués. Ça pose quand même un problème à la pensée humaine!

- I-2, Les Dieux et les Déesses fertiles et sexués...

Les vénus préhistoriques

Voici la Vénus de Hôhle Fels, Allemagne, -35 000 BC. Il faut dire qu’au départ, ces sociétés préhistoriques, paléolithiques, avaient besoin de fertilité. Ils ne savaient vraiment pas comment on se reproduisait quelque part, ils n’avaient pas relié la sexualité et la maternité et tout ça. Mais ils avaient quand même conscience qu'il fallait que la femme soit généreuse quelque part, abondante dans sa chair pour régénérer le monde et les nouvelles générations. Donc c’est une très belle statue. Aussi,  cette petite statue d’Iran, c’est magnifique vraiment, ça fait penser à certains artistes contemporains d’aujourd’hui. On voit des tatouages. Bien sûr,  on a perdu des œuvres, parce que beaucoup d’œuvres d’art faites à cette époque-là étaient aussi faites sur des vêtements sans doute et tout a été perdu. Il nous reste quelques statues sur os ou sur pierre ou dans les cavernes. Voilà aussi une belle statue qui est de France, la Venus de l'Abri Pataud, - 20 000. Ça c’est une déesse iranienne encore, qui est magnifique. J’ai trouvé ça sur internet, on voit les seins sont bien notés, le pubis aussi avec la fente. C’est très important parce qu’il faut penser qu’en Occident, le sexe n’est jamais signifié avec la fente pendant au moins 500 ans. Et bien sûr,  le sexe de l’homme en érection n’est jamais signifié non plus.

Les statues indiennes

Ça, c’est en Inde :

"Les femmes sont montrées nues, présentant leur vagin aux fidèles en souvenir du samasara, porte d'entrée dans le monde de la vie, du plaisir, de la souffrance et de la mort."

Il ne faut pas oublier qu'il y a le plaisir et la souffrance et la mort bien sûr qui nous accompagnent tout au long de notre vie… C’est une très belle statue, il faut voir les temples en Inde, je n’ai jamais eu la chance d’y aller mais j'éprouve toujours devant ces œuvres un sentiment de joie et aussi de non-terreur parce qu’on est terrorisé en Occident, parce que l’Occident est terrorisé et angoissé par la sexualité !
Voyez ces temples, vous montreriez ça aujourd’hui dans un musée, le musée fermerait ! Ça pose un grave problème, il y a quand même des scènes de fellation, de sodomie… Ils s’en donnent à cœur joie. Certains temples sont décorés à l’extérieur et sont vides à l’intérieur pour représenter la matrice, le lieu où on est créé si vous voulez. C’est magnifique ces statues, vraiment ! Voyez ces statues, on peut penser à des porno stars d’aujourd’hui qui ont ces corps là, mais ça s’est environ 200 après JC. Les hindous avaient compris cette sensualité parce que d’une part, ils vivent dans des pays tropicaux et forcément la nature et la nourriture sont plus sensuelles et donc bien évidement les hommes et les femmes sont plus sensuels, ça coule de source. C’est un ensemble. J’aime beaucoup les sociétés mayas aussi pour ça. Là, vous connaissez tous le Kâmasûtra, on voit que l’acte érotique est bien signifié. La femme prend son plaisir, l’homme aussi. Il faut dire que ces petites miniatures étaient sans doute pour la cour de certains princes. Mais ce sont des images qui étaient quand même assez raffinées… Parce qu’en France, les dessins érotiques étaient vraiment, je vous le montrerai tout à l’heure, tragiques quelque part, tragico-comiques. Voilà encore une statue avec, à côté, le lingam qui est le symbole phallique en Inde. Ce sont des lingams en pierre qui font peut-être 1 à 2 mètres de haut. Les deux côtés masculins et féminins sont honorés dans ces sociétés et je trouve que c’est très intéressant. Voilà une trace de vulve au sol ; souvent,  ce sont les femmes qui tracent ces œuvres-là dans la glaise ou dans le sable. C’est beau, tout simplement. C’est un Yoni tracé dans le sol, vulve symbolisant la force de la création féminine Shakti. Ici vous avez le schéma du lingam et du Yoni, donc il y a les dieux qui sont intégrés aussi dans ce schéma sexuel, il y Vishnu et Brahma le créateur. Je trouve cela fabuleux, vraiment c’est magnifique ! Encore une image érotique, voyez ça c’est un homme et une femme royales faisant l’amour, c’est en Inde classique. Je voudrais revenir un peu là-dessus, on voit la déesse Kali qui se décapite lors d’un coït pour régénérer le monde. C’est-à-dire que toutes ces sociétés traditionnelles ont la notion de sacrifice, c'est à dire que la vie n’arrive pas comme ça par hasard. Quelque part, il y a d’autres personnes qui se sacrifient ou la nature se sacrifie pour que nous puissions vivre.

La danse des chimères
"Le lac brille, on entend sa voix, il mâche son copal,
les chasseurs parlèrent, avant de commencer la danse,
mais puisque les dieux veulent se nourrir 
de leurs créatures et n’existeraient pas
si leurs créatures en vivant ne les nourrissaient,
exister c’est nourrir les dieux,
la peinture demande l’aliment des yeux
et n’existerait pas si les yeux ne la nourrissaient,
c’est en voyant seulement qu’on peut nourrir la peinture,
et voir n’est pas voir seulement avec les pupilles des yeux-dieux mais voir avec les yeux de tous ceux qui voient." 
Miguel Angel Asturias, Messages indiens 

Ici, on voit Kali qui copule et son deuxième moi, son âme ou son corps éthérique se décapite, le sang jaillit de son cou et ses servantes récupèrent son sang. Symboliquement, ce sont des œuvres qui sont très fortes. Et je pense que les psychanalystes peuvent se pencher là-dessus pendant des années sans rien comprendre. C’est quelque chose, c’est cette énergie cosmique dont on peut parler ici. Il y a aussi quelques nénuphars en bas, nénuphars symbole de sagesse, d'achèvement et d'éveil du Buddha. Je voulais parler d’un film que j’affectionne particulièrement, c’est La route des Indes, où une anglaise arrive en Inde et et où elle voit toutes ces statues sensuelles indiennes et ça booste sa libido, c’est qu’elle n’avait pas (ou plus) de libido comme beaucoup d’européens. Les statues indiennes travaillaient sa libido et sa sexualité. Et elle avait inventé une histoire que le guide indien, qui était médecin, l’avait violée dans des grottes. C’est un très, très beau film que je vous conseille de regarder quand vous en aurez le temps.

Ici on voit le vide métacosmique, c’est-à-dire que pour les hindous, tout est créée, on peut expliquer ça comme un big bang cosmique. Là il n’y a pas de point bindu en général il y a le point bindu au milieu. Les triangles féminins sont vers le haut et les triangles masculins vers le bas. C’est toujours cette intrication sexuelle, et c’est le commencement du monde dans l’océan originel avec l’intrication des triangles féminins et masculin dont je viens de parler. C’est comme une matrice où le monde se crée et où l’être humain est créé. Ça change de la création biblique. Ça c’est un travail que j’ai fait en rapport avec ce yantra, dans lequel j’ai ajouté le point bindu au milieu.

Ça c’est une peinture sur un vase mexicain. Il n'y a pas tellement d’érotisme c’est tellement érotique si vous voulez… Ce sont des guerriers ou des nobles mayas et quand vous voyez leurs costumes, ils ont intégré toute la nature qui est autour d’eux. On voit des serpents sans doute, on voit les plumes. C’est un monde en eux-mêmes, c’est une cosmogonie en eux-mêmes. Ils appartiennent au monde et ils représentent le monde, et je pense quand on devait être devant des personnages comme cela ça devait être sacrément impressionnant ! Ce n'est pas le ridicule Louis XIV ! C’est autre chose ! C’est une dimension cosmique vraiment ça…

Il se trouve que j’ai eu la chance de voyager quelques fois au Mexique avec mon amie Olga, où j’ai eu la chance de découvrir le Musée d’Anthropologie de Mexico et donc là c’est la déesse Coatlicue, la déesse de la fertilité et de la Terre en mythologie aztèque. Et donc, ça c’est pas du tout la Vierge Marie voyez : ça dégage, ça envoie quoi ! Parce qu’elle a une tête de serpent, autour d’elle, elle porte des crânes de morts, des cœurs : c’est vraiment une statue sacrificielle, régénératrice. Je vais lire ce texte-là : "Elle est représentée comme une femme portant une jupe de serpents entortillés, un collier de cœurs humains, de mains, de crânes. Ses pieds et ses mains sont ornés de griffes (pour creuser les tombes) et ses seins pendent, flasques d’avoir beaucoup allaité. Si Coatlicue porte sur sa poitrine les mains, les cœurs et les têtes de ses enfants c’est pour les purifier."

Ça, c’est vraiment la déesse mère par excellence avec une force tellurique incroyable. Parce que les mayas sont bien sûr polithéïstes et pour eux c’est leur mère, la déesse Coatlicue. Et je voulais vous lire cette phrase parce que ça me fait mal au cœur…

"On racontera plus tard que quelques indigènes s’introduisirent le soir en cachette pour déposer des couronnes de fleurs sur cette statue. Une preuve que, en dépit des plus grands soins déployés par le clergé espagnol (les pauvres cons !), en 300 ans, il demeurait toujours un reste de croyance païenne parmi les descendants des autochtones."

Et ça, c’est terrible ce que l’Eglise catholique a fait envers ces peuples-là, tous les indiens qui ont été massacrés… C’est un génocide incroyable (un ethnocide même !). Bon, bien sûr les églises se sont un peu calmées aujourd’hui, mais il y’a d’autres monothéistes iconoclastes qui détruisent beaucoup de choses, mais c'est important de savoir que tous ces peuples ont été dépossédés de leurs cultures, voilà !

"Coyolxauhqui est la fille de Coatlicue, celle qui a des grelots peints sur le visage. Et la déesse de la Lune, chez les aztèques elle est la fille de Coatlicue : on dit qu’elle avait dressé les étoiles contre sa mère en apprenant que celle-ci était enceinte."

On voit la jalousie dans les mythologies, partout ! C’est un sentiment un peu triste, la jalousie, enfin bon ça existe aussi… Et c’est aussi une œuvre qui est magnifique ! Très, très belle…

Éros & l'Égypte

Ça c’est une statue égyptienne qui est au Louvre, toute petite et j’ai fait aussi une sérigraphie après avoir pris cette photo. Voyez la robe qui est vraiment contemporaine, c’est un design impressionnant. Je parle de sensualité, je ne parle pas de sexualité mais malgré tout c’est… ça provoque du désir de voir cette femme. Là, l’image n’est pas terrible c’est Geb et Nout, la création du monde. Or, on voit bien le dieu qui… qui bande quoi en deux mots ! Et la déesse Nout qui le reçoit, la déesse Nout c’est la déesse du Ciel et des étoiles et Geb c’est le dieu de la Terre. Donc il y a cette rencontre entre le ciel et la terre, unis par le pénis… C’est très très beau, c’est une image magnifique. Là on voit un dieu ityphallique Katoumef. Bon, on ne voit jamais le dieu chrétien… ityphallique, ça n’existe pas dans nos religions, c’est triste !


La beauté de l'éternite Égyptienne

Ça, c’est une photo que j’ai prise au Metropolitan Museum ; c’est le visage d’une statue égyptienne sur un sarcophage égyptien et j’ai vraiment toujours été amoureux de cette momie, c’est vraiment un visage qui m’émeut particulièrement. C’est une momie qui a plus de trois ou quatre mille ans on ne sait pas ! Mais ce visage est tellement sensuel et serein, qu’il m’a toujours beaucoup ému.

Ça, c’est aussi une petite statue qui est au Louvre, et les 13 points vitaux ont été transpercés par des aiguilles de cuivre, pour demander l’amour absolu et éternel d’un amoureux(se) ! Bon on est la St-Valentin, vous pouvez faire ça aujourd’hui, sauf qu’il faut que ce soit enterré dans la tombe de quelqu’un qui est mort de mort violente, donc là je sais pas si vous connaissez des criminels ce soir, mais bon voilà ! Ils ne plaisantaient pas avec l’amour là-bas ! Et cette petite statue était entourée d’une feuille de plomb, où il y avait écrites toutes les formules magiques pour s’accorder l’amour éternel de l’être aimé : j’adore cette statue.


La Grèce & Rome

Là on voit la Grèce ou Rome, où les corps commencent à se désexualiser un peu, le sexe est quand même représenté mais on ne voit plus les poils ni la fente, mais bon c’est comme ça et c’est beau malgré tout. Ça c’est une photo que j’ai prise au Louvre, qui est aussi magnifique, elle est très sensuelle cette statue ; j’ai fait un travail sérigraphique avec cette image. Le marbre est superbe, vraiment c’est d’une sensibilité incroyable aussi.

Voici des œuvres érotiques grecques : on y voit le jeu érotique, on sent qu’ils n'ont pas encore cette angoisse occidentale envers la sexualité, le corps était quand même bien honoré sa totalité en Grèce. Pour ceux qui parlent anglais je vous conseillerais la lecture de ce livre The Alphabet Versus the Goddess/ The Conflict Between Word and Image par Leonard Shlain qui a été pour moi très important : j’avais vu cet auteur à l’Open Center à New York et justement il était allé en Grèce et il avait vu ces nus comme ça, dont le sexe n’était pas caché et qui étaient entièrement libres de leur sexualités et de leur vies. Et il s’est dit mais qu’est-ce qu’il s’est donc passé en occident pour que le corps soit autant réprimé dans la littérature et dans les arts ? Et il pense, parce qu’il est de neurochirurgien ; il pense que c’est à cause de l’opposition entre le cerveau gauche et le cerveau droit, le cerveau gauche étant celui du texte (le droit celui de l'image) et il a réfléchit à chaque fois que le texte prenait l'avantage sur le cerveau droit, les femmes étaient réprimées (voir brulées vives !) comme à l’invention de la Bible de Gutenberg, on a pas mal chassé de sorcières, de femmes sorcières, donc ça pose vraiment un problème et c’est un livre qu’est illustré et qu’est vraiment très très intéressant à lire.


Les poteries érotiques Moche

Là, je voulais évoquer la culture Moche (pré-incaïque), ce peuple-là avait une culture d’œuvres érotiques : ils fabriquaient des vases et sur ces vases ils mettaient toujours des scènes soit de fellation soit de sodomie, c’est une culture assez peu connue, mais j’ai eu la chance de voir une belle exposition de ces œuvres là au Musée Ethnologique de Vienne et leurs œuvres me passionnent vraiment, donc à la fois ils servaient de l’alcool on sait pas pour quel rituel c’était fait ? Mais ce sont des œuvres vraiment magnifiques. Voilà donc là on voit une scène érotique aussi.

Ici on voit un homme ithyphallique. C’est marrant parce qu’on sent cette joie d’être en vie.
Ça, c’est une statue amérindienne qui est au MET, j’ai toujours aimé cette photo, on sent que c’est une femme  amérindienne, qui a les pieds sur terre, qui a enfanté, qui est heureuse dans sa sexualité, dans sa vie, enfin bon c’est ce que j’assume, mais c’est une belle présence.

Et je voulais finir ce petit chapitre en disant qu’à Madagascar,  beaucoup de statues sur les tombes présentent des scènes de copulation, ici, on voit une femme très sexualisée pour bien sûr générer la vie, ça nous change un peu nos douloureux Christ en croix. Ça ce sont aussi des statues de Madagascar.


- 2/3, La poésie, le plaisir, le désir et les shungas japonais - Voir la vidéo


Shungas érotiques japonais | images du printemps, époque Edo (1600 - 1868)

Bien sûr, je ne pourrais pas faire une conférence sur l’érotisme sans parler des shungas érotiques japonais que tous le monde connait !

"Ces premières estampes Ukiyo-e furent conçues pour illustrer les manuels explicites sur la sexualité, le sexe était considéré dans le Japon de l’époque, comme une fonction naturelle et un moyen de s’amuser. Donc, ces images qui seraient censurées de nos jours, n’avaient rien de particulièrement choquant."

Bon donc voilà, c’était l’éducation sexuelle de l’époque et heureusement ce sont des grands artistes qui ont illustré ces scènes-là et bien sûr ce sont des œuvres absolument magnifiques. Voilà, les shungas de vulve et c’est aussi superbe les couleurs, vous voyez c’est juste un rouge qui est délié un peu au rose, il y a juste deux couleurs là-dedans ce sont des gravures sur bois (xylographie) je crois. Et là, on voit cette œuvre magnifique en quatre parties, on voit une œuvre de sodomie et c’est vraiment… La façon dont les plans sont découpés, c’est presque cinématographique et bravo à l’artiste qui s’appelle Torii Kiyonaga, 1785. Et bon, en France, on avait des gens qui faisaient des gravures un peu obscènes mais ce n’était pas artistique à ce point-là. 

Voilà un autre shunga. Donc dans ces shungas tout est décrit pratiquement, toutes les scènes érotiques peuvent être décrites. Voilà donc là, on voit une vue avec un immense sexe bon les japonais augmentent la taille des sexes… C’est leur choix ! Nous on a bien la Tour Eiffel !
Une autre gravure érotique… Il y a eu un peu un âge d’or de ces shungas et bien sûr aujourd'hui, ces shungas ont donné les mangas que tout le monde connait. Les mangas érotiques (hentai) au départ, c’était vraiment des grands artistes enfin, qui sont devenus des artistes très célèbres qui ont commencé ça. Et donc, je voulais en venir à l’Occident, voilà l’image d’une vulve en Occident, c’est vraiment à l’opposé de ce qu'on a vu ! On sent toute la morale, on sent presque le déplaisir, on sent une doctrine et donc, ce n'est pas quelque chose qui donne envie ! C’est vraiment la rationalité dans toute sa splendeur. Il faut dire que c’est intéressant, mais l’Occident a perdu cette joie, cette poésie de créer, de procréer et peut-être de la sexualité aussi.

Guatemala | Cantate
Patrie des lumières parfaites, tu étaisla fête mélodieuse, agraire et ingénue,
mais aujourd’hui des bras en croix couvrent tes champs! […]
Patrie dont les plaisirs parfaits naissaient
aussi du son, de la couleur, du goût et du parfum
que maintenant nos sens repoussent horrifiés !
Miguel Angel Asturias, Messages indiens


PARTIE 2/3 : II, ADAM & ÈVE, LE PÉCHÉ, L'ORIGINE DU MONDE & QUELQUES ŒUVRES DE L’ART OCCIDENTAL
 (Voir la vidéo)


- II-1, Adam & Ève, l'exil humain & les mythologies

Là, je voulais parler bien sûr du péché originel et aussi de l’exil humain parce qu’on sait que presque toutes les cultures humaines sont exilées. On dit que le berceau de l’humanité est en Afrique ? Peut-être ? Donc on se sent tous exilés de notre Afrique matricielle. Donc je vais parler de quelques œuvres mythologiques occidentales. Voilà l’Occident, l’image est assez simple, vous avez Ève qui a quand même des seins, mais bon le sexe est caché bien évidemment, le sexe de l’homme (Adam) est caché, il y a le serpent, l’arbre d’Eden mais bon c’est quand même restrictif par rapport à la grandeur et à l’universalité de la conscience ; c’est pauvre, bien que cette œuvre soit très belle, mais humainement c’est pauvre. L’arbre du bien et du mal voilà la moralité. Et là, Adam et Ève chassés du Paradis, c’est assez violent, quand on y réfléchit, c’est-à-dire qu’il faudrait presque aller tuer nos parents parce qu’ils nous ont procréé et qu’ils nous ont chassé de facto du Paradis ; ça crée quand même des générations de timbrés, excusez-moi de le dire, mais pour moi ça pose problème. Encore une fois bon, Dieu créateur donc dans les monothéistes c’est toujours le Dieu qui créée, c’est pas les Dieux, c’est pas les fleurs, c’est pas les arbres, il crée le monde en sept jours. Et les pauvres Adam et Ève sont chassés du Paradis parce qu’ils ont enfanté donc c’est un paradoxe total avec la vie quelque part ! On peut parler d’anti-vie sans se tromper beaucoup ! Voilà alors là, c’est le bel Adam et Ève d’Albrecht Durer qui est au Prado à Madrid. Et donc on voit que le sexe n’est pas figuré, il est caché par des feuilles de vignes ou de pommier, mais malgré tout, j’y reviendrai avec l’illustration suivante, on voit que la femme touche le sexe de l’homme, tout devient symbole et le symbole, ce n'est pas la chose vraie. et le symbole c’est pas la chose vraie. Comme j'en ai parlé tout à l’heure à propos de la déesse Coatlicue… Quand les Aztèques ou les Mayas incarnent un Dieu, ils ont des serpents sur eux. Quand ils régénèrent le monde ils tuent une victime, ils l’écorchent et ils mettent la peau de la victime sur eux ! Ça dégage, c’est pas un truc comme ça à la con, c’est la vraie vie ! La vie est très violente quelque part donc là on est dans une idéologie, mais c’est très beau… Mais on est quand même dans une idéologie complètement hors vie (hors corps !) encore une fois. Vous voyez, on voit le détail là, de la main d’Eve et on peut dire que c’est érotique, le sexe est caché, c’est peut-être plus érotique, mais malgré tout il est caché quand même. Donc comment imaginer notre corps dans sa totalité. Voilà, c’est une image pornographique contemporaine, voilà ce qui se passe dans la vraie vie quoi, enfin bon, pas pour tout le monde.
Et là, on parle de deux œuvres de ce musée, La mort de Lucrèce, de Lucas Cranach dit l’ancien, sont des œuvres très, très érotiques parce que bien qu’il y ait un petit voile, le sexe est quand même indiqué et les seins sont on peut dire en érection quelque part et elle se perce le sein avec ce poignard qui est quand même un symbole éminemment phallique. C’est une très, très belle peinture et il faut dire qu’il faut remonter à 1520, donc ça fait 500 ans que l’érotisme a été un peu bannit des peintures. Celle-là pareil, on sent que c’est une femme qui se masturbe.  Avec la source qui passe là... Il y a aussi d'autres symboles, mais la source et la main vers le sexe : c’est une femme qui se donne du plaisir, pour moi, après chacun à son interprétation, je ne veux pas l'imposer à personne. La pornographie contemporaine a quand même (il y a du bien et du mal !), mais elle a quand même remis le corps dans son entièreté et nous a fait réintégré notre corps dans le désir.
Là, j'en viens à Léda et le Cygne parce que je vais en parler un peu plus tard. Dans ces mythologies, il y a toujours un animal ou un arbre qui crée, c’est-à-dire qu’ils étaient plus en relation avec la nature, cette relation qu’on a perdu aujourd’hui, on a bien définitivement perdu ça. Mais je veux en revenir à ce tableau pour parler de Léda du Cygne. Voilà un tableau de Pierre-Paul Rubens. Forcément, les artistes avaient des vies sexuelles "normales" et donc, ils devaient créer des œuvres dans lesquelles on ne parlait pas du tout de la sexualité, ça pose problème. Ce problème a été plus ou moins résolu avec l’arrivée du XXème siècle et j’en parlerai tout à l’heure! Mais bien sûr que le cygne figure le sexe masculin. Ça c’était toléré dans les musées et on voit bien que la femme suce le bec du cygne, enfin c’est très, très érotique, enfin bon c’est très, très érotique et les artistes étaient obligés de passer par quelque chose d’autre (des métaphores). Donc là, je voulais parler des cygnes justement, parce que moi je fais du canoë et c’est pour montrer que ces mythologies sont complètement arbitraires et fausses, parce que les cygnes ne sont pas des êtres très coopératifs et très gentils. Quand j’ai fait du canoë, j’ai mis mon canoë à l’eau et ce cygne-là a volé à un mètre de haut et il m’a foncé dessus, j’ai pris ma rame et boum ! Je ne l’ai pas tué, parce que ma sœur était là et a pris cette photo ! Mais c’est des sacrées saloperies ! Il faut vous méfier des cygnes ! Donc on se rend bien compte que ce tableau-là, c’est un truc mythologique absurde et purement frictionnel ! Parce que déjà approcher un cygne c’est dangereux, mais alors faire l’amour avec un cygne, je ne vous le conseille pas ! On voit ici la Naissance de Vénus, Botticelli, c’est un tableau très sensuel également, il est magnifique ! Mais c’est toujours aussi le souffle de vie qui arrive par le souffle et n’arrive pas par le sexe, c’est comme ça. Il faut accepter nos faiblesses quelque part aussi. Ça, c’est une statue érotique que j’ai trouvé sur Internet mais je ne sais pas du tout où elle est et je trouve ça fabuleux de mettre ça dans une église sur un tombeau, alors là c’est très fort. Elle est très belle ! Vous voyez il y a trois pénis et la femme est ouverte comme ça, c’est quand même une œuvre très érotique. Je pense qu’elle date peut-être du Haut Moyen-âge ou quelque chose comme ça. Je n’ai pas pu trouver plus d’informations sur cette statue. 


- II-2, Ulysse & les sirènes & quelques œuvres érotiques de l’art occidental - La terreur devant la jouissance féminine

Donc là,  je vais parler de cette sortie du Paradis et d’Ulysse, parce que bien sûr, c’est un peu comme le périple d’Ulysse qui a laissé sa femme à la maison et puis qui revient après dix ans d’absence et sa pauvre Pénélope qui tisse sa tapisserie en l’attendant. Comme je l’ai dit auparavant, on est tous un peu en exil et je voulais vous parler des Sirènes d’Ulysse et de la peur, de la terreur devant la jouissance féminine.

Ici, on voit une statue du Moyen-âge, aux traits grotesques présentant une exagération des organes vitaux, c’est en Angleterre et donc à une certaine période l’église, bon disons Xe ou XIe siècle, les gens montraient encore le sexe mais peut-être pour effrayer le monde aussi, ça c’est assez effrayant quelque part. Je parlerai tout à l’heure d’une artiste américaine qui a repris cette statue dans son travail. Aussi une statue où le sexe est bien marqué là, c’est bien, avec les seins, l’église romane.


Les Vierges Maries (ultra vierges)

Voilà ce qu’on voit à partir du XVe siècle donc la Vierge-Marie ne fait plus qu’allaiter (plus de sexe), c’est-à-dire qu’elle était asexuée, bon je vais pas critiquer, on connait tous l'histoire... Et les hommes sont toujours asexués ou enfantins. Il n’y a plus d’hommes puissants & ithyphalliques comme on pourrait dire. C’est une procréation hors sol (Ex nihilo) quelque part, on pourrait presque dire ça. Voilà, malgré tout, cette image est assez érotique parce qu’elle est un peu contemporaine et ses vêtements font un peu penser à des vêtements sadomasos. J'ai trouvé belle cette image : Madone entourée de séraphins et de chérubins" (1420, Jean Fouquet). C’est pareil, le poupon est un peu empâté, empoté mais c’est intéressant quand même malgré tout. Donc je reviens à Ulysse et ses sirènes, Ulysse à dû se faire attacher sur sa trirème pour ne pas succomber aux cris des femmes, les cris des femmes sont les cris de la jouissance féminine. Pourtant il a eu d’autres aventures au cours de son périple mais malgré tout il a dû se faire enchaîner pour résister à son propre désir. Quelque part vivre en société c’est un peu ça, c’est à dire enchaîner nos désirs pour cohabiter ensemble. Et c’est une image intéressante, cette histoire de s’enchaîner, de demander à être enchaîner pour ne pas accéder à notre énergie vitale, il faut y réfléchir ! Voilà une autre sirène et un centaure. Donc pour parler de la sexualité, on est obligé de s'en découper une partie corps en corps animal. C'est assez problématique ! Voilà Ulysse et les sirènes, c'est une belle mosaïque romaine. On pensait que l’antiquité était une période de grande liberté sexuelle mais peut-être pas tant que ça. Il faudrait y réfléchir quand même.


- II-3, "L'origine du monde", le retour à la maison, la fin de l’exil !

L’origine du monde, je voulais parler de L’origine du monde de Gustave Courbet et je voulais commencer ma conférence avec ce tableau là, mais je voulais vous présenter un peu d'autres œuvres auparavant. Tout le monde en occident le connaît comme un des seuls tableaux représentant un sexe de femme dans l’histoire de l’art et auparavant avant de parler de ça je souhaitais citer Anselm Kiefer qui est un artiste contemporain allemand « l’éthique ça n’existe pas dans l’art car l’éthique et la moralité sont toujours liée au temps, la morale change toujours alors un artiste ne peut pas avoir de moral car sinon il est figé dans le temps » Il faut bien comprendre ça, c’est que nous autres artistes, on est obligé d’être en dehors sinon on fait ce que la société nous dit de faire, Anselm Kiefer et les artistes allemands plus que les français, ont pu acquérir une puissance dans leurs œuvres d’art car ils payaient quelque part la dette de l’Allemagne qui avait exterminé dans le monde et les allemands qui ont fait ces guerres mondiales. Je parlerais plus tard de  pourquoi le corps et la vie reviennent dans la peinture. Il y a des gens qui se sentent coupables quelque part, ou victimes et puis il faut payer le prix fort, on ne crée pas de guerre sans en payer le prix esthétique et aussi émotionnel. Voilà cette peinture ! J’en parlerai plus en détails quand mon ami Thierry Savatier viendra en parler parce qu’il a écrit 2 – 3 livres au sujet de ce tableau là uniquement. Au-delà des anecdotes on voit bien que le sexe, les poils et les lèvres du pubis sont figurés. C’est un très beau tableau qui heureusement n’a pas été détruit. Il aurait pu être détruit et maintenant il est a Orsay et j’ai eu la chance de le voir à New York, il est aussi venu à Ornans également. Pour les occidentaux (les français en particulier), c’est la seule chose qu'ils connaissent du sexe féminin, c’est assez grave ! Enfin, c’est la plus célèbre et voilà une autre image qui y ressemble exactement, c'est une image pornographique contemporaine, là le sexe est plus évident car c'est une photo ! 

Je voulais parler de Gauguin qui s’embêtait tellement en Europe qu’il trouvait triste et grise, qu’il est parti à Tahiti. Il a même aidé à creusé le canal de Panama et il avait inventé cette maison du jouir en 1901, juste au début du XXe siècle. "Soyez mystérieuses, soyez amoureuses, soyez heureuses". C’est un peu une injonction mais c’est un plaisir qu’il a trouvé dans les îles Marquises. Aujourd’hui on aimerait enlever les Gauguin des musées et on arrive à un sacré problème. J’ai un grand respect pour son travail et pour son courage. Voyez cette toile qui est magnifique, voyez les ocres, les rouges, les bleus cobalts, ça fait penser un peu au paradis... Et c’est ce qu’il cherchait… Et ce que l’on recherche tous. 

Voilà une statue de Rodin qui là aussi montre une image de sexe ouvert. Rodin a aussi beaucoup de courage car c’est le corps qui l’obsédait, car les sculpteurs sont plus obsédés par la présence du corps que les peintres car ils ne peuvent pas tricher. Forcément quand on représente un corps nu, il est nécessairement sexué. Voilà cette belle danseuse cambodgienne, 1906 c’est vraiment  magnifique cette sensualité… Et beaucoup de ses artistes étaient allés au Cambodge, au Maroc pour retrouver une sensualité qui disparaissait en Europe avec l’industrialisation, le travail à la chaîne et le désespoir. C’est sûr que les sociétés paysannes et traditionnelles souffraient beaucoup moins de la dichotomie entre la nature, le travail et la société. Encore un autre dessin de Rodin.


Egon Schiele, La douleur érotisée

Là, je passe à Egon Schiele, car tout le monde connaît ses œuvres érotiques, on sent qu'il est tourmenté, pourtant, c’est une œuvre de 1913, juste avant la première guerre mondiale et je pense que la société Autrichienne devait être très angoissée pour que les artistes créent des œuvres aussi tourmentées. Forcément il y avait peut-être des épidémies aussi qui ont changé la face du monde et après la guerre, on va voir d'autres dessins de Schiele où le corps a été tellement maltraité que ça ressort dans ses œuvres. Voici une œuvre érotique, c'est un peu un érotisme de bordel, on sent que c’est un érotisme du désespoir, un érotisme auquel on s’accroche quand on ne croit plus en rien et je pense qu’il a beaucoup souffert. Je ne connais pas sa vie en détail, mais ce sont des artistes qui ont beaucoup souffert comme  Antonin Artaud dont je parlerai tout à l’heure. Ces œuvres sont terribles quelque part ! Voilà un autre tableau de Schiele de 1915. 
Là, je passe à Klimt, on sent que son travail est plus décoratif et zen, il est moins angoissé que Schiele et c’est un peu le « baba-cool » de l’époque et c’est très beau, magnifique, il dit « tout l’art est érotique. » Et on ne peut pas dire quelque chose de plus vrai, C'est à dire que même si on peint des fleurs ou comme Giorgio Morandi des céramiques, des assiettes, des poteries il faut que la sensualité reste. Et là, je voulais évoquer ces Demoiselles d’Avignon et rendre hommage à Picasso, ce tableau, je le connais très bien puisqu'il est au MOMA à New York où j’ai eu souvent l’occasion d’aller le voir et on trouve vraiment, dans ce tableau, ce qu'on peut appeler l’énergie vitale primaire. On sent que ces femmes (qui sont dans un bordel) sont des travailleuses du sexe et qui sont là pour séduire et pour baiser. C’est Eros incarné avec ces yeux à la Picasso, comme ça. On ne sait pas si c’est elles qui nous regardent ou si c’est nous, c’est un effet miroir impressionnant. Un tableau que j’aime beaucoup, et je ne vais pas parler de Picasso longtemps, mais il faut lui rendre hommage car comme Gauguin il a intégré d’autres cultures (l’art africain et nègre comme on l’appelait à l’époque) pour réintégrer cette énergie qui avait complètement disparue de la peinture de chevalet de l’époque. Et donc il a pu ouvrir ce XXe siècle a d’autres expériences et formes de corps, de désirs et on voit que le tableau est rempli entièrement : toute la surface est remplie, c’est vraiment un tableau-énergie ! On peut voir une scène du Moyen Âge où des corps se baignent en toute joie en se touchant un peu, au XVe siècle c’était une époque plus innocente vis à vis du sexe. Là je veux rendre hommage à Amedeo Modigliani, parce que c’est une toile qui est au Guggenheim et que je vais voir souvent. Lui aussi à peint les nus comme ça, on ne sait pas trop qui c’est, mais on sent la sensualité de cette femme qui dort. Je veux parler de la vie des artistes parce que, Modigliani vivait dans une misère totale et le fils de Chagall en parlait à la radio l'autre jour. Son père lui avait dit : "Surtout ne devient jamais artiste, j’ai connu Modigliani et il mangeait les graines que les gens donnaient aux oiseaux !" Et maintenant ce tableau vaut peut-être 30 à 50 millions de dollars. Donc il y a un décalage abyssal entre la création et l’apogée des œuvres des artistes et je pense que la France est un pays qui ne s’honore pas à aider les artistes. Car les artistes qui crevaient la dalle à l'époque, ont souvent été sauvés et soutenus par les collectionneurs étrangers américains et allemands. Là, je voulais parler du Douanier Rousseau, dans ces œuvres, il y a une innocence et une cruauté reliés à ce paradis où on peut vivre librement. Le désir est incarné par les deux lions et il y a cette luxuriance que l’on trouve dans les vases maya, qui me plaît énormément. C’est le tableau de l’innocence.


PARTIE 3/3 : LE RETOUR DU CORPS SEXUÉ, LES ARTISTES CONTEMPORAINS & LES ARTISTES FEMMES AMÉRICAINES - Voir la vidéo

Donc là, je voulais parler du retour du corps sexué avec Frida Kahlo qui est une de mes artistes favoris, bon on sait tous l’histoire de Frida Kahlo, mais en deux mots c’est une artiste mexicaine qui a eu un grave accident de voiture quand elle était adolescente et qui a souffert toute sa vie de douleurs atroces ! On la voit dans ce tableau avec sa colonne brisée et elle est importante car c’est une artiste femme, je reviendrai plus tard sur l’art féminin que l’on connaît très peu et ses tableaux ont une force assez particulière. Là, on voit Frida Kahlo, elle avait fait une fausse couche à l’hôpital Henry Ford et elle décrit vraiment ce qu’est une fausse couche ! Ce n’est pas de la gnognotte comme on dit, c’est vraiment grave. Elle parle de son bassin, de ses os, de son gamin qui est mort et de son corps qui saigne. Tous ses tableaux ont cette puissance-là, évocatrice de ce qu’est la vie réelle quand on va dans les hôpitaux, quand on est dans la souffrance… Et dans la joie aussi ! Là, on la voit, je trouvais cette photo magnifique, elle s’est prise nue, bon c’était un peu une pop star de l’époque ! Elle jouait un peu le jeu de la femme artiste et elle a eut bien raison car on la connaît aujourd’hui grâce à son courage et à sa ténacité. Là, elle écrit une lettre à son ami photographe, elle a eu plusieurs amants bien évidemment, Nickolas Muray et je vais vous lire cette lettre parce que ça nous fait réfléchir sur la situation de l’Europe et de la France en particulier. Alors elle parle de certains surréalistes, car certains artistes français l’avaient invitée à participer à une exposition en 1939 où elle n'avait pu montrer que quelques tableaux, car malheureusement, la plupart de ses tableaux ont été virés de l’exposition. Je vais lire sa lettre :

"Ils ont tellement de foutus intellectuels pourris que je ne peux plus les supporter. Ils sont vraiment trop pour moi. J'aimerais mieux m'asseoir par terre dans le marché de Toluca (marché de Mexico) pour vendre des tortillas que d'avoir quoi que ce soit à voir avec ces connards artistiques de Paris… (C'est fort !) Je n'ai jamais vu Diego ni toi perdre leur temps à ces bavardages stupides et à ces discussions intellectuelles. C'est pour ça que vous êtes de vrais hommes et non des artistes minables (c'est marrant ça !) — Bon sang ! Ça valait la peine de venir jusqu'ici juste pour comprendre pourquoi l'Europe est en train de pourrir, pourquoi tous ces incapables sont la cause de tous les Hitler et les Mussolini."

Ce sont ces propres paroles, mais c’est vrai qu’elle en venant ici et même moi, après les guerres, en revenant de New-York, on ressent cette perte d’énergie. Il y a quelque chose qui a disparu quelque part mais que l’on retrouve encore au Mexique ou au Guatemala. Ou dans des pays qui ont su restés plus traditionnels. Il faut dire qu’il y a encore un tiers de leur population qui est encore indigène et donc, c'est très important ! Par exemple : nous, nos druides on ne les a plus ! On a viré tout le monde, les sorcières aussi ! Et les chamans en Russie, le gouvernement les balançait des hélicoptères parce que bien sûr les chamans peuvent voler (dans leur transes) donc, ils les ont pris à la lettre et les ont balancés des hélicoptères pour les tuer. 
Là, on voit Louise Bourgeois, qui est une artiste très importante, américaine mais d’origine française, qui a beaucoup travaillé avec la sexualité et je vais parler surtout dans ce chapitre-ci, des artistes américaines dont je connais particulièrement bien le travail. Parce qu’elles ont fait un travail fabuleux sur la sexualité, qui a peut-être aussi été fait en France mais que je  connais moins ! Donc, Louise Bourgeois a fait ce gros pénis car elle a eu des problèmes avec sa famille, avec son père… C’est une photo de Robert Mapplethorpe qui est magnifique de 1982 et on voit la joie de cette femme. C’est un peu comme en Grèce, où il y avait les Phallophories où les femmes portaient des gros pénis comme ça, c’est bien c’est marrant !

"Dans le monde grec classique, les Phallophories, étaient des processions solennelles en l'honneur de Dionysos, dans lesquelles on transportait un énorme phallus de bois, accompagnant le cortège, avec chants typiques, comme celui du poète de Délos mis dans une de ses œuvres théâtrales : « Retirez-vous, faites place au dieu,  parce qu'il veut résister, gonfler, avancer au milieu. »"

C’est une injonction très sexuelle !
Là, on est au Japon, je vous mets quand même au défi de faire ça à Besançon ! Mais vous pouvez toujours essayer ! Je reparlerai tout à l’heure du Japon où ils ont su garder leurs rituels. Là c’est un dessin de Louise Bourgeois en coopération avec Tracey Emin, Louise Bourgeois a fait le dessin et son amie a brodé une petite femme érotique. Ça s’appelle : "Do Not Abandon Me" (un million de façon de jouir quelque part). Et quand les artistes féminines s’approprient la sexualité et bien ça devient plus  vrai et réel que quand les hommes se l'approprient. 

Ici je veux parler de l'artiste Kiki Smith, qui est aussi une artiste américaine très importante. Il faut dire que toutes ses artistes étaient féministes, à New York, il y a une galerie consacrée à leur travail (A.I.R.Gallery),  dans laquelle, on ne montre que des artistes femmes. Et j’ai appris récemment qu’il y a le musée de Baltimore je crois, qui a décidé de n’acheter que des oeuvres d’artistes femmes. Et ça a fait rigoler certains sur ma page Facebook mais malgré tout,  il y a un vrai problème dans l’art, puisqu’il n'y a dans les musées, dans ce musée-ci, je ne sais pas combien d’oeuvres sont faites par des femmes, mais sans doute environ moins  de 1%, je ne sais pas ? Il faudrait en discuter avec le directeur. Mais c’est très minime. Quand vous allez au musée du Louvre, c’est pareil. Il faut donc penser que l’Art est fait par les hommes, principalement l’art européen est fait principalement par les hommes et ça pose quelque part question. Il y a la moitié de l’humanité qui n’est pas dans les musées et cette idée de faire un musée où on achète uniquement des oeuvres féminines, moi qui suis américain, je trouve que c’est quelque chose de bien parce que il y a un problème et ils y font face, les américains sont pragmatiques et c’est une bonne chose.

Voici une œuvre de Kiki Smith, il faut dire que ces artistes ont commencé à travailler dans les années 60, mais ici c’est en 92 et il faut dire aussi que c’était l’arrivée du SIDA à New York, qui a été une des villes la plus touchée et tous ces artistes, soit ils sont comme Keith Haring, décédés du sida, soit ça a marqué profondément cette génération, de même que les guerres mondiales ont marqué les générations précédentes. Mais le sida, ça a été dans le milieu artistique spécifiquement et ça a vraiment fait changer les choses. C’est pour ça qu’on peut voir une oeuvre telle que celle-là. Ça ne sort pas de nulle part et ce sont des oeuvres importantes ! Ces artistes parlent de leurs corps. Voilà, c’est un peu la mythologie grecque avec le bouc et son corps comme ça… Tied to her Nature, c'est un travail en connexion avec sa nature profonde quelque part (son animalité).

Et là, je voulais vous parler de Nancy Spero que j’aime beaucoup, elle reprend systématiquement des oeuvres de la tradition antique dont cette femme. C’est un dessin grec, peint sur une poterie grecque, cette femme avec ses deux dildos qui se masturbe comme ça, cette image lui a plu, donc elle l’a retravaillée. Ça peut être paradoxal : ça peut être une critique de la façon dont on voit le corps de la femme ; ou ça peut être aussi la libération de la femme ! C'est l'artiste qui doit le savoir, mais il faut quand même se poser la question.  

Je vais évoquer son Codex Artaud, car Artaud avait fait des dessins très, très violents quand il était hospitalisé en hôpital psychiatrique et elle a fait toute une série sur ce codex. On voit que c’est habité par la folie quelque part, par le désir de sortir du carcan sociétal, de la morale, pour exister et pour que le corps existe dans sa plénitude. 

Voilà, ça c’est aussi des femmes qu’elle a récupéré, c’est magnifique, c’est sans doute des cambodgiennes ou africaines, c'est des femmes qui dansent comme ça... Et là : Sperm Bomb, je pense que ça vous parle, c’était la guerre du Vietnam aussi   !  Donc toutes ces artistes féminines ou les artistes masculins aussi, voulaient parler de la guerre, de cette cruauté et de cette stupidité qu’est la guerre. Et souvent, les guerres sont déclarées et faites par les hommes, on le sait très bien, donc c’est un peu sa manière à elle de dire : "Bon les hommes,  allez vous faire foutre, vous nous faites chier avec vos éjaculations atomiques, on en a marre quoi !"

Voilà Nancy Spero, devant la statue que je vous ai montrée tout à l’heure qu’elle a refait, elle a refait des objets avec ces statues. C’est vraiment pour montrer que son corps, que son corps sexué existe. On ne peut pas exister sans son sexe. Et ici elle en parle dans une interview : 

"Je pense que la colère dans la Série de la guerre et les tableaux d'Artaud venait du sentiment que je n'avais pas de voix (Bien sûr les artistes femmes dans les années 60-70 n'étaient pas exposées dans les galeries !), d'arène pour dialoguer, que je n'avais pas d'identité. Je me sentais comme une non-artiste, une non-personne. J'étais furieuse, furieuse que ma voix d'artiste ne soit pas reconnue." 

C’est important pour un artiste d'être exposé et reconnu !

"C'est cela, Artaud. C'est exactement pour cela que j'ai choisi d'utiliser les écrits d'Artaud, parce qu'il crie, hurle, divague et s'extasie sur le fait qu'on lui coupe la langue, qu'on le castre. Il n'a pas de voix, il est réduit au silence dans une société bourgeoise."

Et c’est exactement ce qui se passe aujourd’hui : la société s’embourgeoise de plus en plus ! Il y a des artistes qui trouvent leur place, mais les seuls artistes qui trouvent leur place sont ceux qui vendent à plus de cent mille euros, et qui font tous et toujours des travaux politically correct (politiquement correct), c'est à dire que ce sont des travaux qui ne doivent déranger personne. Parce que si vous êtes comme Damien Hirst, qui expose à Londres, à Hong Kong, à Shanghai ou peu importe : il faut que votre travail soit compris et achetable partout ! Donc forcément vous n'irez pas dans les pays arabes pour montrer des scènes de sexe et tout ça… Car ça ne se vendra pas !

Je vous conseille, si vous avez Twitter, de suivre ce compte qui s’appelle WOMENSART où il y a des choses vraiment fabuleuses, où elles nous montrent toujours des travaux d’artistes féminines qui sont vraiment toujours fabuleuses.

Voilà un dessin d’Artaud, voyez ce délire dans lequel il était. C’est à la fois terrible, c'est de quelle année ? 19 46 ! Ça parle aussi de la guerre, du désespoir, de la solitude, de l'enchaînement, de la souffrance.

J'en viens à Basquiat bien sûr, parce qu'il a également libéré la peinture en créant ses oeuvres dans la rue. Et j’aime bien son travail qui a beaucoup d'énergie et de liberté ! Je vais finir avec le Piss Christ, je ne veux choquer personne, mais Andres Serrano est un artiste New Yorkais d’origine Portoricaine, qui est arrivé dans les années du SIDA à New York, donc forcément, il a vu beaucoup de ses amis mourir et étant d’origine portoricaine, ce sont des gens qui sont très croyants ; quand on est croyant et que l'on voit arriver des épidémies comme ça, on se pose bien sûr la question, mais où donc est Dieu ? Et le sida étant transmis par les fluides corporels, il a donc travaillé sur la pisse, le lait, le sang, le sperme... Et c’est une oeuvre qui a été exposée à Avignon qui a été détruite, vandalisée. On en pense ce qu’on en veut mais je voulais parler ce cette œuvre-là. Parce que dans cette conférence, je n'ai pas montré de Christ en croix car ce n'est pas mon sujet mais je voulais finir là -dessus !  

Là, on voit Jeff Koons et la Cicciolina, il s’est fait connaître, au début de sa carrière, en se mettant en train de faire l’amour avec la Cicciolina. Donc c’est intéressant, parce que c’est le sexe qui l’a fait connaître, mais aujourd'hui, il ne parle plus de sexe pour être 100% politically correct. (Et il le dit froidement, crûment, cyniquement) :

"De toute manière, je fais des Puppies, car ça se vend beaucoup mieux et plus cher que mes oeuvres érotiques." 

À ce propos :

"Les peintres n'ont pas peint ce qu'ils auraient dû peindre, mais uniquement ce qu'on leur a commandé ou bien, ce qui leur procurait ou leur rapportait l'argent ou la gloire. Les peintres, tous ces maîtres anciens qui, la plupart du temps, me dégoûtent plus que tout et qui m'ont depuis toujours donné le frisson, n'ont jamais servi qu'un maître, jamais eux-mêmes et ainsi l'humanité elle-même. Ils ont tout de même toujours peint un monde factice qu'ils tiraient d'eux-mêmes, dont ils espéraient obtenir l'argent et la gloire ; tous ils n'ont peint que dans cette optique, par envie d'argent et par envie de gloire, pas parce qu'ils avaient voulu être peintres mais uniquement parce qu'ils voulaient avoir la gloire ou l'argent ou la gloire en même temps que l'argent." Thomas Bernhard, Maîtres anciens

Bon, le travail de Jeff Koons est assez kitch et il est daté des années 80, 90, mais il y a quand même des artistes qui ont osé mettre en scène leur sexualité comme ça. C’est intéressant, on reçoit quand même des coups de poing dans la gueule devant des œuvres comme ça, c’est courageux ! Et donc il dit dans une phrase intéressante, même si je n’aime pas trop le citer : 

"Je pense que la sexualité est importante pour mon œuvre parce qu’elle est importante pour la survie de l’espèce et l’Art cherche à communiquer ce qui est le plus important. Ce dialogue d’acceptation de la sexualité se transfère au domaine de l’esthétique et à toutes les autres sphères de la vie."

Là, je vais parler brièvement de l’Art brut, parce que il faut bien comprendre que si les oeuvres érotiques ne sont pas dans les musées, il y a des oeuvres qui sont  quand même créées par des gens qui ne sont pas artistes, entre guillemets. Mais qu’on appelle : l’Art brut. Et Jean Dubuffet, a été un grand découvreur… Il a été dans des asiles, il a récupéré et collectionné des oeuvres et il a fondé le musée de l’Art brut à Lausanne grâce à lui. Donc, je vais évoquer quelques œuvres d'Art brut. 

Voilà, ça c’est une oeuvre que j’adore, La personne devient essentielle de Helga  Sophia Goetze, elle fait des tapisseries comme ça qui sont au musée de l’art brut à Lausanne et elle parle toujours de la sexualité mais également,  de ce qu’on avait vu auparavant dans les sociétés tribales : de sa famille, de la façon dont les gens sont interconnectés entre eux et donc ces oeuvres sont magnifiques !

Voilà un artiste masculin donc lui, il rêve aux femmes en jarretière et en bas et son sexe est symbolisé par des fusées ; je trouve ça beau !

On a un peu dépassé le temps prévu et donc, je vous remercie vraiment d’être venus ; on continuera cette conférence la prochaine fois ! 

Merci à tous, rentrez bien et bonne St Valentin !

Encore merci à tous et puis rentrez bien et bonne St Valentin ! Au revoir et merci !