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Jean-Pierre Sergent

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Presse 2020-Présent

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INTERVIEW JEAN-PIERRE SERGENT A L'ÉMISSION "LA PLAGE" DE RADIO-CAMPUS BESANÇON, 4 JUILLET 2025, PAR ANDRÉA TEZZOLI

 

ÉMISSION RADIO > LES PÉPITES DE PÉPÉCOYOTE #102 | JEAN-PIERRE SERGENT – ARTISTE PEINTRE | 09 avril 2025 | Durée : 1:52:00 | Radio Campus, Besançon (écouter l'émission en entier) | texte relu par Christine Dubois | téléchager le PDF  (205 KB)
 

Né à Morteau, Jean-Pierre SERGENT dessine et peint depuis sa plus tendre enfance. Après avoir été éleveur de chevaux Appaloosa dans le Doubs pendant quelques années, l’artiste part tenter sa chance dans le monde de l’art à Montréal, puis à New-York, villes dans lesquelles il connaît le succès. 
En 2005, il rentre en France et installe son atelier à Besançon. Exposé au MBAA et reconnu des ses pairs, l’artiste vient tout juste d’ouvrir la Galerie KELLER, rue Proudhon, avec une amie.
Une émission spéciale de plus de 90 minutes, sous la forme d’un voyage initiatique dans laquelle ce peintre passionné se livre avec sincérité sur son parcours, sa démarche artistique et spirituelle, son inspiration puisée dans les voyages, l’art au féminin et tant d’autres choses encore… 


 PARTIE 1/3


LAURENT DE PÉPÉCOYOTE : Bonjour à toutes et bonjour à tous. Aujourd'hui dans les pépites de Pépé-Coyote sur Radio Campus Besançon 102.4 FM, je reçois pour son émission Jean-Pierre Sergent, un artiste peintre bisontin et new-yorkais. Et puis avec lui, nous allons parler de son parcours du Haut-Doubs aux Amériques et de la transe chamanique, dans cette émission vraiment particulière et puis surtout de son œuvre artistique qui peut être comprise comme une épopée artistique… Bonjour Jean-Pierre.

Jean-Pierre Sergent : Bonjour ! Bonjour cher PépéCoyote, c'est un grand plaisir d'être ici et j'espère que nous pourrons échanger en profondeur et sur beaucoup de sujets importants qui nous tiennent tous à cœur.

PPC : Radio Campus ne t'est pas inconnue puisque tu as déjà réalisé une émission en 2020 avec Aurélien Bertini et ça se passait au Musée, je crois ?

JPS : Oui, c'était une très belle émission que nous avions enregistrée au Musée des Beaux-Arts de Besançon et qui avait durée plus d'une heure et moi, j'avais tout filmé avec ma caméra. Donc, on peut la retrouver sur mon site internet.

PPC : Jean-Pierre, tu es né à Morteau ? 

JPS : Oui, dans le Haut-Doubs. 

PPC : Dans le froid et la neige…

JPS : Oui.

PPC : Et puis, tu es parti faire des études d'architecte à Strasbourg ?

JPS : Oui, c'est vrai, c'est ce qui se rapprochait le plus de ce que je voulais faire. Mais je me suis très vite aperçu, après six mois d'études là-bas, qu'il y avait beaucoup trop de contraintes dans l'architecture. Et c'est donc la raison pour laquelle je me suis orienté vers les Beaux-Arts et je suis donc resté à Besançon un an et demi à l'École des Beaux-Arts.

PPC : Donc à l'actuelle ISBA (Institut supérieur des Beaux Arts).

JPS : Tout à fait, oui.

PPC : Donc tu connais un petit peu ce quartier de la Bouloie ?

JPS : Oui, voilà, je le connais mais ça fait plus de 40 ans que je n'y suis pas revenu et c'est un plaisir d'être ici à nouveau.

PPC : Au niveau familial, ta famille, tu es né dans une famille d'artistes dans le Haut-Doubs ?

JPS : Oh non, pas du tout ! Non, non, je dirais plutôt dans une famille d'humanistes. Mon papa était notaire de campagne. Il aimait beaucoup les gens et il avait un grand cœur. Et tous mes grands parents étaient aussi  des gens très gentils, des humanistes avec une grande générosité et une grande gentillesse, encore une fois.

PPC : Tu as démarré ta carrière de plasticien, on va dire dans le Haut-Doubs, parce que tout petit, tu dessinais déjà, tu faisais des reproductions de dessins.

JPS : Oui, en fait, comme je souffrais de très fortes crises d'asthme et quand on a de l'asthme, on ne peut pas tellement bouger. Donc, on reste dans sa chambre et on découvre le Monde au travers de livres. Bien sûr, j'avais un livre sur les Amérindiens, j'avais des livres sur les animaux et donc je recopiais souvent, avec un crayon de papier et du carbone dessous, je recopiais ces images, ces autres univers et après je les peignais sur des petits panneaux d'isorel ou du contreplaqué. Et c'est un peu ça qui m'a donné l'impression que l'Art pouvait nous sauver, quelque part, de l'étouffement et de la souffrance. C'est exactement ce qu'il se passe aujourd'hui, dans une société où on étouffe et on souffre tous profondément. Et je pense que l'Art n'a jamais eu autant d'importance comme symbole déclencheur de liberté.

PPC : Liberté aussi pour toi, puisque cet amour de la nature, des chevaux et des animaux, t'a amener à  élever des chevaux américains dans le Haut-Doubs.

JPS : Oui, oui mais c'est à dire que mon grand père avait acheté une ancienne petite ferme au temps des années 50, c'était alors la désertification rurale. Beaucoup de paysans, vendaient leur ferme et lui, il avait acheté cette ferme à Charquemont et il y avait un peu de terrain. J'ai squatté cette ferme et au départ, j'avais acheté des chèvres et je faisais du fromage de chèvre. Et puis par la suite, j'ai acheté un étalon appaloosa dans les Vosges. Et j'aimais beaucoup cette race, puisqu'il appartenait aux Indiens, Les Nez-Percés du Nord-Ouest des US. Ils avaient choisi et sélectionné ces chevaux pour leur rusticité et leur endurance au froid et à la longue marche. Et on pouvait les laisser dehors en hiver donc c'était moins de travail. Et surtout ils sont magnifiques. Ils sont tous tachetés et pommelés. Ce sont ceux que l'on voit souvent dans les films western. Les chevaux appaloosa sont esthétiquement une des choses les plus belles qui existent au monde.

PPC : Tu avais combien de chevaux ?

JPS : En fait, après, j'ai importé directement des chevaux des États-Unis par l'Allemagne souvent, parce que les Allemands sont très friands de quarter-horses et d'appaloosas et ils les importent à Hambourg, enfin près de Brême. Et donc j'allais les chercher là-bas. J'ai acheté quatre juments, comme ça mais c'étaient des quarter-horses, une autre race de chevaux américains, plus docile. Et alors tout à la fin, j'avais au total dix-sept chevaux.

PPC : Ah oui, dix-sept ?

JPS : Oui.

PPC : Et est-ce que tu montais à cheval aussi ? 

JPS : Oui, bien sûr, je dressais et débourrais les chevaux et je faisais de l'équitation américaine. J'ai fait des concours internationaux à Berne, en Suisse, à Augsburg et Munich aussi, en Allemagne !

PPC : Ah oui et alors, c'est quoi l'équitation américaine ?

JPS : Et bien, il y a plusieurs disciplines. Il y a le trail, c'est à dire qu'on monte un cheval et on fait des petits parcours avec des obstacles, pas des sauts d'obstacles, mais on traverse des petites barres par terre. C'est comme du dressage si tu veux, mais le mieux , c'est la discipline du reining, c'est un parcours à faire tout au galop ! Et ça c'est vraiment super jouissif. On a des parcours qui sont montrés 1 h avant l'épreuve et j'étais allé à Berne, faire ces concours là avec une jumant que j'avais achetée au Canada. C'était vraiment une époque magnifique parce que, il faut être en harmonie avec le cheval et il faut s'entraîner tous les jours aussi.

PPC : Et donc, tu faisais du cheval et tu faisais aussi de la peinture, tu faisais les deux ?

JPS : Tout à fait, oui, je faisais les deux à Charquemont. Et, c'est un peu comme maintenant. Par contre c'était l'inverse car, à cette époque, je ne pouvais peindre qu'en hiver car j'avais moins de travail avec les chevaux. Et maintenant je peins en été parce que l'atelier est beaucoup trop froid pour y peindre en hiver. En fait, mon travail est toujours saisonnal mais ça me permet aussi de rester en connexion avec la nature.

PPC : Et puis la nature… Donc tu ne fais plus de cheval aujourd'hui mais tu fais du canoë.

JPS : Oui c'est vrai, tous les étés, j'ai la chance que ma famille habite toujours Morteau et à Villers le Lac, j'ai mon canoë donc, je vais me promener sur les bassins du Doubs pour faire des petits voyages en canoë, ce qui est intéressant quand on est dans la nature ; parce que dans notre vie quotidienne, on est toujours angoissé, on est stressé et je m'aperçois toujours, qu'il me faut peut-être un temps d'environ un quart d'heure, une demi-heure pour pouvoir être complètement libre et que la nature m'engobe complètement. Chez moi, la liberté revient souvent, comme un leitmotiv. Il faut être libre de son corps, même dans son corps, nous sommes toujours impressionnés et heurtés par la connerie humaine et peut être qu'au bout d'un quart d'heure ou vingt minutes, on se libère enfin complètement et on entre dans le vent, dans l'eau et dans les rochers. Ça, c'est une fusion qui est importante et essentielle.

PPC : Est-ce que dans ton premier choix musical c'est aussi la liberté ? C'est une Cumbia ?

JPS : Oui, c'est une Cumbia. C'est à dire que j'ai choisi ça parce que j'ai été longtemps marié avec ma femme Olga, à New York et nous sommes toujours très amis. Et il y a dans la Cumbia et dans toute la musique latino-américaine de Colombie, du Brésil ou d'ailleurs… il y a une liberté du corps et une joie quelque part. Je trouve que l'on a un peu perdu en France, où on est tous un peu tristounet.

PPC : Alors, on part avec une Cumbia. S'aimer per dio, la Kader Rita, le choix de Jean-Pierre Sergent avec nous, sur Radio Campus Besançon. 

Alors, maintenant, je propose qu'on parte un petit peu en Egypte parce que tu as découvert l'Egypte, tu y as fais un voyage avec ton grand père ? 

JPS : Oui, tout à fait, je crois que c'était en 1981 et on est partis à Pâques, en vacances, avec mon grand père Maurice et ma sœur Marie-Paule. Et il se trouve que j'essayais toujours d'être un peu seul, isolé, parce que, quand on est en groupe, on ne peut pas découvrir, on ne peut pas être initié aux mystères cosmiques, on peut le dire comme ça. Et, à un moment donné, je suis entré dans une salle de prêtres qui était carrée, exactement cubique et au plafond, il y avait une fenêtre carrée aussi. Et donc je me suis mis dans le rayon de lumière et à un moment donné, il m'est arrivé comme une expérience cosmique, c'est à dire que l'on quitte un peu son corps et on entre alors dans une autre dimension. Et d'avoir vécu ça, ça m'a fait comprendre que, d'une part, l'Art ne s'enseignait pas dans les écoles et que l'Art véritable valait beaucoup plus que tout ce qu'on voyait dans les musées, c'est en fait une immersion dans l'Univers. Il fallait donc me trouver une autre voie pour parler de cette intimité avec le sacré. Et je voulais revenir sur quelque chose, puisqu'on parle de mon grand père Maurice, qui est quelqu'un qui m'a toujours aidé et soutenu. Tout au cours de ma vie d'artiste, il m'a aidé financièrement et Intellectuellement et je me rappelle toujours d'être assis avec lui en dehors de son chalet, il me disait alors : "Jean-Pierre, tu sais, c'est bien d'être artiste parce que les artistes sont des gens très importants, parce que quand on vient au Monde… (c'est une vision non pas matérielle mais spirituelle)… chacun vient au Monde avec une espèce de bagage, un petit tas de bois. Et les artistes, quand ils quittent ce Monde, leur tas de bois est plus important que quand ils y sont arrivés." Et je ne peux pas dire que je pense à ça chaque jour mais c'est ma vrai tâche d'être artiste, d'augmenter mes connaissances et de les faire partager au Monde aussi. Je crois qu'être artiste, c'est partager les sentiments et les joies que le Monde nous amène, au travers de l'Art mais aussi au travers de… peu importe : la littérature, la musique tout ça, c'est tellement important ce partage et cette transmission.

PPC : Est-ce que Maurice était collectionneur ? Est-ce qu'il avait quelques œuvres de Jean-Pierre ?

JPS : Oui, bien sûr et surtout chez lui, il y avait beaucoup de tableaux mais c'était aussi alors une autre période car, à ce moment là (des années 50 à 80), les gens un peu riches, ils invitaient les artistes chez eux à manger et ils allaient voir leurs œuvres dans leur ateliers et ils achetaient alors de l'Art ! Ce qui n'est plus du tout le cas aujourd'hui. Moi, depuis ces dernières années, je ne vois pratiquement plus personne dans mon atelier. Oui, c'est ça et toutes les relations avec le public ont complément disparues et c'est cet engouement et ce respect pour les artistes, en France tout du moins, qui n'existe plus du tout aujourd'hui.

PPC : On quitte l'Egypte avec cette révélation cosmique. Tu nous as expliqué que tu avais eu cette révélation sans aucun produit spécifique.

JPS : Ah non, c'est juste en me baladant dans une cellule de prêtre. Oui c'est vrai que l'architecture peut nous emmener parfois, comme dans les pyramides à Uxmal au Mexique, à rencontrer le spirituel et des autres mondes englobants, voilà !

PPC : Et là, tu décides enfin, un peu plus tard, de vendre tes chevaux et de partir t'installer au Canada ? 

JPS : Alors oui, ça c'était dix ans plus tard.

PPC : Dix ans plus tard, tu rejoins donc ton frère Alain au Canada.

JPS : J'allais le voir à l'époque où il habitait Toronto et j'étais en contact avec une très grosse galerie de Toronto qui s'appelait Galerie Moose. Et donc j'avais emmené carrément une peinture, une colonne comme je les appelais alors, composée de cinq parties (5 x 0,50 par 0,50 cm, 1991). Donc j'avais emballé tout ça dans un grand carton et je suis arrivé chez Gary à la galerie Moose et il m'a dit : "Eh bien, Jean-Pierre, installe ta colonne sur le mur dans l'expo !" et puis ensuite : "Jean-Pierre, je veux travailler avec toi, mais il faut que tu viennes vivre au Canada pour que ce soit plus pratique". Et puis je me suis dit OK donc je suis rentré à la maison et j'ai alors vendu mes dix-sept chevaux en deux mois et je suis parti vivre à Montréal en automne 1991.

PPC : Donc, le sac à dos, la boîte de pinceaux.

JPS : Oui, tout à fait, j'ai mis tous mes pinceaux, pas les peintures mais tous les pinceaux. Voilà tout ce que je voulais emmener avec moi. Et j'avais deux ou trois sac à dos et un sac militaire et puis, je suis arrivé à Montréal comme ça, Out of the blue !

PPC : Jean-Pierre arrive !

JPS : Oui, voilà.

PPC : Et c'est là, à Montréal, où tu commences à faire des sérigraphies sur plexiglas.

JPS : C'est à dire que tout au début, j'ai continué mon travail comme je le faisais en France. Je faisais de l'abstraction parce que, assez stupidement, les artistes, on pense souvent que l'abstraction est plus importante que la figuration. Car, en France, on pense toujours en échelle de valeur. Donc, on pense que l'abstraction c'est mieux que la figuration par exemple. Mais ça n'est pas vrai du tout. Donc, à un moment donné, j'ai fait une grande toile abstraite, qui faisait environ deux mètres 80 par deux mètres 80 et je suis resté devant cette toile plus d'une quinzaine de jours. Je savais que c'était un événement essentiel et important dans ma vie, en restant devant cette toile-là pendant si longtemps. Et puis je me suis dit, bon, je peux faire des variations, comme de très nombreux peintres l'ont fait mais cette voix-là ne m'intéressait pas du tout, j'aime le risque ! Donc, je récupérais souvent le Sunday New York Times, c'était des gros pavés de quatre ou cinq centimètres d'épaisseur dans lequel je découpais des images qui m'intéressaient. Et après ces images, j'ai décidé de commencer à les sérigraphier, d'abord sur toile et puis après, sur plexiglass. J'ai donc alors, acheté des plaques de plexiglass pour peindre dessus.

PPC : Donc, du Canada, on va partir à New York. Mais avant de partir et d'arriver à New York, je te propose d'écouter un petit texte et puis tu nous en parleras après, puisque c'est une de tes sélections musicales. Donc, voilà un petit un texte d'une pasteure.

JPS : Oui, je vais vous le traduire en français. Donc, c'est Marianne Budde et c'est son discours parce que Donald Trump est allé à une messe cette pasteure a eu le courage et le "culot", entre guillemets, de le remettre  à sa place. Et donc, voici son discours :

L'évêque Mariann Budde, discours contre Donald Trump, 21 janvier 2015 dans la cathédrale de l’église épiscopale de Washington

"Je vous demande d'avoir pitié, Monsieur le Président, des membres de nos communautés, dont les enfants craignent que leurs parents leur soient enlevés. Car, la grande majorité des immigrants, ne sont pas des criminels du tout ! Au nom de notre Dieu commun, je vous supplie d'avoir pitié des habitants de notre pays. Nous avons très peur en ce moment à cause de votre politique migratoire. Et, il y a des enfants gays, lesbiens et transgenres dans des familles démocrates ou républicaines ou indépendantes, dont certains craignent même pour leur vie à cause de vos persécutions idéalistes !"

Et JAMAIS je n'aurais pu imaginer que notre Monde serait bouleversé à ce point-là, avec l'arrivée de l'extrême droite en Europe et surtout aux États-Unis. Car cette politique d'extrême droite, va détruire et faire souffrir tellement de monde, tellement de familles, de renvoyer des gens par avion, de les emprisonner et les persécuter par je sais pas quels moyens policiers, c'est absolument inconcevable ce qui se passe aujourd'hui en Europe et aux USA. Et les États-Unis vont payer, par la suite, le prix fort, parce que tous les gens qui produisent les légumes en Californie, au Nouveau-Mexique, sont des immigrants. Donc, à un moment donné, l'économie américaine s'écroulera complètement, je le pense. C'est vraiment terrible et je salue le courage de cette pasteur.

PPC : C'est un sujet qui te tient à cœur parce que tu es Américain, tu es New-Yorkais, tu as la nationalité américaine ?

JPS : Oui absolument et donc, je suis arrivé dans un pays où je ne connaissais personne, à Montréal, pareil. Et puis, j'ai dû devenir américain parce que les lois sur l'immigration changeaient. Donc on s'est marié avec ma copine Olga en catimini, pour que je puisse rester dans ce pays. Donc, je connais bien cette vie fragile d'immigrant. Je suis souvent passé par la douane dans les aéroports où on m'a gardé pendant une demi-heure avec les immigrés pakistanais qui étaient enchaînés. J'ai même vu, une fois, une brave dame, j'en rigole maintenant mais c'est tellement triste : une dame Pakistanaise qui a sorti, dans la salle d'attente de la douane, à un moment donné, une grosse liasse de billets de dix centimètres pour payer le douanier afin qu'il la laisse rentrer. Et c'est ça la vie, c'est ça la vraie réalité ! Et donc, il faut vraiment faire attention à ce que l'on fait et pour qui l'on vote !

PPC : Donc, New York dans les années 90, tu y habitais et tu as déménagé plusieurs fois dans les quartiers de New York, dans Brooklyn, dans Manhattan et là, tu as fait de belles rencontres. Tu as rencontré, je crois, le plus gros collectionneur ou acheteur d'art de New-York, des Etats-Unis, un galeriste peut-être ?

JPS : Oui, j'ai eu l'immense chance et bonheur de rencontrer Léo Castelli, grâce à une amie, Anne-Marie Danenberg, qui avait une petite galerie à Soho. Elle m'avait dit : "Jean-Pierre, tu sais, tu devrais aller rencontrer Léo Castelli parce que je sais qu'il reçoit les jeunes artistes". J'ai dit : "Attends, c'est le plus grand galeriste au Monde." Car, en fait, c'est lui qui a sorti et fait connaitre mondialement les artistes tels que : Jasper Johns, Rauschenberg, Andy Warhol, Lichtenstein etc. C'est lui qui a sorti tous les artistes du Pop Art. Et je lui ai dit : "Tu crois que c'est possible ?" J'ai donc appelé la galerie et j'ai dit à la secrétaire : « Je m'appelle Jean-Pierre Sergent et j'aimerais parler avec M. Léo Castelli et je me rappellerai toujours de sa petite voix quand je lui ai dit : « Je m'appelle Jean-Pierre Sergent, je suis artiste (je savais qu'il parlait français) et j'aimerais vous présenter mon travail. » Il m'a alors répondu : "Oui, très bien, alors venez mercredi à 16 h 30 à la galerie." Et voilà, je l'ai rencontré ainsi vraiment plusieurs fois. C'était le pape de l'Art et j'ai rencontré quelqu'un qui avait exactement l'âge de mon grand-père puisqu'il était né également en 1907. C'était quelqu'un d'une autre génération (car, ils avaient connu deux guerres mondiales) et qui adorait les artistes. Et quand je lui ai montré mon travail, il a souri et m'a dit, à un moment : "Tient les animaux !" comme s'il avait vu la Vierge. Ce sont des gens qui avaient gardé une émotion et une curiosité envers les artistes. Il a essayé de m'aider. Il a même essayé d'appeler Mme Annina Noesi, qui était la galeriste qui a montré la première exposition de Jean-Michel Basquiat et je suis allé la voir. Mais, ça ne s'est pas très bien passé… mais bon, peu importe d'avoir connu Léo Castelli, ça m'a donné un peu une aura vis à vis de mes autres amis artistes, parce que c'était vraiment la personne à connaître à l'époque. Et donc, ainsi, mon travail était un peu plus fort et important que celui des autres artistes.

PPC : Là-bas, à New York donc, tu as connu cette vie nocturne, la fête, alors, comment ça se passait là-bas et à ton atelier, tu avais un immense atelier ? Je crois que tu avais tout refait pour avoir un loft et puis on t'a mis dehors ?

JPS : Oui, le premier atelier était à DUMBO (Down Under the Manhattan Bridge Overpass), c'était à Brooklyn, juste en dessous du pont de Manhattan et j'y suis resté un an et demi. Et puis après, j'étais alors avec mon amie Olga donc on a pensé peut-être se rapprocher du Centre Ville, à Manhattan. C'était à Chelsea, au quartier des Galeries car c'est aussi là où, maintenant, sont toutes les grosses galeries et on avait loué et tout rénové un espace commercial et donc, on avait tout refait là dedans. Mais malheureusement, on s'est fait virer au bout de six mois. On a donc dû trouver un avocat qui a dû négocier notre sortie. En fait, on a payé trois mois, on a eu trois mois gratuits mais si on ne partait pas avant le 30 juin on aurait eu une pénalité de 1 000 $ par jour. J'ai donc dû aller trouver en urgence un atelier à Long Island City et c'était un très bel espace, que l'on a loué et rénové également avec mon amie Olga et où je suis resté presque sept ou huit ans.

PPC : Et c'est là où tu réalises ta série sur les mayas ?

JPS : La série "Mayan Diary", oui, tout à fait.

PPC : Avec un format de un mètre zéro-cinq par un mètre zéro-cinq.

JPS : Voilà, j'ai commencé les travaux sur plexiglass de ce format-là, parce que mon corps se sent très bien à travailler dans ce format-là, dans ce module-là. Et c'est donc mon travail principal, on en a pas parlé, ce sont des grandes œuvres monumentales sur plexiglass qui sont assemblées ensemble sur les murs, dont les dernières ont été présentées au Musée des Beaux-Arts de Besançon de 2019 à 2023. Pendant quatre ans, on pourrait peut-être passer maintenant une musique mexicaine ?

PPC : Soit une musique mexicaine, soit je peux te mettre une petite musique surprise.

JPS : OK, vas-y.

PPC : Retour de New York avec le groupe des Talking Heads. La surprise pour nous rappeler un peu son séjour à New York sur ce genre de musique new yorkaise. Quelle était l'ambiance à New York, ça vit H24 ?

JPS : Oui, New York, ça vit H24. Mais surtout c'est une énergie. C'est très difficile à comprendre pour nous européens. Je vais commencer par une anecdote car chaque fois que je rentrais de New York et que j'atterrisse à Genève, Paris ou Vienne, j'avais par exemple une fois, une exposition collective à Vienne, en Autriche, dans un Musée à Vienne et quand on atterrit en Europe, n'importe où, c'est comme si l'énergie vitale avait disparu. Tout est petit, tout est déprimé, tout est étriqué, tout est déprimant. Et on se dit mais qu'est-ce que c'est que ce truc ? C'est le Moyen Âge ! Et l'énergie a complètement disparu. Et voilà, c'est ça et donc New York, c'est l'énergie pure, presque infinie jusqu'à plus soif ! Enfin, à l'époque où j'y étais. Mais ça doit aussi être sans doute encore le cas aujourd'hui ? C'est également une intelligence collective multiculturelle à l'œuvre, c'est à dire que là-bas, j'ai pu me faire des amis venant du Monde entier et que je garde encore aujourd'hui. Il n'y a pas de racisme, au sens où on l'entend ici et je reviendrai peut-être sur la loi sur la laïcité, qui, pour moi américain, je ne comprends pas du tout et est une aberration, parce que l'idée de Dieu, c'est quelque chose d'universel, elle existe partout, mondialement et est indivisible. Et donc de dire que certains lieux échappent à Dieu, pour les vrai croyants c'est insupportable ! Enfin bon, c'est un peu compliqué d'en parler ici mais pour moi New York, c'est la liberté absolue. New York, c'est les rencontres, oui, les rencontres, voilà !

PPC : La liberté et c'est là où tu fais aussi des transes, ce que tu appelles des transes chamaniques mais ça n'a rien à voir avec les chamans ? Comment ça se passe une transe chamanique ?

JPS : Tout à fait, si, ça a à voir avec les chamanes, complètement car les transes chamaniques sont faites avec des techniques. Par exemple, chez les Kogis en Colombie, il leur faut vingt ans pour devenir chaman. C'est à dire qu'il faut étudier. Ils étudient donc les plantes et aussi les lieux dans lesquels ils voyagent. On ne doit pas s'y perdre sinon on meurt. J'avais un ami, Miguel Angel Baltierra, qui est d'origine mexicaine et qui vivait à Los Angeles qui m'a raconté qu'un de ses amis artiste était mort durant une transe chamanique car il s'y était perdu. Donc on peut très bien ne pas en revenir. Et moi j'ai fait ces transes grâce une technique thérapeutique, c'est la technique d'Hypnose Ericksonienne, donc sous hypnose. Un docteur qui s'appelait Glenda Feinsmith m'a fait entrer en transe. Elle m'a soigné sous transe, disons pendant plusieurs mois. Et puis un jour, on a fait des transes chamaniques, on en a fait quatre ou cinq et chaque fois, c'était découvrir des univers qu'on pourrait appeler primaires, originels, merveilleux ! Quelque part, on va à l'origine de l'Homme, au début de l'humanité, on va à la nature, on devient une baleine, on devient un ours, on devient un jaguar, on devient un faucon. C'est ce que les Amérindiens appellent rencontrer son Animal spirit, son guide spirituel, c'est à dire qu'on rencontre toujours des animaux et donc souvent, aussi, on meurt. En fait, la plupart du temps, on meurt. Donc j'ai eu la chance de faire ces transes et j'en parle dans mon travail. Des fois je les décrit et les dessine carrément dans des tableaux dans lesquels les lumières sont différentes. Et surtout aussi, le corps a perdu sa pesanteur. On pourrait peut-être revenir par la suite avec Simone Veil, qui est une philosophe et qui parle du poids du corps dans les transes spirituelles et religieuses, en fait, c'est être hors du corps mais dans le corps en même temps, puisque on devient squelette, on est bouffé par des serpents, on est bouffé par des lions, on se retrouve en Afrique et l'instant d'après, on est en Sibérie et puis on est dans l'océan ou dans un volcan. C'est vraiment ce qu'on appelle le voyage cosmique. Et ça, ça a donné une force à mon travail que j'avais premièrement rencontré en Égypte mais dont je n'avais pas les images. Là, j'avais des images, des scénarios, si on peut dire, le scénario de ce qu'est une transe, une extase. Et parfois aussi, on meurt carrément. On fait cette expérience mystique de rencontrer la lumière. Et je peux donc en parler. Mais après, est-ce que ça existe vraiment ou pas ? Ce qui est important, c'est que ce soit dans le cerveau de l'homme, dans la structure de sa psyché, ce n'est pas du tout inventé ni délirant, puisque les chamanes peuvent parfaitement se diriger grâce à leurs connaissances, ils peuvent se diriger dans les autres mondes, comme ça !

PPC : Et toi, ça te servait dans ton travail ? Quand tu reviens de ces transes chamaniques, tu reprends tes pinceaux, tu vois toutes ces images, tu essaies de les mettre sur support, sur tes photos, sur tes plexiglass.

JPS : Non, c'est pas que j'essaie, je le fais, je sais, tu le fais. C'est comme si tu as touché Dieu ou tu as touché l'orgasme. Tu ne peux absolument pas revenir en arrière. Tu as été heureux au delà de la connaissance humaine, au delà de la littérature, même au delà de l'Art. Tu as touché quelque chose, tu as touché la plénitude et la grâce. C'est comme l'état de satori chez les japonais et les bouddhistes japonais. Il y a des moines qui restent 20 à 40 ans dans leurs monastères et ils ne rencontrent pas le satori. Alors le maître excédé qu'ils font tous chier tout le temps avec leurs désirs de révélation… : "Maître, enseignez-nous le satori !" Alors il leur dit : "Tu nous fais chier avec tes conneries !" Et alors par exemple, il prend violemment le bras du moine, il le coince dans la porte et boum, il lui casse le bras et le gars rencontre le satori. C'est à dire que, l'état du satori s'est d'être éveillé au Monde, c'est tout comprendre à la fois, c'est la conscience ultime, si tu veux ! Savoir où on est et qu'on est à la fois nulle part quelque part, on entre dans le Vide. Et une fois que tu as connu ça, tu peux alors en parler. Et puis, je vois bien les gens qui viennent et qui regardent mes travaux, ils ne peuvent pas le comprendre car, si tu n'as pas été initié à ça, tu passes complètement à côté, tu passes ton chemin.

PPC : Alors est-ce que pour apprécier ton œuvre, il faut qu'on ait eu une expérience de transes chamaniques ?

JPS : Pas nécessairement, parce qu'on peut y trouver des bribes oui, on peut en ressentir des bribes, des petits morceaux. Et puis les couleurs que j'ai rencontrées sont des couleurs surprenantes et vibrantes. On voit bien dans mon travail, qu'il y a énormément de couleurs assez inattendues, assez lumineuses.

PPC : Au sujet de l'Art et de ton travail, justement, tu dis que c'est important de casser les codes.

JPS : Oui, absolument.

PPC : C'est ça un petit peu ton travail, c'est tous ces voyages, toutes ces expériences qui te font faire ces plexiglass et qui t'amènent à casser les codes, qu'est-ce que tu veux nous montrer ?

JPS : Oui, je veux montrer que ce qu'on est et ce qu'on pense être de l'Art, ce n'est pas de l'Art mais de la merde. Et ce que je voudrais montrer aussi, c'est que l'Art peut être, de facto, totalement ailleurs d'où on pense qu'il est et existe. Et puis, les gens ont toujours un cliché sur ce que doit être l'Art. Je vais lire, ici, quelques petites phrases auxquelles j'ai pensé au sujet de mon travail, qui sont :

« Mon travail c'est de casser les choses, les codes esthétiques, les aprioris moraux et scolaires, afin que ceux-ci éclatent, se brisent, se dispersent, s'emboitent et se reconstruisent différemment, dans un autre état extatique, jouissif & spirituel ! »
Et après je dis, que comprendre ou essayer de comprendre, je pourrais dire : l'Art en général, c'est déjà dissocier les choses. Car l'Art est du domaine de la révélation et de l'inexplicable. Et aussi, ma peinture est libératrice, au même titre que le reggae était libérateur pour Bob Marley. On aurait pu passer une chanson de Bob Marley. C'est à dire que pour moi, le sens même et la fonction première de l'Art, c'est de libérer la pensée du spectateur. Parce que nous vivons tous dans des vies de petits bourgeois, comme dans la chanson de Jacques Brel Ces gens-là, avec leurs petites bagnoles, leurs petites femmes, leurs petits enfants etc… C'est très triste la vie humaine. En Europe en particulier, ça n'a pas la dimension spirituelle des sages ni des sadhus en Inde.

PPC : Tu y es allé ? Tu es déjà allé en Inde ?

JPS : Malheureusement non, je n'y suis pas allé. Mais j'ai énormément lu de livres sur l'Inde.

PPC : Tu as fait le Mexique aussi ? Le Guatemala souvent depuis New-York ?

JPS : Oui. Il se trouve que mon amie Olga est d'origine colombienne donc, elle a le look indien. Et le Mexique et le Guatemala sont assez proches de New York. Ça prend quatre heures de vol et on allait souvent, pendant ce qu'on appelle le Spring Break, en avril, parce qu'Olga avait des vacances. Et en septembre aussi, nous sommes allés quatre ou cinq fois au Mexique et deux fois au Guatemala. Et c'est là, où j'ai eu aussi une autre révélation, qui est une révélation, peut-être de la gentillesse de ces peuples mayas, de leurs couleurs bien évidemment parce que leur costume sont très colorés ainsi que leurs Arts. Parce que quand on va au Musée d'Anthropologie de Mexico, on se prend une claque énorme. Car ce que raconte leur Art, ce n'est pas ce que raconte l'Art Occidental. Ce ne sont pas des petites peintures bien encadrées, ce que j'appelle "peinture-fenêtres". C'est d'une grande présence volcanique, solaire… C'est la Vie, c'est la Sexualité, c'est le sacrifice humain et c'est la Mort, tout cela intriqué et entremêlé… Et ce sont des énergies, des forces telluriques. Bien malheureusement, on ne trouve ça nulle part dans notre pauvre Art Occidental.

PPC : Mais c'est ce que toi tu fais dans tes plexiglas et beaucoup de formats carrés en forme de mandala ?

JPS : Oui, j'utilise souvent des schémas de mandalas.

PPC : Tu crées une accumulation d'images superposées ?

JPS : Oui, voilà, tout à fait.

PPC : J'aimerais savoir combien de couches tu superposes ?

JPS : Oui, on en avait discuté ensemble quand tu étais venu à l'atelier et on pourrait peut-être en passer l'extrait ? En général, il n'y a pas de règle précise et je travaille aussi à l'envers des plaques de Plexiglas et donc je peux ajouter deux, trois, quatre couches et à la fin, je termine avec une couche de monochrome, de peinture acrylique peinte au pinceau, pour finir mon travail. Oui, pour le terminer et après… mais comme je l'ai expliqué à l'atelier, je ne sais pas du tout à l'avance ce que ça va donner donc je travaille avec l'inattendu, le subversif et le hasard. C'est très important pour moi de travailler à l'aveugle, parce qu'on a tous des idées préconçues, esthétiques ou morales de ce qu'on veut faire, de ce qu'on voudrait réaliser. Et moi, je ne veux pas que les aprioris me gênent dans ma création.

PPC : Tu parlais de visite de ton atelier alors, je te propose que l'on écoute notre visite à ton atelier :


INTERVIEW AVEC LAURENT DANS L'ATELIER DE BESANÇON, LE 6 FÉVRIER 2025

- Jean-Pierre, est ce que ton atelier est ouvert au public ?

JPS : Non pas du tout. Mon atelier est ouvert mais uniquement sur rendez-vous, parce que je travaille toujours énormément et je n'ai pas le temps de recevoir du monde comme ça, à l'improviste.

PPC : Mais sur rendez-vous, oui, on peut venir. Il n'y a pas de journées portes ouvertes, il n'y a pas tout ça ?

JPS : J'ai fait pendant très longtemps des ouvertures d'atelier au public, une journée portes ouvertes par an et ça ne fonctionnait pas très bien donc, j'ai arrêté.

PPC : Alors, nous sommes dans ce grand espace avec pas mal d'œuvres de Jean-Pierre qui sont accrochées aux murs. Ce sont des œuvres sur plexiglas qui sont sérigraphiées de dimension d'un mètre 05 par un mètre 05. Puis on a tout un pan de mur comme ça (3,15 par 6,30 m), de toutes les couleurs, avec beaucoup d'images, qui est vraiment magnifique ! On a beaucoup de pots de peinture sur un petit chariot, je vois, on a des tables, on a des chaises, on a le sol, avec pas mal de petits scotchs. À quoi servent tous ces scotchs Jean-Pierre ?

JPS : Je filme souvent, quand je travaille ou je filme également des interviews et donc j'ai besoin de savoir où placer les caméras. Pour ne pas avoir à calculer à chaque fois où sont les pieds des caméras, j'ai mes petits repères comme ça, voilà !

PPC : Ah, des repères de caméra. Parce que Jean-Pierre se filme, vous pouvez retrouver tous les films sur son site internet (j-psergent.com) quand il est en train de travailler. Donc on a un immense plan de travail et il nous a expliqué ou nous expliquera ce plan de travail et son histoire, parce que c'est un plan de travail qui arrive des États-Unis, de New York… avec des tables en bois, un tas de papiers, une énorme bibliothèque, au fond de l'atelier. Et alors cette bibliothèque te sert pour ton travail ?

JPS : Oui, tout à fait. Je me "sers", enfin, entre guillemets, des écrivains, des ethnologues. J'adore lire, par exemple, les récits d'Alexandra David-Neel car elle a voyagé au Tibet et en Inde. Je lis beaucoup sur le bouddhisme, sur l'hindouisme, sur tout ce qui sort un peu de l'Occident, pour m'apporter une énergie que l'on a plus ou moins perdu ici. Et je voulais revenir sur mes modules sur plexiglas. Ce sont des travaux, des peintures inversés, c'est à dire que je mets trois couches de sérigraphie et après je mets la touche finale comme un monochrome, au pinceau. Donc, c'est vraiment une peinture à l'envers, ce qu'on appelle en anglais reverse glass painting. Et le format de mon module, c'est 1,05 par un 1,05 m. Mais, quand les plexiglas sont encadrés, il fonts 1,40 par 1,40 m.

PPC : On peut voir aussi dans cet atelier, qu'il y a énormément de statues, de masques et de sculptures, sans doute un petit peu aztèques ou mayas, qui arrivent du Mexique. Donc ici, on est vraiment dans une superbe ambiance. Alors, je vous invite à prendre rendez-vous pour venir visiter l'atelier de Jean-Pierre. On revient donc au studio avec Jean-Pierre et puis, on continue à parler de son œuvre et de son Art. Je te propose de partir un petit coup en Inde avec un morceau de ta sélection : Raga Baïrag, Gopal Krishan...


PARTIE 2/3

PPC : On sort de notre transe chamanique avec ce morceau. Nous étions en Inde avec Jean-Pierre. Donc on a fait le Mexique, le Guatemala. On est passé un petit coup par l'Inde et là on revient à Besançon et à Besançon, on est en 2016-2021 et là, tu fais une nouvelle série. Alors des plus petits formats, c'est peut-être plus intéressant en France et en Europe. Les petits formats par rapport aux grands formats ? Ce sont des formats de vingt-cinq par vingt-cinq centimètres et tu nous en fais plus de plus de 3 000 ! 3 000 sérigraphies comme ça, d'une série qui s'appelle "Shakti-Yoni", avec pas mal d'images, un petit peu érotiques ou pornographiques, extraits de vidéos japonaises ou de livres japonais. Tu peux nous en parler un petit peu ?

JPS : Oui bien sûr. En fait, le titre c'est "Shakti-Yoni: Ecstatic Cosmic Dances" et Shakti, c'est la déesse du sexe, de la mort et le Yoni, c'est le sexe féminin, la vulve, extatique, cosmique. C'est à dire que je pense que ce qui est important, c'est le corps dans l'extase, dans la danse et dans la joie, quelque part, donc, dans la sexualité. Et justement, j'ai écrit un petit texte pour cette émission. C'était parce que je me pose une question sérieuse car nous sommes tous inondés, aujourd'hui, d'images pornographiques. La pornographie, c'est à peu près le même chiffre d'affaires égal à celui de l'armement donc c'est un gros business. Il ne faut pas penser que les images pornographiques arrivent comme ça, out of the blue… Et on se pose vraiment la question intellectuellement et politiquement, de savoir pourquoi tant d'images pornographiques arrivent sur et dans le marché ou chez nous, sur nos ordinateurs, à qui et à quoi elles servent  vraiment ? Et j'ai fait un peu une mise en relation avec les déclins des anciennes sociétés aztèques et précolombiennes où ils sacrifiaient sans arrêt des êtres humains à tire-larigot. Et j'ai écrit ce petit texte que je vous lis donc :


JPS : MISE EN RELATION ÉVIDENTE ENTRE LES SACRIFICES HUMAINS MEXIQUAINS & LA FOLIE PORNOGRAPHIQUE CONTEMPORAINE, JPS, PRINTEMPS 2025

L'Hubris et la folie pornographique contemporaine actuelle, pourraient, sans doutes possibles, être en quelque sorte comparées aux frénétiques tueries des années du déclin des dernières sociétés Aztèques, même perpétrées juste avant l'arrivée de Cortez car en effet, les Aztèques pensaient, à juste titre d'ailleurs et collectivement, que d''autres dieux allaient remplacer les leurs et par peur, par crainte, par bravoure, par dépit et par honneur, ils auto-sacrifièrent collectivement, même parfois, leur propre élite, afin d'empêcher cet apocalypse annoncé. Il me semble que, comme le business de la pornographie mondiale, génère aujourd'hui un chiffre d'affaire égal à celui de l'armement, on ne peut que s'interroger, au-delà de notre propre histoire individuelle et en prenant de la hauteur historique et de la distance analytique, pour essayer de comprendre d'où vient ce besoin si énorme, si prégnant, presque si vital et pratiquement insatiable, de l'homme pour se nourrir, s'abreuver, s'abrutir si complètement, si abondamment, si orgiaquement et 'ogresquement' de ses images érotiques, toutes si semblables, si simplistes, si stupides et si vides de sens, autres que masturbatoires ! Car, finalement, la pornographie ne sert qu'à se masturber, Alors, ne serait-on pas revenus, tous collectivement, au temps d'une société, tout simplement esclavagiste romaine et complètement soumise et inféodée aux commerces des corps et au business à tout prix, à la société-spectacle et à la disparition totale d'un sentiment religieux et spirituel. Car on ne peut détruire que ce qui est soumis et inféodé au système. En référence à un texte de Simone Weil, une philosophe dont je parlerai peut-être tout à l'heure. Et que bien sûr qu'en unissant largement des images pornographiques, disons par exemple, qu'une image sur deux dans mon travail, est issue d'un site internet, alors pourquoi j'utilise si largement ces images ? Premièrement, pour placer et mettre une image miroir des gens qui regardent mon travail. Ils disent :"Tiens, votre travail est très pornographique". Mais je peux leur dire : "Mais vous, vous ne regardez pas vous aussi de la pornographie, c'est général ? C'est une évidence". Et deuxièmement, pour dire que, parfois, dans certaines de ces images, il y a comme un état de grâce, de sainteté, d'état extatique. Et c'est cet état de grâce et d'extase que j'essaie de représenter dans mon travail.

PPC : On peut aussi citer Gustav Klimt qui disait que "Tout Art est érotique !"

JPS : Tout à fait, oui exactement.

PPC : Oui, c'est vrai, c'est vrai. Mais là, toi, est-ce que c'est plus érotique, pornographique ou c'est un mélange ?

JPS : Non, je n'ai pas de définition ni de justification à donner.

PPC : C'est un mélange de tout.

JPS : Oui, je déteste les définitions. Je déteste enfermer mon Art dans une définition ou un concept. Ça ne veut rien dire.

PPC : Cette image pornographique ou érotique va être insérée dans ton travail sur un plexiglas ou après sur un tirage papier mélangé à d'autres formes, à des choses très symétriques et géométriques ?

JPS : Oui, je travaille beaucoup avec ce que l'on appelle le pattern. Le pattern, en anglais, c'est un motif répétitif. Je les trouve souvent dans les sociétés dites 'premières' entre guillemets et pour ces peuples et ces sociétés, ces patterns représentent souvent, comme une connexion génétique, c'est à dire : le père, la mère, le fils ou le grand-père aussi, ce sont des liens génétiques et donc c'est comme un espèce de filet, de réseau social, génétique, culturel et ancestral qui devrait ne jamais s'arrêter Or ce réseau humain, tous ces réseaux humains, ces liens et ses tissages, disparaissent aujourd'hui. Ils survivent maintenant un peu avec l'Internet mais on ne peut plus communiquer avec les morts. On ne peut plus communiquer, ni même avec les vivants. Je me rappelle toujours cette anecdote personnelle qu'une fois, j'ai vu en rêve mon grand-père tomber dans sa cuisine et une semaine après, j'ai appris qu'il était vraiment tombé dans sa cuisine. C'est à dire que ces liens, que tous les africains connaissent ou les peuples premiers, les amérindiens etc. connaissaient ces channels comme on dit, ces canaux d'information et d'amour, de connaissance aussi, ces canaux qu'utilisent les chamans, ont disparus. Et nous, occidentaux on les a tous bien perdus (le roi est nu !). Donc pour moi, c'est une grande perte. Et combien il y a de langages premiers qui disparaissent ? Combien il y a de cultures qui disparaissent aujourd'hui ? C'est innombrable et incommensurable ! Et c'est la raison pour laquelle, j'utilise beaucoup d'images provenant de ces sociétés qui ont disparues, bien malheureusement aujourd'hui.

PPC : l'Art au féminin, pour toi, il est bien représenté, pas bien représenté, pas assez représenté ?

JPS : Bien évidemment que non. Car, je crois qu'il n'y a environ qu'un % d'œuvres d'artistes féminines dans les musées en France ! 

PPC : Et tu avais une phrase que tu voulais citer.
Sur ton site internet, j'ai vu une petite phrase que tu avais marquée qui dit que c'est ainsi la moitié de l'humanité qui n'est pas présente dans les Musées ?

JPS : Tout à fait. Enfin, elles sont dans les musées, mais de part et "grâce" uniquement au regard et au désir des hommes pour leurs corps.

PPC : Un extrait donc, maintenant de cette artiste peintre et enseignante iranienne de Téhéran. Une amie à toi ?

JPS : Oui, c'est une amie sur Instagram et elle aime tous les posts que je mets sur Instagram. Donc je pense que mon travail est important pour elle. Et donc elle s'appelle Samira Sahrabavard et elle est donc artiste et professeur d'Art. Elle enseigne l'Art aux enfants et aux adolescents à Téhéran, en Iran. Et donc elle dit cela et je vais vous traduire une partie de son extrait.

SAMIRA SAHRANAVARD, PEINTRE ET ENSEIGNANTE IRANIENNE À TÉHÉRAN

"Je suis professeur d'Art et j'enseigne l'Art aux enfants et aux adolescents en Iran de manière professionnelle.

Salutations et respect à tous les chers auditeurs de Radio Campus Besançon, ainsi qu'un salut spécial à notre cher ami artiste Jean-Pierre Sergent. 
En tant qu'artiste et enseignante engagée dans le domaine de l'Art et de l'histoire de l'Art, j'essaie de rendre le rôle des femmes en Iran plus passionnant en organisant des cours d'art dans la bonne direction et en m'orientant vers les arts modernes et créatifs. Je consacre tout mon temps à donner une bonne éducation aux enfants et aux adolescents afin qu'ils puissent continuer et se développer dans l'Art avec la bonne compréhension et le bon concept à l'âge adulte. Comme nous le savons, le rôle des femmes est un sujet que l'on retrouve en abondance dans divers arts et cette question montre l'importance de la question des femmes dans chaque société.  
La vie des femmes de mon pays est aujourd'hui liée aux technologies de la communication, aux espaces virtuels et à leurs outils et il est logique qu'elles s'expriment afin de pouvoir transmettre correctement cette question importante aux générations futures et de devenir plus prospères jour après jour.
Avec ma gratitude à vous tous, chers amis, qui accordez une attention particulière à l'Art et au rôle des femmes dans celui-ci.
Et je souhaite un Monde plein de couleurs et de joie pour tous."

PPC : Donc tu as pas mal d'amies et peintres femmes ? Plus que d'hommes ?

JPS : Oh non, non, ça n'a absolument aucune importance, je ne compte pas. Mais j'ai une affinité particulière pour les travaux d'artistes féminines comme Frida Kahlo ou bien évidemment, Louise Bourgeois. Mais le travail de Louise Bourgeois me dérange un peu, parce qu'il est très très difficile à regarder car il est très dur, angoissé et plein de souffrances mais je l'adore quand même. Et j'aime  plus Nancy Spero par exemple, elle utilise des référence plus antiques et plus évidentes à la culture et la sexualité. Parce que quelque part, ces artistes femmes se sentent bien évidemment enfermées comme dans une prison, dans une prison qu'on construit collectivement, les hommes, les morales et les religion envers les femmes au cours de l'histoire. Elles ont tout à fait raison et elles veulent se libérer. Mon Art est aussi libérateur. C'est cette espèce de liberté à laquelle je veux accéder. Bien sûr ! Et c'est sûr que moi, dans mon travail, on n'en a pas parlé déjà, mais on voit des grosses bites, des chattes, des seins et des enculades. C'est vrai que tout cela choque le bourgeois mais l'Art est fait principalement pour choquer, sinon on retourne faire de la trottinette.

PPC : Il n'y a pas que ça, je précise mais il y a aussi ça, il y a ça. Mais il n'y a pas que des images pornographiques dans tes œuvres.

JPS : Oui, mais je pense que c'est le vrai rôle d'un artiste de bousculer un peu et même beaucoup la société et les codes moraux sinon, on s'endort. Sinon, on peint des fleurs toute sa vie et puis basta. Et puis, on devient riche et con !

JPS : On peint des fleurs toute sa vie. Oui, j'aime bien cette définition.

PPC : Jean-Pierre, tu fais beaucoup de plexiglas, de sérigraphie, mais est ce que tu fais autre chose ? Tu fais aussi de la sculpture ?

JPS : Non, non, pas du tout.

PPC : Pas de sculpture ? Mais dans ton atelier, il y a quelques sculptures.

JPS : Oui, j'en ai fait quelques-unes à New York avec des objets trouvés dans les rues de Brooklyn. Bien sûr, il y a beaucoup de statues mais qui ne sont pas de moi. Ce sont principalement des œuvres que j'ai achetées au Mexique ou au Guatemala, des masques cérémoniaux surtout, oui.

PPC : Des statues un petit peu particulières. Qu'est-ce qui te plaît dans ces statues ? Ce sont des statues qui te rappellent tes transes chamaniques. Il y a un jaguar, il y a aussi des têtes et des masques d'animaux.

JPS : Oui, comme El tigre (l'esprit du Jaguar maya !), c'est à dire que, comme je l'ai dit précédemment, dans les transes, on rencontre toujours un esprit animal. Donc j'ai le Tigre et c'est l'esprit du chaman qui le guide dans les autres mondes. Et ces œuvres ont une force que moi, je n'ai pas. Enfin peut-être que je l'ai ? Mais bon, en fait, c'est le but et la tangente vers laquelle je cherche à arriver. C'est sûrement l'endroit, c'est "le lieu du chamane", oui je pense. Parler aux esprits, parler aux morts et régénérer le Monde, c'est mon but humble et  ultime après tout !

PPC : Pour revenir à ton atelier, quelle est la première chose que tu fais dans ton atelier ?

JPS : En général, je me lève le matin et puis je m'occupe des réseaux sociaux. Et c'est beaucoup de travail parce que, comme le succès ne vient pas vraiment en quelque sorte car mon travail ne trouve absolument aucune audience, ni un public à Besançon. À cause de cela, je suis en quelque sorte, contraint, forcé et obligé de faire des rencontres dans les réseaux sociaux internationaux. Par exemple, sur mon compte LinkedIn, j'ai pratiquement trente mille contacts. Donc la première chose que je fais le matin car sur ce réseau, on est bloqué à 30 000 contacts donc, j'enlève des contacts et je passe ainsi entre une demi heure à une heure pour enlever des gens sur mon compte et après, alors,  je recontacte d'autres gens… des conservateurs de musées, des journalistes, des galeristes ou que sais-je encore. Tout ce travail de secrétariat et de communication, me prend des fois deux à trois heures par jour. Et je fais également beaucoup de travail de montage, ces-temps-ci, par exemple, je travaille sur les montages des vidéos que j'ai filmées l'été dernier dans mon atelier. Ça me prend par exemple douze heures par jour pour faire le montage d'une vidéo. Et donc, des fois, je n'ai pas le temps de faire le travail sur les réseaux sociaux. Je prends du retard. Là, par exemple, j'ai un mois de retard sur le réseau LinkedIn. Voilà, c'est ce que je fais et je suis sur Facebook aussi et sur Instagram ainsi que Twitter également.

PPC : Est-ce qu'on peut considérer ton Art et donc tes œuvres comme étant de l'Art Brut ?

JPS : J'aimerais bien, mais ça ne colle pas, parce que moi j'ai fait des études. On considère comme faisant partie de l'Art Brut, les personnes qui n'ont pas eu d'éducation artistique et qui sont, pour la plupart internés dans les asiles et qui font l'Art qu'ils ont envie de faire, sans possiblement être influencés. Mais ils n'ont pas eu d'éducation. Ils ont peut-être eu des cours de peinture dans ces institutions mais donc moi, je ne peux pas être considéré comme artiste d'Art Brut mais c'est vers ce quoi je tends, puisque, bien sûr, dans l'Art Brut, il y a une force qui est justement totalement débridée, une énergie insoumise.

PPC : On peut voir ça d'ailleurs sur ton site internet qui est extrêmement fourni où tu mets des exemples d'artistes de l'Art Brut. avec tes explications. Donc ton site internet, comment on fait pour le trouver ?

JPS : Oui, c'est l'adresse suivante : j-psergent.com

PPC : Et ce site, c'est vraiment une mine d'informations, je ne sait pas depuis combien d'années tu gères ton site internet, depuis quand en fait ?

JPS : Je l'ai commencé à New York, depuis au moins 25 ans. J'avais une amie brésilienne Elaine Scola, qui m'avait fait ça. Je l'avais rencontrée à une party, justement, à Brooklyn et mon copain qui nous avait invités, avait fait venir carrément une école de samba brésilienne dans cette fête. C'était vraiment un party super. Et puis j'ai rencontré cette fille et lui ai proposer que l'on collabore à monter un site internet ensemble car elle faisait du webdesign. Et c'est elle qui a commencé le site. Et maintenant c'est mon ami Cyril Clément qui habite Bruxelles et qui s'occupe de gérer ça. Mais par contre, c'est moi qui ajoute toute l'actualité et tous les contenus si tu veux. Oui donc ça aussi ça prend pas mal de temps, il faut ajouter des photos, des textes, des vidéos et tout ça…

PPC : Dans tes choix musicaux, il y a quelque chose de surprenant aussi. C'est peut-être un souvenir de New York, c'est Eminem ? Alors, pourquoi Eminem ?

JPS : Justement, il y a, dans ses chansons, cette énergie que beaucoup d'artistes n'ont pas.

PPC : Donc, on écoute Eminem dans les Pépites de Pépé Coyote sur Radio Campus Besançon. Et puis on revient parler d'Art avec Jean-Pierre, parce que son histoire, c'est un puit, comme on dit, un puit sans fond, sans fin.

JPS : Enfin quand même, sachons rester humbles…

PPC : "Please stand-up please stand-up !" PépéCoyote et Jean-Pierre sont dans la place. Jean-Pierre, je ne t'ai pas entendu chanter ?

JPS : Ah oui, c'est vrai.

PPC : Qu'est-ce que tu chantes ?

JPS : Pas beaucoup? Non, malheureusement pas beaucoup.

PPC : Pourquoi ce choix d'Eminem ? Parce que tu le connais et l'apprécie bien ? Tu trouves ça festif ? C'est comique ?

JPS : Justement, il y a tellement d'humour dans ce qu'il chante, surtout quand on comprends un peu ses paroles, même si c'est difficile à comprendre, même pour moi, qui suis américain, je ne comprends pas tout ce qu'il dit. Mais je sais qu'il y a beaucoup d'humour et puis beaucoup d'énergie. Et beaucoup de rythme, bien évidemment. Et je me permets de revenir à mon travail car, c'est un peu la même chose, il y a beaucoup de phrases et de mots obscènes et quand on comprend l'anglais, il y a beaucoup de phrases qui interrogent le public dans mes œuvres et la différence entre le public français et le public américain, on l'aura compris, c'est que les gens se fendent la bille devant-elles ; en fait, les américains sont pliés de rire devant mes travaux, ils sont écroulés de rire parce que j'utilise des phrases qui déstabilisent. L'obscénité et la gaudriole amènent le rire et déstabilisent la rigidité cadavérique et même la stupidité du spectateur. Alors qu'ici, les gens vont voir de l'Art comme quand on va dans les Musées. Ils ne rigolent absolument jamais et tirent la gueule. C'est d'une tristesse à mourir, la façon dont on regarde l'Art, ici, en France. Quelque part, je réfléchissais à ça. Et aujourd'hui, mon Art, une fois qu'il est fait, j'en ai plus rien à foutre. C'est à dire qu'il vit sa vie et voilà, ce sont des paroles, des couleurs et des images que l'on jette comme ça et puis ça suit sa vie. J'aime que les gens rentrent en harmonie avec cette énergie mais ce n'est pas si évident que ça ! Ce n'est pas si évident de trouver l'harmonie entre l'œuvre d'art et le public, surtout si celui est telement indigent et inculte ! Et je voulais parler justement de la pesanteur du corps. Je vais citer Simone Weil, si tu veux bien.

PPC : C'est un livre de Simone Veil, La pesanteur et la grâce. Tu veux nous en lire un petit extrait ?

JPS : Oui. Voilà donc Simone Veil, c'est une philosophe qui n'est pas la Simone Veil que l'on connaît, la femme politique, qui a survécu aux camps d'extermination mais elle, elle était juive aussi. Elle a été persécutée mais elle n'a pas été enfermée dans les camps. Et donc toute ses réflexions, sont des réflexions sur le corps, sur la religion et sur l'Art également. C'est un très petit livre que je recommande vraiment à tout le monde de lire. Donc elle dit à un moment donné :

LIVRE : LA PESANTEUR & LA GRACE, SIMONE WEIL 

"La seule manière de conserver sa dignité dans la soumission forcée : considérer le chef comme une chose. Tout homme est esclave de la nécessité mais l’esclave conscient est bien supérieur."

Cela s'applique complètement à notre situation actuelle !C'est à dire que même dans les pires moments effroyablement difficiles, le corps a son intelligence, sa grandeur, sa résilience et sa grâce. Et ça il faut s'en souvenir. Et comme je suis artiste, je travaille toujours avec cette grâce là. Et elle dit encore plus loin :

"La vie moderne est livrée à la démesure. La démesure envahit tout : action et pensée, vie publique et privée. De là, la décadence de l’Art, Il n'y a plus d’équilibre nulle part. Le mouvement catholique est partiellement en réaction là-contre : les cérémonies catholiques du moins, sont restées intactes. Mais aussi sont-elles sans rapport avec le reste de l’existence." 

Parce qu'en fait, Simone Weil était d'origine juive et elle est devenue chrétienne parce qu'elle a trouvé la grâce dans cette religion-ci et c'est tout à fait respectable. Et plus loin, elle parle de l'Art. Elle dit ainsi :

"Le beau est la preuve expérimental que L'incarnation est possible. Dès lors tout Art de premier ordre est par essence religieux. (C’est ce qu’on ne sait plus du tout faire aujourd’hui). Une mélodie grégorienne en témoigne autant que la mort d’un martyr."

Et elle a tout à fait raison. Ce qui m'intéresse dans mon travail, c'est de trouver une transcendance quelque part, de dépasser les normes et justement, d'aller au-delà du corps et au-delà des impressions un peu rationnelles, d'aller au-delà du rationnel, oui, c'est très important.

PPC : Tu lis énormément, énormément, énormément, énormément. Tu as une collection et une bibliothèque avec tous les styles différents. C'est fou ! Ça peut aller de la nature, des animaux à la poésie ou, à la pornographie ?

JPS : Non, je ne lis pratiquement pas de pornographie, ça ne m'intéresse pas du tout.

PPC : Non mais par rapport à tes dessins. C'est plus des films, des vidéos.

JPS : Oui, je récupère des images sur internet et puis, c'est gratuit.

PPC : Que du gratuit. Par contre les livres-là, ceux-là, tu les achètes ?

JPS : Oui, je les achète parce que c'est un des seuls luxes que je peux encore avoir et que j'ai et qui est de, parfois pouvoir acheter quelques livres quand j'ai un peu d'argent. Et puis, il est vrai que j'en achète quand même un peu trop. Mais c'est Umberto Eco qui disait qu'il ne faut pas s'inquiéter d'avoir plus de livres qu'on en lit. Parce que quelque part, si on lisait tous les livres qu'on achète, on serait en plein dans le système de la société de consommation, dans laquelle il faut consommer tout ce qu'on achète mais les livres sont du superflu, comme l'Art d'ailleurs !

PPC : Et puis tes livres, tu les annotes, tu les lis, tu prends des éléments, des phrases, tu les scanne, tu les mets sur ton site internet, tu les commentes. Est-ce que ça te sert pour ton travail aussi ? 

JPS : Oui, bien sûr ! Mais assez paradoxalement, ça me sert, oui mais souvent plutôt à postériori… Tiens, par exemple, Marguerite Yourcenar parle de quelque chose… Eh bien dans ce travail-là, à une certaine époque, j'étais dans cette même direction là. C'est rare que ça m'ouvre une voie de réflexion mais parfois ça le fait, comme dans les Upanishad ou les livres sur le chamanisme ou le tantrisme. Mais de fait, ça complète et étaye mon travail quelque part, oui, c'est un parallèle, les deux inter-nourrissent mutuellement… Oui et c'est toujours impressionnant de savoir que l'humain est toujours le même au travers de l'histoire, qu'il vive en Inde ou au Pôle Nord ou au Moyen-Âge ; ce qui intéresse l'humain, c'est un peu, comment survivre à l'extrême bêtise des sociétés, des religions et des dogmes ou des systèmes financiers, quelque part, il faut le dire clairement. Et aujourd'hui, on a quand même du mal à survivre à la bêtise et à l'incroyable stupidité ambiante.

PPC : On peut imaginer que tu arrives sur une île déserte, tel Robinson Crusoé. Tu trouves une cabane et dans cette cabane, il y a une caisse et dans la caisse, il y a trois livres. Qu'est-ce que tu aimerais y trouver ? Ou qu'est-ce que tu découvrirais comme livres ?

JPS : Les Upanishad, déjà et bien sûr, je pense que c'est un livre merveilleux et plein d'enseignements.

PPC : Les Upanishads, ce sont les textes sacrés des hindous ?

JPS : Il date de deux à trois mille ans. Oui bien sûr, bien malheureusement j'ai pas d'extrait ici mais bon, peu importe. Et oui, c'est très, très beau et stupéfiant.

Voici trois petits extraits des 108 Upanishads traduits par Martine Buttex :

"Des milliers de fois auparavant - J'ai vécu dans la matrice d'une mère - J'ai pris plaisir à une grande variété de nourritures - Et je fus allaité à tant de seins maternels - Je naissais, et mourais de nouveau - Et continuellement, je renaissais une nouvelle fois." In Garbha #4

"I-47, Dans le Monde, quel que soit l'objet que l'on considère, il ne s'agit que d'un processus vibratoire de la conscience et non d'une entité permanente."

"V- 94, "Je suis uni à celui qui demeure à la pointe du brin d'herbe, dans le ciel, dans le soleil, dans chaque être humain, dans les montagnes et même dans les divinités"... pensant ainsi il ne connaît plus la souffrance." In Annapurnna

PPC : Et puis quoi d'autre, peut-être, que tu aimerais trouver dans cette caisse ?

JPS : Peut-être l'Histoire de ma Vie de Casanova. J'avais mon cher ami Bruno Dellinger, que peut-être certains auditeurs connaissent. C'est un ami qui est de New York et qui a survécu d'extrême justesse à l'attentat du 11 septembre 2001. Et il m'avais dit : "Jean-Pierre, l'Histoire de ma Vie de Casanova, il faut la lire trois fois : Une fois quand on est jeune, une fois quand on est adulte et une fois aussi quand on est vieux". Mais ce sont trois gros tomes et c'est très, très beau à lire et c'est plein de poésie,  plein d'énergie vitale et de rebondissements rocambolesques ! Oui je trouve Casanova et peut-être quoi d'autre? J'aime bien Marguerite Yourcenar, un peu moins ses romans car je les ai lus il y a très longtemps mais par exemple, ces temps-ci, j'ai lu Source II, qui est un livre qu'elle n'avait pas publié et demandé de ne le publier que trente années après sa mort. Et elle y parle justement de l'Inde, du Japon, elle parle de Mishima. Peut-être que je pourrais citer des petits extraits des auteurs japonais. Je suis en train de lire une correspondance entre Mishima et Kawabata, par exemple.

PPC : Un extrait de Mishima. C'est avec plaisir mais on écoutera un petit titre de ta sélection, c'est Le jardin d'hiver. Et, on revient après avec Jean-Pierre.

JPS : Merci.


PARTIE 3/3

PPC : C'était une reprise du Jardin d'hiver d'Henri Salvador au ukulélé. 

JPS : Cette voix, c'est la sensualité par excellence. Et parfois, dans ma vie, j'ai eu la chance de rencontrer des femmes à la beauté incroyable et à la voix suave et sensuelle. Voilà, c'était "Jardin d'hiver"par Vaimalama Chavez, une ancienne Miss France. Oui et chaque fois que j'entends cette voix, ça me touche comme la voix d'une mère quelque part, qui nous berce et qui nous apaise. Et donc je voulais parler un peu du Japon et du rapport avec la beauté. Je suis en train de lire le livre de correspondance entre Kawabata et Mishima. Mishima est plus connu que Kawabata mais bon, peu importe. Et je lis beaucoup de littérature japonaise et j'ai  la chance d'avoir eu plusieurs petites amies japonaises et leur rapport à la vie est totalement différent du nôtre. Ils n'ont pas cette excitation, cette colère envers les choses. Et les Japonais sont quelque part, pour la plupart, aussi des animistes, ils pensent que, dans la nature, il y a des esprits comme les kamis et que, à certains endroits où ils vont mettre des cordes autour d'un arbre pour montrer et signifier que cet arbre est sacré. Et nous, on a perdu ce rapport au sacré. On l'a retrouvé un peu avec l'inauguration de la rénovation de Notre-Dame mais c'était tout de même bien grandiloquent ! Et le sacré au quotidien, on l'a perdu. On a perdu notre rapport avec la mort, avec les morts, avec nos ancêtres. On ne sait plus communiquer. Donc, dans l'introduction du livre, la personne qui le présente a dit : 
"Il y a chez Kawabata un sentiment du sacré d'essence religieuse, alors qu’il est tout de suite lié chez Mishîma à l'érotisme et au narcissisme, au paganisme et même au saccage, à un « enivrement inquiétant » ou à un sacrifice sanglant.". C'est vrai que Mishima s'est suicidé en faisant le rituel seppuku des samouraïs, parce qu'il ne trouvait plus du tout sa place dans le Monde dans lequel il vivait. Et ça pose question. Mais souvent, les artistes ont des idées un peu trop bornées et inatteignables sur l'esthétique ou sur la morale. Et souvent, la société ou les sociétés, ne correspondent pas du tout à leurs aspirations, il y a un énorme décalage ! Et donc, cet auteur dit aussi plus loin : 
Cette faculté d'abstraction, cet amour de la spiritualité éclatent dans le discours qu'il prononça lors du prix Nobel (Kawabata) : "Le disciple zen reste assis de longues heures, silencieux, immobile, les yeux fermés. Bientôt il pénètre un état d'impassibilité, libéré de toute conception, de toute pensée. Il quitte le soi pour entrer dans le domaine du rien. Ceci n'est pas le Rien ou le Vide occidental. Plutôt le contraire, un univers de L'esprit où tout communique en toute liberté avec tout, transcendant les frontières, sans limites."
Et moi, j'aimerais un peu que dans mon travail, ce soit exactement ce qui se passe là.

PPC : Est-ce que dans ton travail on ressent cet esprit, cette essence un peu japonaise ou on est plus dans le côté hindou ? Comme la série avec l'exposition des "Les Quatre Piliers du Ciel" ?

JPS : J'espère qu'on sent un peu tout ça. J'essaye de me nourrir de différentes cultures, différentes civilisations, qui justement avaient ce lien avec la Terre, avec le Ciel, avec les Étoiles…

PPC : Parce que cette série-là, "Les Quatre Piliers du Ciel", ont été exposés au Musée des Beaux Arts et c'était quand même une œuvre assez monumentale quand même.

JPS : Oui, tout à fait. Ça pouvait plonger le spectateur dans un état d'extase. Malheureusement, au vu des retours inexistants que j'en ai eu, je pense que les gens sont passez complètement à côté de l'œuvre. Mais ça, c'est le problème d'une œuvre d'art car il y a souvent entre une œuvre d'art où ce que fait et veux dire l'artiste, un énorme décalage entre le public et l'œuvre. Peut être que c'est normal ? Peut-être que c'est dix, quinze ou 50 ans ? Je n'en sais vraiment rien. En tout cas, mon exposition a quand même marqué certains esprits, puisque maintenant, aujourd'hui, à la galerie, à l'exposition, certaines personnes me parlent encore de cette installation mais sur le moment et, l'exposition ayant duré quand même quatre ans, je n'en ai eu aucun retour !

PPC : Parce que c'est vrai que c'est une œuvre qui reprend ces grands formats de 1,40 par 1,40 mètre. Quand on regarde ce format tout seul, de près, on se dit "Oh, qu'est-ce que c'est grand déjà ! Ça apporte quelque chose !" On est fasciné par ça, on rentre dedans. Et quand, étant sur place, on a le recul pour voir dans ce Musée des Beaux-Arts tout ce qui était dans les escaliers, c'était extraordinaire… mais en fait, il y avait combien de peintures au total ?

JPS : Oui, il y avait 72 peintures et ça faisait 80 mètres carrés au total.

PPC : Quand on regarde de loin 80 mètres carrés, on s'aperçoit déjà de la puissance d'une peinture de 1,40 par 1,40 m.

JPS : En fait, c'est la dimension de mes unités qui est de 1,05 par 1,05 m mais bon, peu importe. Oui, c'est vrai et c'est vrai aussi, que même le plexiglass qui est montré dans la galerie actuellement, a aussi une puissance unique personnelle et individuelle. Exactement, ce sont des puissances qui sont mises ensemble, des cultures qui sont mises ensemble.

PPC : Parce qu'on retrouve ça aussi dans ton atelier actuellement, il y a tout un pan de mur. Est-ce que tu les changes régulièrement ou pas ?

JPS : Non, je les change quand j'ai une exposition monumentale donc, je décroche les œuvres que je veux exposer dans un nouveau lieu. Par contre, je décrocherai une œuvre que j'ai dans mon atelier actuellement pour la mettre dans la prochaine exposition de groupe qu'on aura à la galerie prochainement.

PPC : Parce qu'effectivement il y a une nouvelle galerie, la galerie qui se trouve rue Proudhon.

JPS : Oui, la Galerie Keller.

PPC : Donc, c'est une galerie que tu as créée de toute pièce avec une amie zurichoise ?

JPS : Oui, c'est à dire que je connais Heidi Suter depuis presque quinze ans maintenant et à cause du Covid, elle a donc perdu sa galerie de Zurich et elle venait me voir souvent à Besançon. Elle m'a demandé, en août l'an dernier (2024) : "Jean-Pierre, est-ce que tu n'aurais pas un espace à me proposer ?" Donc, j'ai un ami qui est dans l'immobilier et qui nous a trouvé ce bel endroit et elle est venue s'y installer. C'était un peu compliqué parce qu'elle ne parle pas un mot de français. Mais on s'est bien organisé et voilà. On a ouvert cette galerie à partir de décembre 2024 et ça fonctionne plutôt bien. Alors, la prochaine exposition s'appellera "Bric-à-Brac et Impromptus, intemporel, intempestif, érotique, christique, anarchique, extatique, jubilatoire et orgasmique". Et donc nous exposerons les artistes suivants : Elisabeth Bar, Claudie Floutier, Guimbarde, qui était mon ami et qui fait de l'Art brut mais qui est, bien malheureusement, décédé fin octobre dernier et aussi Bertrand Saulnier et avec mon travail également.

PPC : Cette nouvelle galerie est à voir ! Allez-y, c'est au sept de la rue Proudhon à Besançon. Jean-Pierre, je te propose encore parmi tes choix musicaux, parce que tu as fait une playlist de je ne sais combien de chansons et puis, on les sélectionne un peu au fur et à mesure de ton émission. Et là, tu nous as sélectionné un chant indien, c'est d'une tribu indienne.

JPS : Oui, les Sioux et ce sont des femmes qui chantent.

PPC : Donc ça, ça te rappelle quoi de ton époque ? Les chevaux dans le Haut-Doubs? 

JPS : Oui, tout à fait ! Les Appaloosas, les chevaux des indiens Nez Percés.

PPC : Oui, c'est vrai. Et ça t'inspire aussi ? Tu écoutes de la musique dans ton atelier?

JPS : Plus tellement malheureusement. Parce que plus j'avance en âge, plus je travaille. Donc oui, je n'ai plus tellement de temps pour écouter de la musique.

PPC : Mais sinon, tu travailles en musique ou dans le silence ?

JPS : Non, ça n'a pas beaucoup d'importance.

PPC : Ça n'a pas d'importance. Le son pour toi ? c'est plus la lecture qui te travaille plus dans la tête que la musique ?

JPS : Oui ou ce que j'entends à la radio bien sûr.

PPC : Donc tu entends quelqu'un à la radio qui parle et ça t'inspire?

JPS : Oui, c'est tout à fait ça, je suis quelqu'un sous influence.

PPC : Il y a quelque chose dont on n'a pas parlé, Jean-Pierre, c'est la table à sérigraphier qui est dans ton atelier. Une table de travail que tu as ramené des États-Unis, de New York, avec aussi pas mal de livres, de pinceaux, de peintures, de statues, tout ça. Mais cette table a une histoire.

JPS : Tout à fait, car j'ai travaillé comme sérigraphe professionnel à Long Island City, à ce qu'on appelle la Drexel Press dirigée par Georges Drexel et moi, je cherchais une table sérigraphique et il me l'a vendu. Et cette table a plus de 60 ans maintenant puisque ils imprimaient les travaux d'Andy Warhol dessus et je lui ai acheté pour 800 $ et mes copains de boulot l'ont démontée et puis on l'a remontée à mon atelier de Long Island city. Donc c'est une table qui a une histoire incroyable et je suis fier et honoré de travailler dessus.

PPC : Donc Andy Warhol a travaillé dessus. Ce sont ses œuvres qui ont été imprimées là-dessus !

JPS : Tu sais, ce n'est pas lui qui imprimait car il avait plein d'assistants à la Factory. Oui.

PPC : Enfin, il a posé ses mains dessus.

JPS : Sur cette table, oui, bien sûr mais je ne suis pas fétichiste !

PPC : On peut donc voir dans ton atelier la table sur laquelle a travaillé Andy Warhol et qui aujourd'hui est utilisée par Jean-Pierre pour faire ses sérigraphies. On écoute donc : Women's Traditional Song Round Dance, Takini, Musique des Lakota Sioux d'Amérique Du Nord.

JPS : Ah oui, c'est fascinant. Il y a une énergie dans ces chants collectifs, une énergie sacrée et aussi une force vitale dont j'ai précédemment parlé. Et j'aime beaucoup ses chants. Malheureusement, tous ces peuples ont plus ou moins disparus. Heureusement, il y a eu un peintre et écrivain qui s'appelait Georges Catlin, qui a voyagé chez les Indiens des Plaines dans les années 1830 et qui a témoigné de tous les rituels qu'ils faisaient comme, par exemple, la Danse du Soleil où les guerriers Amérindiens se perçaient la poitrine. Et ils dansaient face au soleil jusqu'à ce qu'ils entrent en transe et que les chevilles de bois, liées aux lanières de cuir se détachent. Je me rappelle toujours, étant enfant que je lisais ces livres sur les cérémonies amérindiennes et c'est assez fascinant d'accéder à la spiritualité par la souffrance. C'est exactement ce qui se passe dans le catholicisme, puisque le Christ est mort pour nous ressusciter, "entre guillemets". Donc c'est commun à beaucoup de civilisations passées où, par la souffrance on peut entrer en transe et dans d'autres mondes. Et il y a aussi, dans ses chants, une joie et une pensée collective qui, personnellement, je pense, disparaît un peu car nous sommes arrivés à une société complètement capitaliste. Je pense qu'on a perdu complètement notre intelligence collective. On est en train de se planter complètement.

PPC : Tu voulais nous parler aussi de Jean Dubuffet ?

JPS : Oui, tout à fait. Je voulais citer juste quatre ou cinq citations à propos de l'Art, puisque c'est la discipline humaine qui m'intéresse le plus. Jean Dubuffet a dit à un moment donné… Il était un grand défendeur et initiateur de l'Art Brut donc, il allait dans les asiles et il collectionnait les œuvres des aliénés et des fous. Et il a fait et crée son musée de l'Art Brut à Lausanne en Suisse, que tout le monde peut aller voir et qui est vraiment superbe. Donc, il a dit :

"Je suis convaincu que l'Art a beaucoup à voir avec la folie." 

C'est totalement vrai qu'il faut être un peu fou pour être artiste. Il faut justement détruire toutes les barrières pour entrer dans un autre univers. Et il dit plus loin :

"La folie est un état de super santé mentale. Le normal est psychotique. La normalité signifie le manque d'imagination, le manque de créativité."

Et l'immense problème aujourd'hui, c'est que les gros collectionneurs n'achètent uniquement que de l'Art complètement normé, ce qu'on appelle politically correct. Le travail de Jeff Koons n'a aucun intérêt. C'est à dire que c'est très bien fait et exécuté mais c'est un produit fabriqué. Les gens aujourd'hui achètent de l'Art et des produits des grandes marques comme on achète un foulard Vuitton ou un sac Hermès et ils pensent que ça va les rendre plus célèbres ou même des Nike ou peu importe. Mais ce n'est pas vraiment cela qui vous rendra célèbre et respectable. Ce n'est pas ça qui rend les gens important.

PPC : C'est le paraître.

JPS : C'est le paraître, évidemment. Et je voulais citer aussi Pier Paolo Pasolini qui est un cinéaste que j'adore. J'ai beaucoup aimé tous ses films. Il dit cela :

"Je suis un homme ancien qui a lu les classiques, qui a récolté les raisins dans la vigne, qui a contemplé le lever ou la chute du soleil sur les champs. Je ne sais donc pas quoi faire d'un Monde créé, par la violence et par la nécessité de consommation." 

Dans cet autre extrait, il dit : 

"Quand il ne restera plus rien du Monde classique, quand tous les paysans et les artisans seront morts, quand l'industrie aura fait tourner sans répit le cycle de la production et de la consommation alors notre Histoire sera finie." 

PPC : C'est un visionnaire.

JPS : Mais oui ses films sont vraiment visionnaires. Et justement, il utilisait le sexe, en excès pour montrer aux gens combien ils se plantaient. Ce n'est pas la sexualité qui est importante, c'est la spiritualité au travers de la sexualité. Dans son film, Les Mille et une nuits, il le montre très bien. Et puis je voulais finir par John Mitchell, qui est une artiste américain. J'adore son travail aussi. C'est une autre artiste femme et elle dit très justement :

"La peinture c’est l’inverse de la mort, elle permet de survivre, elle permet aussi de vivre." 

L'Art, ça permet de vivre intensément et de manière plus profonde et intelligente que d'autres formes de pensées ou d'activités.

PPC : Mais il faut arriver à en vivre, il faut en vendre un petit peu. Pour les artistes, c'est difficile.

JPS : Ça, c'est un autre problème. Je n'aimerais pas trop en parler aujourd'hui parce que ça nous dépasse avec l'inflation du Marché de l'Art et toutes les galeries qui ferment. On n'a plus aucune main là-dessus parce que, la vente des œuvres et le Marché de l'Art, ça nous dépasse tous complètement et nous sommes complétment submergés et enfouis par les affres du marché.

PPC : Tu nous as parlé de ton grand-père, Maurice. Tu ne nous as pas parlé de ton papa ?

JPS : Oui, je voulais aussi parler de mon papa, René, qui est décédé il y a quelques années déjà.

PPC : Qui suivait aussi ton travail.

JPS : Il m'interpelait toujours avec un amical : "Salut l'artiste !". Donc ma famille m'a respecté dans mon choix d'être artiste et je voulais leur rendre hommage et dire combien ils me manquent. On va finir avec cette chanson de Joe Dassin. Et voilà ! Mon papa était notaire à Morteau et je crois qu'il était aimé de tous parce qu'il avait une immense humilité et une grande générosité.

PPC : Et il écoutait du Joe Dassin ?

JPS : Non, plutôt Charles Trenet, c'est ma maman qui adore Joe Dassin. Elle est encore en vie. Donc c'est un peu en hommage aux deux, que je souhaite passer cette chanson.

PPC : Donc, on dédicace Joe Dassin à ta maman. Voilà, elle s'appelle comment ?

JPS : Qui, ma maman s'appelle Poupette.

PPC : Donc on salue Poupette du côté de Morteau.

JPS : Voilà.

PPC : Joe Dassin. Et le titre c'est Le chemin de Papa. Donc, il est long le chemin. Papa, tu n'as pas chanté non plus ? Tu chantes ? 

JPS : Oui, des fois oui. Mais c'est vrai que ce n'est pas vraiment habituel pour mon corps. Mais en fait, à New York, j'ai découvert la danse, parce que, là-bas, on sortait souvent, très souvent à des parties donc on dansait tous et c'était bien. Oui, mais en France…?

PPC : Tu danses dans ton atelier ?

JPS : Ça m'arrive oui, oui mais malheureusement je n'ai pas cette joie ni cette culture là. Je la trouve dans mon travail quelque part mais je suis un européen, je le regrette. Quoi que… J'ai un ami artiste guadeloupéen qui me disais souvent : « Jean-Pierre, toi, tu es presque africain », parce qu'au vu du travail que je fais, j'ai un peu cette énergie comme ça, vitale et débordante, dans mon travail.

PPC : La discothèque, tu sortais en discothèque ? En boîte de nuit ? 

JPS : Non, nous, on allait à des parties. Tu sais, à New-York, les gens font des parties chez eux et tout le monde peut venir, tout le onde est invité ! C'est pas comme en France où il faut être invité personnellement, à New York, tout le monde vient aux fêtes et c'est génial !

PPC : Donc, je te remercie Jean-Pierre d'être venu et de nous avoir parlé d'Art, de ta spiritualité, de ton œuvre et de tout ce que tu fais. Et puis, on rappelle qu'il y a le site internet : jp-sergent.com qui est extrêmement fourni, rempli de vidéos, de textes et d'œuvres d'art… On passe un temps fou à tout découvrir dans ce site internet. Et puis pour l'atelier, on t'appelle pour venir le visiter. Tu reçois les gens avec plaisir. 

JPS : Bien sûr, oui, je montre une partie de mon travail, avec grand plaisir.

PPC : Et, bien sûr, la table d'Andy Warhol.

JPS : La table oui, enfin, c'est important mais mon travail est plus important que cette table, c'est juste anecdotique. Elle est juste un moyen pour produire mon travail.

PPC : Oui mais c'est une œuvre d'art aussi, cette table en elle-même, elle a une histoire avec quelqu'un qui l'a construit etc.

JPS : Oui, j'y pense tout le temps. C'est une vieille table, bien sûr, les gens qui ont construit ça sont importants aussi, oui, c'est vrai, tu as raison.

PPC : Et la galerie se situe au 7 de la rue Proudhon. Merci beaucoup Jean-Pierre.

JPS : C'est moi qui te remercie cher Laurent, c'était vraiment un plaisir d'être ici et on a fini par cette chanson qui était très entraînante et ça nous rappelle un peu les années 80. On avait une espèce d'insouciance et le Monde ne s'écroulait pas encore comme il semble s'écrouler aujourd'hui.

PPC : Merci Jean-Pierre. Au revoir.

JPS : Au revoir et à bientôt à tous.


INTERVIEW JEAN-PIERRE SERGENT A L'ÉMISSION "LA PLAGE" DE RADIO-CAMPUS BESANÇON, 4 JUILLET 2025, PAR ANDRÉA TEZZOLI

INTERVIEW JEAN-PIERRE SERGENT A L'ÉMISSION "LA PLAGE" DE RADIO-CAMPUS BESANÇON, 4 JUILLET 2025, PAR ANDRÉA TEZZOLI (écouter l'émission)

[à propos de la nouvelle exposition "Bric-à-Brac #2" à la Galerie Keller de Besançon et de mon travail…]


Andréa Tezzoli : Bonjour à tous nos auditeurs et bienvenue sur Radio Campus Besançon 102.4, votre émission d'actualité culturelle : LA PLAGE. Je suis Andréa, votre animateur de cette émission, tous les lundis et vendredis à 12 h. On va commencer cette émission en recevant Jean-Pierre Sergent, qui vient nous parler de la nouvelle exposition "Bric-à-Brac #2" à la Galerie Keller de Besançon. Bonjour Jean-Pierre, comment tu vas ?

JPS : Bonjour chère Andréa, Je vais très bien, merci beaucoup. C'est un plaisir d'être avec toi à la radio et d'échanger sur la culture et aussi sur le plaisir d'être en vie.

AT :  Le plaisir est partagé. Alors pour commencer, est-ce que tu peux nous présenter brièvement l'exposition collective que tu proposes actuellement à la Galerie Keller ?

JPS : Oui, en fait c'est la deuxième exposition du groupe à la Galerie Keller. Mon amie Heidi Suter a ouvert une galerie à Besançon, cela fait six mois déjà et donc il y a sept artistes qui sont présents, y compris moi. Donc on a Claude Boillin-Breton, qui habite Grand’Combe-Châteleu, ce n'est pas loin d'ici et elle fait des magnifiques travaux de peinture sous verre. Il y a Barbara Dasnoy, qui est une artiste franco-allemande et qui vit à Besançon depuis une quarantaine d'années. Elle fait de l'abstraction et on montre quelques croquis de ses œuvres ainsi que des empreintes au pastel sur bois. Il y a Eilbhe Donovan, qui est une artiste irlandaise, qui peint des oiseaux principalement, parce qu'elle vit au bord de la mer et elle s'intéresse beaucoup à la nature. Elle fait beaucoup de kayak et elle travaille avec Heidi Suter, la directrice de la galerie, depuis deux ou trois ans. Donc, elle la montre dans les foires d'art contemporain. Il y a aussi, mon cher et regretté ami Guimbarde, qui est un artiste bien connu à Besançon, qui fait un peu ce qu'on pourrait dire, un espèce d'"Art Brut" et on présente son "Cerf anthropoïde qui sourit dans un vortex de papillons", qui date de 1994 et qui représente un peu une transformation chamanique et cosmique. Il y a Jean-Michel Jaquet, qui est un artiste suisse que j'ai découvert au restaurant du Saut du Doubs où j'ai vu ses œuvres l'an dernier et j'ai discuté avec sa veuve Magali, on a décidé de mettre quelques pièces de lui. C'est assez sexuel, les peintures qu'elle m'a envoyées et ça marche bien dans cette exposition. Il y a aussi et c'est très important, Samira Sahra Naward, qui est une artiste iranienne et qui devait m'envoyer une peinture mais malheureusement, sa peinture a été bloquée par la police. Et puis maintenant, c'est la guerre en Irak donc, on a imprimé sa peinture et c'est une belle pièce où il est marqué : paix entre tous les hommes et les femmes. C'est une peinture un peu cosmique qui montre des tortues et des dauphins, la nature et tous les pays ensemble, vivant en harmonie. Elle m'a dit qu'elle espérait vraiment pour la Paix dans le Monde, parce qu'en Iran, ils se sont pris des bombes sur la tronche. C'est terrible ce qui se passe en Iran actuellement ! Et puis, il y a aussi mon travail.

AT : Alors, le titre de ta série "Karma Kali Sexual Dreams and Paradox", comment est-ce que ce titre est né puisqu'il semble presque à lui seul raconter une tension spirituelle?

JPS : Oui, tu as tout à fait raison. Karma, c'est ce qui nous arrive dans la Vie. Ce sont toutes les rencontres, fortuites ou pas, ou provoquées. Et, Kali, c'est la Déesse noire. C'est celle qui régénère le Monde et qui le détruit à la fois (destruction-construction par la mort et la sexualité). C'est ce paradoxe que j'essaye d'utiliser dans mon travail, parce que je travaille beaucoup avec les images sexuelles et beaucoup d'images pornographiques et aussi avec des animaux, avec des énergies qui sont en confrontation dans mon travail. C'est un travail de la confrontation. Et dans l'exposition actuelle, il y a un Cerf où on voit des flèches d'énergie qui le détruise ou qui le régénère. Mon travail parle principalement de la destruction et de la régénération. Voilà, c'est un peu de ça dont il parle. Et j'ai imprimé l'an dernier de cette même série "Karma Kali Sexual Dreams and Paradox" plus de 500 œuvres très érotiques…

AT : Parmi les œuvres exposées, on retrouve des pièces sur papier, des formats plus petits ainsi qu'un grand plexiglas issu d'une autre série. Comment est-ce que tu as choisi les œuvres à présenter ici ?

JPS : Je voulais être dans ce thème du titre du "Bric-à-Brac et impromptu : couleurs, animaux, croquis et présences". J'ai choisi ces œuvres pour leur présence. Même si elles peuvent être, elles peuvent perturber le spectateur parce que, par exemple, le grand plexiglass, on ne le voit pas forcément, on n'y voit pas forcément ce qui s'y passe car il y a même notre reflet qui se projette dans l'œuvre. Et le fond, c'est un rouge maya et on y rentre comme dans du sang, on rentre dans l'énergie de la Vie et du cosmos. Et c'est exactement ce que je voulais faire : cette présence de l'animalité et du corps aussi, qui sont importants dans l'Art. Moi, je n'aime pas l'art conceptuel parce qu'il n'y a plus aucune énergie. Donc je présente des énergies… comme ça ! Des couleurs, des choses qui éclatent…

AT : Tu travailles beaucoup avec la sérigraphie mêlée à l'encre de Chine. Qu'est-ce que ce médium te permet d'exprimer ? Que d'autres techniques ne te donneraient pas ?

JPS : C'est une bonne question. En fait, cette technique me permet de travailler toujours sur le même format et d'utiliser (parce que je travaille les images sur ordinateur) donc je peux faire le dessin que je veux, si tant est qu'il puisse être imprimé. On ne peut pas imprimer n'importe quoi non plus. Donc je travaille toutes mes images sur ordinateur et une fois que le dessin me convient, je dessine les films sur un outil qui s'appelle un plotter. Et donc ce sont des films inactiniques (qui bloquent la lumière) mais la technique n'a pas vraiment beaucoup d'importance. Après, j'utilise des écrans sérigraphiques. Ce qui est important, c'est que l'image est neutre puisque c'est un écran sérigraphique. C'est vide et neutre et c'est à un moment donné spécifique où j'imprime les images que je prends ma décision de la couleur. Et c'est le moment le plus important puisqu'on peut imprimer en jaune, en bleu, en rouge, en bleu clair, en bleu céruléum ou en bleu cobalt, peu importe. C'est ce moment où il faut que je me connecte avec les énergies cosmiques, avec les énergies de mon corps pour que tout soit approprié et juste. Et je travaille aussi ce qu'on appelle le layering, c'est-à-dire que j'ajoute une, deux, trois, quatre, cinq couches de couleurs et d'encre pour qu'à la fin, ça fait comme un mélange, comme une recette de cuisine. Il faut que ça fonctionne. Et j'arrête quand je sens qu'il y a une présence dans cette œuvre. Pour moi, ce qui est important, c'est vraiment la PRÉSENCE.

AT : Dans tes compositions, on retrouve des figures féminines, des organes, des motifs chamaniques et des spirales. Quelle place tu donnes au symbolique et au sacré dans ton travail ?

JPS : Mais c'est la place essentielle. Il n'y en a pas d'autres, bien sûr. Pour moi, l'Art est quelque chose de sacré et quelque part de "religieux" mais extra-religieux, extra et hors de toute religion monothéiste. C'est à dire que ce que je veux définir, ce sont des lieux, des endroits, des présences, comme les kamis chez les japonais. C'est à dire que, ici, il y a une présence, il se passe quelque chose et ce quelque chose peut nous parler et nous emmener vers d'autres mondes. Ce sont des lieux de passage, voilà !

AT : L'érotisme est très présent dans ton travail mais tu le revendiques comme une énergie spirituelle, presque cosmique. Tu peux nous en dire un peu plus stp ?

JPS : J'avais justement une citation que je vais vous lire, qui est de D. H. Laurence et ça répond exactement à ta question : 

« Le sexe est notre forme de conscience la plus profonde. Il n'est absolument pas idéal, il n'est pas mental. C'est la pure conscience du sang.... C'est la conscience de la nuit, lorsque l'âme est presque endormie. Le sexe et la beauté sont inséparables, comme la vie et la conscience. Et l'intelligence qui va de pair avec le sexe et la beauté et qui naît du sexe et de la beauté, est l'intuition ».

Et l'intuition, c'est à dire qu'il faut être dans l'espace intuitif, dans l'Art exactement. Je ne ressens absolument plus rien dans les travaux qu'on voit par exemple dans les FRACS (Fonds Régionaux d'Art contemporains en France). Dans toutes ces choses-là, il n'y a plus aucune intuition, il n'y a plus aucune âme, aucun souffle de vie. c'est juste conceptuel. Et mon travail a une âme, si je puis me permettre et c'est ça que j'essaie de définir, grâce au sexe et/ou la spiritualité. Mais c'est difficile de parler et de définir toutes les choses-là. On ne peut pas vraiment le faire ni le dire car c'est quelque chose qui nous échappe totalement, bien sûr.

AT : Tu as été formé à Besançon et puis, tu es parti à New York. Qu'est-ce que ce double ancrage a changé dans ton rapport à la création ?

JPS : Oui. En fait, à Besançon, j'ai fait l'École des Beaux-Arts et au bout d'un an et demi, je suis allé en Egypte. Et là, j'ai découvert ce qu'on peut appeler les "énergies cosmiques". J'étais dans un temple et j'ai rencontré le Cosmos, quelque part, dans un vortex d'énergie ! Avec mon corps, c'est une expérience corporelle mystique. Et après, pendant dix années, j'ai élevé des chevaux américains. Donc d'avoir vécu dans une ferme twenty-four seven, comme on dit à New York, 24 h sur 24, avec des animaux, des chèvres et des chevaux, tu es alors entièrement responsable de leur bien être, tu es responsable de leur vie. Tu es responsable du temps où tu mets l'étalon avec la jument pour qu'elle soit portante l'année suivante. J'avais dix-sept chevaux donc, j'étais au sein de cette "famille animale" et j'ai appris beaucoup aussi de vivre en pleine nature, tout seul, isolé comme un moine en quelque sorte. Et puis à New York, j'ai appris l'inverse, de vivre dans une mégapole, en communauté. Mais, quelque part, c'est toujours la même continuité. J'ai appris la diversité des pensées et des comportements humains, du fait d'avoir vécu avec des amies qui étaient colombiennes, africaines ou japonaises et d'avoir des amis allemands, des amis italiens, d'aller au Metropolitan Museum ou au Musée d'Histoire Naturelle, presque tous les dimanches. Je me suis ainsi plongé dans toutes les diverses cultures actuelles et passées et c'est ce qui a vraiment nourri mon Art, quelque part et en quelque sorte.

AT : Tu vis et tu travailles aujourd'hui en Franche-Comté mais avec une démarche très tournée vers l'International. Comment ces deux dimensions dialoguent dans ton quotidien d'artiste ?

JPS : J'ai appris, à New York de communiquer au sujet de mon Art, justement parce que là-bas, on n'a pas honte de présenter son travail et de faire savoir que l'on existe en tant qu'artiste. Parce que beaucoup d'artistes en France, des artistes avec lesquels j'ai travaillé lors d'expositions précédentes, ne veulent pas vraiment montrer leur travail. Ils ont peur de l'exposer, ils ont peur du qu'en-dira-t-on. Mais le travail, c'est comme une espèce d'enfant et il faut le montrer, sinon, il n'existe pas ! Aussi, je travaille internationalement avec les réseaux sociaux : avec LinkedIn, Facebook, Instagram ou Twitter. Bon, ça marche ou ça ne marche pas mais j'ai quand même beaucoup de contacts, sur LinkedIn, par exemple et grâce à cela, je travaille maintenant avec une galerie à Chypre. J'ai aussi beaucoup exposé en Chine mais le public chinois ne répond pas très favorablement à mon travail. Mais bon, peu importe, c'est important d'aller exposer un peu ailleurs, pour voir ce qui s'y passe.

AT : Tu t'accordes une place importante à l'atelier comme lieu d'énergie et de rituel. Ça ressemble à quoi une journée type dans ton processus de création ?

JPS : Il y a plusieurs différentes journées de travail, parce que mon travail est saisonnier. En général, en été, j'imprime les sérigraphies et malheureusement cet été, je n'imprimerai pas, parce que je suis pris par le travail de communication que je fais à la galerie. Donc bon, peu importe, il y a des années où je ne peux pas travailler. Mais en général, par exemple, le matin, j'ajoute et réponds aux contacts sur LinkedIn. Bon, ça prend des fois des heures parce que, comme je suis à une limite de trente-mille contacts, il faut donc que j'en enlève tous les jours… C'est un travail absurde de bureaucrate ou oui, de comptable presque. Et il faut que je fasse ça, que j'écrive aux gens afin de leur présenter mon travail. Et puis aussi, comme je lis beaucoup, je scanne des livres dont je mets des extraits dans mes Notes de 2023 ou 2024. Mais cette année, je n'ai plus le temps, avec cette galerie, je n'ai malheureusement plus le temps de faire ça. Mais j'aime beaucoup le faire ou mettre et copier, sur mon site internet, des passages de Twitter aussi. J'aime partager les informations, avec les gens, c'est ce qui m'intéresse, c'est ce qui me passionne vraiment.

AT : Comment s'est faite la rencontre avec Heidi de la Galerie Keller ?

JPS : Oui, j'étais à la foire de Montreux qui s'appelle MAG (Montreux Art Gallery). Je crois que c'était en 2015 et on a tout de suite sympathisé car elle montrait des travaux d'artistes que j'aimais bien. Et je lui ai dit  de venir voir mon travail sur mon stand, elle m'a dit alors : "C'est bien ton travail, mais je ne pourrai pas le vendre !" Je lui ai répondu : "mais peu importe !" Et de fait, on a monté plusieurs expositions ensemble et on n'arrive toujours pas à vendre mon travail aujourd'hui, bien que je sois plus connu. Mais on a développé une relation d'amitié car cela fait des années que l'on travaille ensemble. On a souvent fait la foire internationale de WOPART (Work On Paper Art Fair) à Lugano (2018, 2019, 2022), en Suisse italienne où ils ne montrent que des œuvres sur papier ; on l'a fait trois années de suite et puis aussi, on s'entend bien.

AT : Tu as déjà exposé dans des lieux plus institutionnels, comme le Musée des Beaux-Arts de Besançon. Ici, dans cette galerie, c'est plus intime. Est ce que ce lieu change la manière dont on perçoit ton œuvre ?

JPS : Oui, tout à fait. Bien sûr, oui, le public répond bien, il nous dit toujours que c'est un lieu magnifique, très intime, très intimiste. Bien sûr, ça change d'exposer dans des lieux différents. Si je montrais des grandes installations murales, dans des grands espaces vides, le rapport serait effectivement totalement différent, le rapport au corps est totalement différent. Mais là, on a la chance d'avoir ce bel espace, situé au centre-ville de Besançon, où les gens peuvent venir, parce que l'entrée dans les galeries est gratuite. Les gens peuvent entrer et ils n'ont rien à payer. Je vais raconter une petite anecdote : j'étais au vernissage du Musée Courbet il y a quelques jours, la semaine dernière pour l'exposition "Paysages de marche" (très belle exposition) et j'y ai rencontré une amie, enfin quelqu'un qui connaissait déjà mon travail qui m'a dit : "Je suis passée voir votre galerie mais moi, je ne sonne pas pour entrer dans une galerie !" C'est significatif et montre à quel point les gens sont cons, nous sommes dans l'absurdité totale et absolue ! Et même, c'est gratuit d'entrer dans une galerie, personne ne vous demande vos papiers ! Et puis, le public a beaucoup de chance car, nous autres artistes, nous sommes parfois là. Moi, par exemple, je suis là tous les samedis après-midi ! C'est important de rencontrer les artistes, que l'on ne rencontreront jamais autrement, dans la vie courante. C'est une chance incroyable ! Donc il ne faut pas hésiter à pousser la porte et de venir voir, pour découvrir les idées et les œuvres qui sont présentées ici !

AT : Comment le public bisontin réagit à cette exposition qui peut bousculer ou déranger certains ?

JPS : Oui, le public bisontin n'existe pas vraiment. C'est très sporadique. Les Français, dans leur globalité, sont passés au-delà de la Culture. C'est une société complètement acculturée, en ce qui concerne l'Art plastique en particulier car les gens aujourd'hui vont voir des comiques ou des footballeurs.. On est actuellement, dans un basculement complet de société mais c'est global ! C'est même mondial ! Il n'y a plus guère que les gens ultra riches qui s'intéressent à l'Art. Pour exemple l'artiste, Damien Hirst, avait fait des expositions dans sept galeries différentes tout autour du Monde. Alors, si vous alliez voir les sept galeries, il vous donnait un passeport et il vous donnait une sérigraphie de l'artiste ! Aujourd'hui, l'œuvre d'art devient complètement et intrinsèquement un produit marchand, commercial et politiquement correct. Donc, les gens ne savent plus du tout comment l'appréhender, ni l'apprécier, ni le regarder. Samedi dernier, j'ai un ami qui est venu et Il a analysé analytiquement, intellectuellement et très clairement toutes les œuvres exposées, toutes ! Pour exemple, Jean-Michel Jacquet a peint sur une feuille de journal donc, il a analysé tout ce qu'il y avait dans le journal et tout ce qui est dans le dessin. Mais on s'en fout ! Nous on peint, on s'en branle complètement de ce que ça veut dire ! On le fait. Nous sommes dans le faire et dans l'action !

AT : Tu parles souvent de rituels, de transe, de spiritualité comme fondement de ton Art. Aujourd'hui, dans un Monde saturé d'images, est ce que tu penses que l'Art a encore ce rôle initiatique ?

JPS : Oui, tout à fait, absolument. Je pense que c'est comme une rencontre : l'Art, on ne s'y attend pas, on ne s'y attend jamais ! C'est comme tomber amoureux d'une femme ou d'un chien ou d'un arbre ou d'une fleur ! On ne s'y attend pas et soudain : BOUM ! ça nous traverse. C'est une expérience mystique ? Tout à fait, oui. Moi, j'ai été traversé par des travaux de Rothko. J'ai été aussi traversé par mes expériences égyptiennes ou mexicaines. Car, j'étais au dessus des pyramides au Mexique et j'ai eu des expériences cosmiques. Et bien l'Art, c'est aussi une expérience cosmique, c'est une expérience intérieure, c'est quelque chose qui nous bouleverse. C'est comme entrer dans un état d'extase et d'orgasme cosmique quelque part !

AT : Tu nous en as un peu parlé tout à l'heure, Tu puises tes symboles dans des cultures anciennes comme indiennes, mayas, tibétaines. Est-ce que c'est un hommage, une tentative de transmission ou une manière de créer un langage universel ?

JPS : C'est tout à la fois. Je suis fasciné, comme par exemple, quand on lit Alexandra David-Néel, lors ses voyages au Tibet et au Népal où elle nous décrit les rituels des moines qui font du tantrisme. Et mon expérience est un peu une expérience tantrique. Je parle de la pornographie qui est de la merde absolue, c'est à dire que c'est le plus gros business au Monde avec celui de l'armement. Donc moi, je récupère des images qui sont de la merde et j'en fais de la beauté, quelque part, je sublime, je transmute la merde en or ! De même que les moines tantriques mangent des cadavres pour accéder à un niveau supérieur de spiritualité, l'Art, ça nous permet d'accéder à un niveau supérieur de l'humanité ! Et je rends hommage à tous ces gens qui, par exemple, ont écrit les Upanishads, aux gens qui ont peint les superbes dessins érotiques hindous ou tibétains ou aussi les grottes préhistoriques. C'est parce que ça me parle au cœur. Parfois, les Hindous parlent du vide cosmique mais qui parle du vide cosmique aujourd'hui ? Très peu de gens, même absolument  personne, sauf les physiciens quantiques…

AT : Quelles sont tes influences majeures ? Est-ce qu'il y a des artistes contemporains ou passés avec qui tu te sens en filiation ?

JPS : Ça, c'est une grande question. Oui, j'aime beaucoup Fra Angelico et les autres primitifs italiens, pour la pureté des couleurs et justement aussi, la mystique, la pureté de l'âme qui se dégagent de leurs œuvres ! Mais je pourrais, tout autant, citer des artistes mayas dont on ignore le nom aujourd'hui. Les poteries mayas sont magnifiques… Et aussi, par exemple, les dessins d'artistes pygmées sur les pagnes ; les pagnes pygmées qui sont peints par des femmes, sont magnifiques. J'aime beaucoup les périodes archaïques dans les civilisations grecques. Les périodes archaïques, en général dans toutes les cultures, ont gardé cette énergie qui, après, dans les périodes classiques, sont définitivement perdues. Tout ça a été normé, esthétisé et canonisé ! Il y a des canons de beauté qui s'imposent etc. Et après l'âme de l'œuvre disparaît, ainsi que la beauté, qui disparaît bien sûr, également. Pour moi, une fois qu'il y a des normes, une esthétique et des canons de beauté, tout disparaît !

AT : Et enfin, est-ce que tu as des projets à venir, Une nouvelle série en préparation ou d'autres expositions prévues en France ou à l'étranger ?

JPS : Pour l'instant, je m'occupe de la galerie. C'est vraiment ce qui me préoccupe, parce que j'aimerais que ce soit un succès ! J'aimerais que les gens passent et je pense que je retravaillerai sur mes sérigraphies l'an prochain, avec la continuation de ma série "Karma Kali Sexual Dreams and Paradox" car c'est une série qui me tient beaucoup à cœur.

AT : Et est ce que tu peux nous rappeler les dates de cette exposition ?

JPS : Oui tout à fait. Donc l'exposition c'est du 27 juin au 13 septembre et durant l'été, la galerie sera fermée parfois, parce que Heidi, ne sera pas là tout le temps. Donc vous pouvez appeler la galerie au 0956764554 ou mon portable, qui est le 0673449486 et on vous donnera rendez-vous à la galerie. Mais si vous passez devant la galerie, il y a aussi le stop trottoir, vous pouvez rentrer et ça nous fera plaisir de vous y rencontrer. J'y suis tous les samedis après-midi.

AT : Merci beaucoup à toi, Jean-Pierre Sergent d'être venu discuter avec nous.

JPS : Merci cher Andréa, c'était un vrai plaisir ! Bonne  journée à tous. À tout bientôt, portez vous bien, au revoir.


Jean-Pierre sergent, RADIO INTERVIEW WITH THIERRY EME "LES GENS D'ICI" FOR FRANCE BLEU BESANÇON | JANUARY 10, 2025

JEAN-PIERRE SERGENT ARTISTE PLASTICIEN INVITE DES PEINTRES À LA GALERIE KELLER DE BESANÇON | INTERVIEW RADIO AVEC THIERRY EME, ÉMISSION "LES GENS D'ICI", POUR FRANCE BLEU BESANÇON, LE 2 JUIN 2025 | DURÉE 7:00 (écouter l'émission)


Journaliste : Ce matin, ce que je vous propose, c'est qu'on parte un petit peu se balader, on reprend les bonnes habitudes avec les Gens d'Ici. Thierry Eme nous emmène vous rencontrer chaque matin. Thierry, vous êtes à la Galerie Keller, un peu cachée avec celui qui anime les lieux et organise des expositions aux côtés d'une galeriste à Besançon.

Thierry Eme : Alors je suis avec Jean-Pierre Sergent, artiste reconnu qui a fait un sacré bout de chemin quand même, un parcours International, on peut le dire !

Jean-Pierre Sergent : Oui, Thierry, c'est toujours un grand plaisir de parler avec toi parce que tu as un grand intérêt pour les artistes et pour l'Art en général.

T. E. : Alors là, on est dans une Galerie qui a ouvert ses portes il y a quelques mois.

J-P. S. : Oui, on a ouvert en décembre. C'est mon amie Heidi Suter qui était galeriste à Zürich depuis 40 ans et qui n'a pas trouvé de nouvel espace là-bas et qui s'est installée à Besançon pour ouvrir une Galerie qui montrera des artistes internationaux et locaux aussi.

T. E. : C'est une nouvelle exposition ici en ce moment avec quatre artistes ?

J-P. S. : Oui, cinq artistes avec moi. Je présente les œuvres de mon ami Guimbarde qui malheureusement est décédé au mois d'octobre et c'était pour lui rendre un peu un hommage de montrer son travail. On a plusieurs œuvres dont des linogravures uniques. C'est quelqu'un qui venait me voir très souvent à l'atelier et on avait une grande affinité. Et c'est surtout sa dimension religieuse et sacrée de son travail que j'aimerais montrer. Et il y a aussi Bertrand Saulnier, qui fait une œuvre par jour depuis une vingtaine d'années. Claudie Floutier, qui était ma professeur à l'École des Beaux-Arts de Besançon et Elisabeth Bard, qui fait des petits dessins, un peu intimistes comme ça, qui sont magnifiques aussi.

T. E. : Alors, c'est bien de nous donner envie mais il faut donner un petit peu plus d'informations et le protocole. Comment ça se passe ici ? On est rue Proudhon, il faut sonner pour qu'on vous ouvre, tout simplement parce que la galerie est en fond de couloir.

J-P. S. : En fait, c'est un porche bleu. C'est un peu difficile à trouver mais vous avez l'adresse qui est le sept rue Proudhon et il y a une affiche rose devant. Et donc vous sonnez et la galeriste Heidi Suter vous ouvrira la porte de la Galerie.

T. E. : Alors, il y a des travaux, j'allais dire, très différents les uns des autres.

J-P. S. : Oui heureusement, heureusement que les artistes ont une personnalité, une façon de travailler différemment. C'est ça qui est important pour la société. C'est que nous ne pensons pas comme tout le monde, forcément, c'est une évidence.

T. E. : Comment est-ce que l'on pourrait définir votre travail ?

J-P. S. : Quelque part, c'est comme une signalétique, les plexiglass jaune et noir. Et au milieu, il y a une peinture un peu mystique, si vous voulez. C'est une Déesse maya qui régénère le Monde et on voit derrière elle, des papillons ainsi que des dessins géométriques qui représentent le Cosmos. Quelque part, c'est quelque chose qui est différent et que l'on ne voit pas tous les jours.

T. E. : Vous êtes aussi intéressé par les religions, par les différentes croyances ?

J-P. S. : Oui, c'est ce qui m'intéresse, ce que les hommes ont inventé pour vaincre la mort, bien sûr, pour survivre et puis aussi, pour jouir de la vie. Quand vous allez en Egypte, dans les tombeaux égyptiens, on est fasciné par tout ce que les artistes ont présenté et ont inventé comme poésie, ainsi que la force des couleurs aussi. Tout ça, ça nous remet en joie car on vit dans une période tellement déprimante. Alors, les artistes sont très, très importants pour régénérer l'inconscient collectif.

T. E. : C'est pas faux !

J-P. S. : C'est pas faux. Mais, qui en a conscience aujourd'hui?

T. E. : Est ce que vous avez des thématiques particulières? Par exemple, vous travaillez sur quoi en ce moment? Qu'est ce qui vous inspire?

J-P. S. : En ce moment, je ne travaille pas sur de nouveaux projets.

T. E. : Vous travaillez pas ?

J-P. S. : Je travaille à la communication, parce que j'ai beaucoup travaillé l'an dernier sur mes œuvres érotiques sur papier. Tu avais vu ma dernière exposition "Erotica, œuvres sup papier" ? Et chaque fois que je travaille, je me filme aussi au travail. Donc en ce moment, je fais des montages et j'ai aussi donné une conférence ici, sur l'érotisme. Donc je fais les montages de mes conférences, ou j'ai des interviews radio comme aujourd'hui et tout ça. Puis, je présente tout ça sur mon site internet, donc, en fait, c'est beaucoup de travail !

T. E. : j-psergent.com est le site internet pour aller voir ça et en savoir un peu plus. Donc en ce moment, vous n'êtes pas à l'atelier. En fait, vous communiquez.

J-P. S. : Je communique depuis l'atelier, c'est ma base de travail, c'est là où je fais tout mon travail ! Oui, bien sûr.

T. E. : Et ce travail là, qu'est ce que c'est ? Avec quoi, ?Quels moyens vous vous donnez pour faire ce type de travail, y compris les cadres qui sont derrière nous ?

J-P. S. : Mon travail principal, c'est un travail sérigraphique. La sérigraphie me permet de reproduire une image dans les dimensions que je veux. Donc les petits formats, c'est du 25 par 25 cm, l'image imprimée 25 par 25 et je mets des rehauts à l'encre de Chine aussi de couleur ou juste noire. Et sur les plexiglas, c'est le même procédé, mais j'imprime à l'envers. C'est à dire que c'est comme la technique du reverse glass painting comme on l'appelle en anglais et donc je ne sais pas du tout ce que je fais et quel sera le résultat ! J'accumule les choses et à la fin je mets, au pinceau, une couche de peinture monochrome. Là on voit un bleu qui est magnifique. C'est un bleu cobalt, un bleu un peu Matisse. Et à la fin, la peinture se dévoile. Elle est finie et voilà. Mais je travaille sans savoir ce que sera le résultat au départ.

T. E. : C'est à dire qu'il y a aussi le leitmotiv du papillon ? Et alors, vous ne savez pas du tout ce qui va arriver au début de l'œuvre ?

J-P. S. : Non, non, c'est toujours une surprise car j'ai un stock d'images et je les choisies au fur et à mesure que je développe mon travail.

T. E. : C'est donc un travail de composition ?

J-P. S. : Oui, c'est un peu de la composition. Oui mais aussi comme une impro, oui, une improvisation, oui !

T. E. : Donc on peut voir en ce moment ces artistes, ici au sept rue Proudhon. Qu'on se le dise !

J-P. S. : Oui, ça nous fait plaisir de voir du monde. Et la galerie est dirigée par Mme Heidi Suter, qui a un certain âge, qui est super sympa et qui a eu une vie un peu de hippie car a vécu dans le monde entier. Donc je vous invite à passer nous voir et ce sera avec un grand plaisir que l'on vous accueillera et, en général, les artistes sont là tous les samedis après-midis de 15 à 18 heure.


 

BESANÇON. "BRIC-À-BRAC & IMPROMPTUS : CINQ ARTISTES EXPOSENT À LA GALERIE KELLER", EST RÉPUBLICAIN, 9 JUIN 2025, PAR BARBARA PERNOT


Entre émotions partagées et hommages sincères, la galerie Keller donne carte blanche à Jean-Pierre Sergent pour une exposition aussi libre qu'empreinte de tendresse. Bric-à-Brac & Impromptus réunit cinq artistes liés par le cœur autant que ar l'art, dans une alchimie poétique et jubilatoire.
     
 À peine ouverte, cette petite galerie fait beaucoup parler d’elle. En janvier, Heidi Suter, galeriste zurichoise fraîchement installée à Besançon, invitait, pour la première exposition de la galerie Keller, les œuvres de Jean-Pierre Sergent. Le plus new-yorkais des artistes bisontins revient aujourd’hui en commissaire d’exposition et s’entoure, pour ce second événement, de quatre artistes francs-comtois qui lui sont chers. 
À voir jusqu’au 21 juin.


UNE EXPOSITION SOUS LE SIGNE DE L’AMITIÉ ARTISTIQUE

Bric-à-brac & Impromptus (intemporels, intempestifs, érotiques, christiques, anarchiques, extatiques, jubilatoires et orgasmiques) : tel est le nom de cette exposition collective dans laquelle chaque œuvre, sélectionnée subtilement par Jean-Pierre Sergent, fait émerger toute la puissance du travail d’artistes s’inscrivant durablement dans le paysage et le patrimoine culturel bisontin.

On entre dans l’exposition comme on irait retrouver un groupe d’amis. Et c’est d’ailleurs un peu ça, le concept. Jean-Pierre Sergent a réussi le pari d’assembler, dans ce lieu unique, des œuvres disparates et hétéroclites d’artistes croisés sur son chemin, avec lesquels il a noué des liens indéfectibles.

Ainsi se côtoient des linogravures inspirées, des toiles rouges engagées, du plexi noir et jaune magnifié, de hauts totems et de surprenants petits formats dans une harmonie touchante et conceptuelle, presque divine.


DES ŒUVRES DIVERSES ET INSPIRÉES

Sans doute parce que plane l’esprit feu follet de Guimbarde, enrobant de sa bienveillance l’ensemble des créations.

Heidi Suter confie : « Cet artiste est le point de départ de cette exposition. Cela tenait beaucoup à cœur à Jean-Pierre de rendre un hommage à cet ami disparu l’année dernière. »

Trois de ses toiles sont exposées. Trois toiles dans lesquelles s’expriment son talent si singulier.


Article Thomas Comte 

ARTICLE PARRU DANS LE MENSUEL "C'EST À DIRE #314", MARS 2025

ARTICLES PARRUS DANS LES MENSUELS : "C'EST À DIRE #314", MARS 2025 & "LA PRESSE BISONTINE #275", AVRIL 2025, PAR THOMAS COMTE

CULTURE : OSEZ SERGENT !

Originaire de Morteau, Jean-Pierre Sergent expose actuellement à La Galerie Keller à Besançon ouverte par Heidi Suter. À travers ses œuvres, l'artiste explose le plaisir, le désir, l'érotisme. Une rencontre qui ne laisse pas le visiteur indifférent.
Une fois devant le 7, rue Proudhon à BESANÇON, il faut pousser la porte cochère bleue et avancer jusqu'au bout du couloir pour trouver la Galerie Keller ouverte Par Heidi Suter. L'endroit discret est fréquenté par les amateurs d'Art, curieux de rencontrer les artistes dont le travail rompt avec le conformisme et les propos convenu. Jean-Pierre Sergent est de ceux-là. Actuellement, l'artiste originaire de Morteau qui a vécu un temps à New York avant de s'installer durablement à Besançon, présente ses œuvres dans le cadre de l'exposition "Erotica œuvres sur papier". L'énoncé met le visiteur sur la voie ; elle prépare la confrontation avec les tableaux de Jean-Pierre Sergent dont l'engagement est une exploration perpétuel du désir, de l'érotisme, de l'extase, de la jouissance enfin, qui transcende le corps. "Il n'y a rien au-delà de l'orgasme" dit-il. 
L'artiste aborde cette quête du plaisir à travers un prisme presque exclusivement féminin. "Le corps de l'homme ne m'intéresse pas car je le connais. En revanche, il y a quelque chose de mystérieux dans le corps nu de la femme. C'est fascinant. C'est ce qui  m'intéresse." Certains de ses tableaux ont un fond pornographique qu'il assume alors que l'époque impose la pornographie. "J'utilise l'image pornographique comme une base à mon travail. Je la transforme. Je vais dans l'intime, dans l'inconscient, le rêve et le fantasme." Ainsi l'image se révèle en subtilité dans ses œuvres sur papier à l'acrylique sérigraphié avec des rehauts d'encre de Chine. Ses tableaux complexes, qui flirtent parfois avec le pop art, offrent aux visiteurs plusieurs niveaux de lecture. Certains, mal à l'aise, y verront une provocation, de l'obscénité, là où d'autres percevront immédiatement la quintessence de la sexualité. Il faut laisser la première vague des émotions pour rentrer dans un de ses tableaux. Tous les visiteurs s'accorderont sur un point : le travail de Jean-Pierre Sergent ne laisse pas indifférent. N'est-ce pas là, le rôle de l'artiste ?


JEAN-PIERRE SERGENT INAUGURE LA NOUVELLE GALERIE KELLER | BVV #457 | MARS-AVRIL 2025 10 mars 2025 | Magazine "Besançon Votre Ville", édition de mars & avril 2025


"JEAN-PIERRE SERGENT INAUGURE LA GALERIE KELLER" | BESANÇON VOTRE VILLE #457 | MARS-AVRIL 2025, P. 37 (lire l'article en ligne)

Depuis mi-décembre et jusqu'au 22 mars, la nouvelle galerie Keller, située au 7 rue Proudhon, présente l'exposition "Érotica / Œuvres sur papier" de Jean-Pierre Sergent. Ce premier accrochage rassemble huit œuvres inédites - choisies parmi un ensemble de 566 - issues de sa récente série Karma-Kali, Sexual Dreams & Paradoxes, réalisées 2024. Sérigraphiées sur papier, elles mêlent acrylique et rehauts d'encre de Chine. À découvrir également, des petits formats des séries Shakti-Yoni ainsi qu'une grande peinture sur Plexiglas de la série des Mayan Diary. Avec cette exposition, la galeriste Heidi Suter, forte de quarante ans d'expérience à Zurich, marque son arrivée à Besançon. Un rendez-vous incontournable pour explorer l'univers de l'artiste franco-new-yorkais.



Jean-Pierre Sergent, BROADCAST ON FRANCE 3 TV FRANCHE-COMTÉ ON THE EXHIBITION “EROTICA, WORKS ON PAPER”, BY LAURENT DUCROZET, KELLER GALLERY, BESANÇON MARCH 4, 2025


REPORTAGE SUR FRANCE 3 FRANCHE-COMTÉ TV, SUR L'EXPOSITION "ÉROTICA, ŒUVRES SUR PAPIER", PAR LAURENT DUCROZET, GALERIE KELLER, BESANÇON LE 4 MARS 2025 (voir la vidéo)

Journaliste France 3 : On va parler de culture à présent, avec ces œuvres originales, visibles en ce moment dans une nouvelle Galerie d'Art qui vient d'ouvrir ses portes au Centre Ville de Besançon. La première exposition intitulée "Erotica, œuvres sur papier" est consacrée au travail de l'artiste franco-new-yorkais Jean-Pierre Sergent. Laurent Ducrozet et Jean-Stéphane Maurice nous plongent dans son univers. Regardez !

Laurent Ducrozet : Il y a toujours quelques portes à pousser pour rentrer dans l'univers d'un artiste. Derrière celle de cette galerie-appartement, il y a les travaux de Jean-Pierre Sergent, époques américaine et bisontine. Le couloir est étroit mais suffisant pour comprendre comment cet artiste prolifique travaille. Son œuvre sérigraphiée se construit à partir de couches successives.

Jean-Pierre Sergent : Je continue à travailler comme ça, justement avec la superposition des images, pour brouiller un peu les pistes et puis créer un état de confusion. Je pense que la beauté naît de la confusion quelque part, parce que quand on rencontre quelque chose de beau, on est subjugué, on est déstabilisé. Et donc moi, je veux que mon travail déstabilise le spectateur.

LD : Dans la principale pièce de la galerie, il n'y a que huit tableaux mais la série réalisée l'année dernière, en compte plus de 560. Une sélection nommée "Erotica". Car le sexe dans toutes ses dimensions, c'est le cas de le dire, a toujours questionné l'artiste.

JPS : C'est une réflexion sur la société. Parce que le business pornographique, c'est autant que ceux de l'armement. Quand on est un être humain, on se pose vraiment la question. C'est de l'esclavage, bien évidemment. Mais je pense que, parfois, dans une de ces images, il y a un état de grâce qui en découle, un état d'extase. Et je choisis cette image là et je la transpose dans mon travail au moyen de la sérigraphie. (Il parle en anglais avec son amie Heidi et ils discutent de la prochaine exposition de groupe.)

LD : Jean-Pierre Sergent est le premier artiste à exposer dans cet espace intimiste, créé par son amie Heidi Suter, qui dirigeait déjà une galerie à Zurich. Un lieu qui accueillera bien sûr d'autres expositions cette année.


    BESANÇON : LA NOUVELLE GALERIE KELLER ACCUEILLE JEAN-PIERRE SERGENT | HEBDO25 | MARTIN SAUSSARD | 8 février 2025

BESANÇON : LA NOUVELLE GALERIE KELLER ACCUEILLE JEAN-PIERRE SERGENT | HEBDO25 | MARTIN SAUSSARD | 8 février 2025 (lire l'article en ligne)


L’artiste bisontin Jean-Pierre Sergent s’est associé à son amie Heidi Suter, galeriste zurichoise, pour ouvrir la galerie Keller, située au 7, rue Proudhon. Une première exposition, "Erotica / œuvres sur papier", présentant plusieurs de ses créations, est visible jusqu’au 22 mars.

Jean-Pierre Sergent expose à la galerie Keller tenue par Heidi Suter, jusqu'au 22 mars. Lancée en décembre 2024, cette exposition présente huit œuvres issues de la série "Karma-Kali, Sexual Dreams & Paradoxes", réalisée par Jean-Pierre Sergent à l’été 2024. À travers son travail, l’artiste cherche à révéler la dimension spirituelle de l’érotisme, au travers de sérigraphies construites à partir de patterns (motifs répétitifs, ndlr), inspirés de ses recherches artistiques. « La sexualité, c’est à la base de tout. C’est important pour moi de la montrer au travers d’une spiritualité. Souvent, le public dissocie les deux. Or, en Inde par exemple, l’éveil des sens inclut ces thématiques-là. »

Né à Morteau, l’ancien étudiant aux Beaux-Arts de Besançon a beaucoup voyagé, au Canada puis pendant dix ans à New-York, où il connaît les plus belles heures de sa carrière. « Là-bas le public a une vraie curiosité artistique », juge Jean-Pierre Sergent. De retour dans la région depuis 2004, il a installé son atelier près de la Gare d’Eau et continue d’exposer, comme à Lugano avec son amie Heidi Suter, à Chypre ou encore pendant quatre ans au Musée des Beaux-Arts avec son exposition "Les Qatres Piliers du Ciel" (1999-2023). Rue Proudhon, dans l’appartement-galerie d’Heidi Suter, l’artiste partage son travail, son énergie, tout en laissant libre cours à l’interprétation de ses œuvres. Après son passage, d’autres artistes bisontins devraient investir les lieux.


Jean-Pierre sergent, RADIO INTERVIEW WITH THIERRY EME "LES GENS D'ICI" FOR FRANCE BLEU BESANÇON | JANUARY 10, 2025


INTERVIEW RADIO AVEC THIERRY EME, ÉMISSION "LES GENS D'ICI", POUR FRANCE BLEU BESANÇON LE 10 JANVIER 2025 [14 mn] (écouter l'émission)

Les Gens d'Ici, c'est le nom de cette nouvelle émission que vous propose chaque matin Thierry Eme, qui part à la rencontre des gens de Franche-Comté. Et ce matin, Thierry, vous avez mis de l'Art sur votre palette de rencontre ?


Thierry Eme : Parmi les gens d'ici, on est avec un artiste plasticien qui est bisontin, qui a exposé en Europe, aux Etats-Unis, en Chine, en Iran et qui expose en ce moment à Besançon. Il ne faut pas le rater parce que, il expose en plus dans une nouvelle galerie, la Galerie Keller. Bonjour Jean-Pierre Sergent !

Jean-Pierre Sergent : Bonjour cher Thierry et bonjour à tous les auditeurs. C'est un vrai plaisir d'être avec vous.

TE : C'est quoi cette galerie ? C'est la succursale d'une galerie de Zurich ?

JPS : Non, pas du tout. Mon amie Heidi Suter, n'a pas trouvé d'espace à  louer à Zurich, parce que les loyers deviennent vraiment trop chers. Et donc, elle a décidé de déménager ici, à Besançon, pour ouvrir ce nouvel espace d'exposition, parce qu'on se connaissait depuis plus de dix ans déjà ; oui, cela fait dix ans que l'on travaille ensemble. On a fait les foires de Lugano ensemble (Wopart), on est partenaire et pour une première expo, on a décidé d'ouvrir avec cette exposition "Erotica, œuvres sur papier" dans ce lieu et l'exposition durera trois mois, le temps qu'on essuie un peu les plâtres, si tu veux, afin que les gens connaissent et découvrent la galerie.

TE : Tu es plus connu internationalement, qu'ici localement, Jean-Pierre, quand même, c'est un nom connu quand même Jean-Pierre Sergent, aujourd'hui dans l'Art ?

JPS : Oui, c'est vrai que je suis connu parce que je fais beaucoup de travail à l'atelier ainsi que sur les réseaux sociaux aussi, bien sûr.

TE : Alors ce travail, c'est quoi ? Quelle serait la dominante s'il y en avait une. On parle de cosmogonie, de choses comme ça ? Il faut nous éclairer un peu stp ?

JPS : Oui, c'est une nouvelle série qui s'appelle "Karma-Kali, Sexual Dreams & Paradoxes". Donc le karma, c'est toutes les choses qui nous arrivent dans la vie et Kali, c'est une déesse indienne de la vie, de la mort et de la sexualité. Donc il y a beaucoup d'images érotiques dans mon travail mais également beaucoup de dimension spirituelle que je représente par les patterns ou par le vide. Là, on voit une peinture qui est sur notre gauche et qui représente le Vide, l'état cosmique des hindous, la pure conscience, le vide meta-cosmique. A côté, on trouvera un plexiglass qui a la même thématique aussi.

TE : On parle de pattern. C'est quoi ? Ce sont des figures à répétition, c'est ça, dans le principe ?

JPS : Oui, le pattern, c'est une figure géométrique dans laquelle le motif se répète. Et il y a un très beau livre sur les patterns qui s'appelle Patterns That Connect: Social Symbolism in Ancient & Tribal Art de Carl Schuster, qui est un ethnologue qui a fait des études sur toutes les tribus premières (entre guillemets). Il réfléchissait sur la signification de tous ces dessins. Pourquoi les motifs se répétait ainsi et qu'est-ce que ça montrait ou représentait ? Et souvent, ça représente des interconnexions génétiques. Et donc, ça, c'est le père, la mère, la fille, le fils. L'exemple le plus probant de ça, ce sont les totems Asmats de Nouvelle-Guinée. Ce sont des pôles comme ça, qui font trois ou quatre mètres de haut et donc on voit les générations qui se succèdent et les patterns, en général ont une signification que nous avons perdu. Nous voyons ça comme œuvre décorative mais pour eux, ça avait une signification profonde et humaine, spirituelle et intergénérationnelle. 

TE : Huit nouvelles œuvres sur papier, c'est principalement de la peinture acrylique, c'est ça, qui est sérigraphiée ?

JPS : Oui, tout à fait. Maintenant, j'ai trouvé un nouveau système de travail. Je mets toujours de l'encre de Chine avant ou après avoir imprimé les images et ça se superpose. Pour moi, c'est important de travailler un peu dans la confusion, comme ça, parce que je pense qu'une seule image ne décrit pas la diversité de la Vie. Donc là, on a plusieurs couches imprimées successivement, plusieurs couches qui s'interpénètrent.

TE : En résonance, en interaction ?

JPS : Et surtout en mélange avec beaucoup de différentes Cultures car je n'aime pas vivre dans une seule Culture uniquement.

TE : Alors tu es exposé dans bon nombre d'endroits dans le Monde quand même. C'était quelque chose que tu aurais imaginé un jour, ça, plus jeune ?

JPS : Non absolument jamais. Tu sais, j'avais une ferme à Charquemont où j'avais dix-sept chevaux et j'ai trouvé une galerie au Canada qui voulait bosser avec moi à Toronto. Et ils m'ont dit : mais il faut que tu viennes vivre au Canada ! J'ai dit : attends, j'ai dix-sept chevaux, ça va être un big move ! Et finalement, ça s'est fait comme ça. J'ai pris mes deux ou trois sacs à dos, j'ai déménagé à Montréal et depuis Montréal, je suis allé à New York où je suis resté dix ans. Et c'est vraiment là où j'ai appris le vrai métier d'être artiste.

TE : Au contact de gens, d'artistes sur place, là bas, des plasticiens ?

JPS : Oui, tout à fait. Il y a une dynamique, un niveau d'énergie à New York qu'on ne retrouve nulle part ailleurs.

T. E. : C'étaient les années Charlélie Couture. ? Il était là-bas lui aussi ?

J-P.S. : Oui, je l'ai rencontré une fois dans la rue. Oui mais lui, il avait beaucoup plus de moyens que moi, parce qu'il avait un gros budget annuel. À New York, c'est dur mais ce sont des années qui comptent double ou triple ou quadruple, parce qu'on rencontre tellement de gens passionnés, des pointures, des gens très intéressants et on arrive à se débrouiller en tant qu'artiste. C'est là où j'ai vraiment appris ce métier d'artiste !

TE : Vraiment comment as-tu fait le chemin, ton parcours? Il part de quoi finalement ? La première toile peut être ? Ta formation, L'École des Beaux-Arts ? C'est parti de quoi ton aventure?

JPS : Tout à fait. Mais c'est plutôt parti de l'enfance. Parce que moi, quand j'étais enfant, je souffrais de fortes crises d'asthme donc je ne pouvais pas bouger. J'étais à la maison et j'avais le grand livre des animaux où je recopiais des images au carbone comme ça et je faisais des tableaux comme ça, des petits tableaux sur contreplaqué et je fais, aujourd'hui, en quelque sorte, toujours la même chose. Si tu veux, je recopie des images et je les sérigraphies, c'est plus pratique parce que je peux les imprimer dans n'importe quelle couleur. Voilà, Et ça s'est développé après. Parce que ce qui est important pour nous, êtres humains, c'est de montrer la diversité de la Vie et la beauté quelque part, c'est tellement important la beauté et puis l'inattendu et l'éveil. Il faut avoir un niveau de conscience qui s'éveille. Je pense que l'Art sert à éveiller les consciences.
C'est une façon de sublimer aussi les choses, les actes, les lieux, les cultures aussi et puis de dire voilà, ça, ça existe, je vous le donne en quelque sorte. Et puis réfléchissez-y, c'est un peu ça. Oui, c'est un don. L'Art est un don ! Tout à fait, oui, c'est vraiment un don absolument, c'est un cadeau. Et je suis très fier et honoré d'être artiste. Parce que, autour de moi, je vois mes amis qui commencent à avoir un certain âge et ils se plaignent un peu de leur vie, parce qu'elle n'est pas essentiellement valorisante quelque part. Pour ma part, je ne suis pas valorisé financièrement car, c'est toujours très dur financiérement cette vie d'artiste. Mais je suis vraiment heureux de vivre ça, cette vie incroyable et je travaille toujours énormément.

TE : Il y a des trucs très sexy que j'ai vu là, c'est vraiment chaud !

JPS : Oui, c'est ça. Mais je travaille la sexualité un peu comme on travaillerait une pratique tantrique si tu veux. Systématiquement, j'utilise des images érotiques, peut-être pour casser l'érotisme primaire et entrer dans autre chose, pour transcender une certaine réalité corporelle.

TE : Ok, tu vois autre chose à dire?

JPS : Non mais on peut aller voir Hedi, la Directrice, si tu veux lui parler ?

TE : Oui, on y va.

JPS : Je vais te montrer aussi la peinture sur plexiglas. Voilà, tu vois le beau plexiglas !

TE : Ah oui, effectivement.

JPS : Donc cette peinture fait : 1.40 par 1.40 m.

TE : On pense tout de suite à une étoile juive ? je ne sais pas pourquoi…

JPS : Mais non, pas du tout ! En fait, c'est un yantra hindou, c'est un peu la même chose mais, ici, ce sont des triangles qui s'interpénètrent comme ça... Il y a les triangles masculins et féminins et au milieu, il y a le point Bindu. C'est comme un big bang cosmique, oui, absolument.

TE : Et puis toujours avec ce cadre là, on reconnait bien ton style et ton Art avec les couleurs, les aplats très fort !

JPS : Oui mais autour, j'entoure toujours le plexiglas qui est peint. Donc ça, le centre, c'est peint à la main, ce n'est pas un produit industriel. Le tour, le plexiglass coloré, c'est industriel, donc c'est un peu une confrontation produit industriel versus l'intime, le secret et ça crée une dynamique, comme une dynamique giratoire, comme une signalétique évidente.

TE : C'est le cadre en fait ?

JPS : Oui, c'est le cadre mais c'est plus fort que le cadre. Ça définit un espace sacré et l'on peut appeler ce monde pictural : le centre du Monde (l'axis mundi).

TE : Quel est votre rôle Heidi ? Alors dites-moi votre fonction ?

Heidi Suter : Je suis la galeriste, l'organisatrice !

JPS : Oui mais là, Heidi a un peu mis tout son argent dans ce projet. Et donc oui, on fait cette exposition pendant trois mois, comme je l'ai dit tout à l'heure, pour essuyer les plâtres… Et puis après, nous montrerons des artistes bisontins, des amis à moi, dont Guimbarde, qui est malheureusement décédé ces temps-ci ainsi que quelques autres amis. Et puis après, elle montrera donc des peintres de Zurich. On verra comment ça démarre. Il ne faut préjuger de rien. Mais l'espace est, en fait, magnifique.

TE : C'est une nouvelle aventure.

JPS : Oui, c'est une nouvelle aventure, tout à fait.

TE : On se projette encore plus loin quand on est artiste ?

JPS : Là, je travaille avec une nouvelle galerie à Chypre. On devrait faire une expo cet hiver, on verra ce que ça donne.

TE : À quoi ressemble les clients sans indiscrétion ? Ce sont des passionnés, des collectionneurs, des investisseurs ? Qui sont ils ? Il y a plusieurs niveaux dans l'Art Contemporain ? 

JPS : À mon niveau, ce sont surtout des gens qui ont pas mal voyagé ou même travaillé et vécu à l'étranger et qui flashent sur mon travail. Bon, malheureusement, en France, je sais qu'il n'y a pas une très grande dynamique, ni d'intérêt vis à vis de l'Art ni des artistes. C'est bien dommage. On le regrette vraiment.

TM : On parle de cote aussi. Vous êtes cotés dans quel type d'institutions, d'organismes? Comment ça se passe ça, en fait ?

JPS : Oui, en fait, il y a un site internet qui s'appelle Artprice.com, où tous les artistes, qui vendent en salle des ventes, sont listés chaque année et il y a la somme totale de leurs ventes. Par exemple, Jeff Koons ou Basquiat, il ont vendu pour soixante ou cent millions de dollars par an. Et après, il y a les autres. Le premier artiste français, c'est un ami que je connais, Richard Texier, Il était 170ᵉ dans le classement donc bon, il n'y a plus vraiment d'artistes français connus !

TE : C'est un peu comme le classement ATP du tennis ? 

JPS : Voilà, oui, c'est ça, mais c'est juste les ventes, ça ne veut pas dire l'importance de leurs œuvres. Mais maintenant, ce qui s'est passé dans les dix dernières années ou peut-être les 20 dernières années, c'est que le marché a pris une telle importance que, nous autres artistes peu connus, on ne peut plus y entrer. Parce que cette toile là, ce plexiglas, coûte, par exemple 12 000 €. Si je la vendais à 200 000 Euros, je la vendrait beaucoup plus facilement !

TE : Non mais c'est dingue ça ! 

JPS : Oui et il y avait même un très bel article dans la Gazette des Arts (L'Art Valeur Refuge) où on expliquait que l'Art devenait vraiment une valeur refuge et que les jeunes artistes qui vendaient auparavant leur première vente entre dix mille et quinze mille Euros en salle des ventes, maintenant, ils vendent entre 300 à 500 000 $, leur premier prix de vente en salle des ventes. Donc, si on n'a pas un collectionneur derrière soi, on n'a plus aucune chance de vendre quoi que ce soit.

TM : Oui, parce que c'est les collectionneurs qui font finalement la cote. C'est un peu les premiers qui craquent et qui collectionnent, qui mettent les artistes sur le marché ! 

JPS : Moi, je travaillais avec une galerie a New York qui s'appelle Opéra Gallery et mon ami Eric Allouche, le directeur, avait vendu un Basquiat pour 4,4 millions $. Donc moi si je vends des toiles à 15 000 $, il n'y a aucun intérêt à vendre mon travail parce qu'il perd 100 fois plus de temps pour vendre une de mes peintures qu'en Basquiat et ça ne fonctionne pas comme ça.

TM : C'est dingue. Ça dégoûte un peu, non?

JPS : Oui car on ne sait plus vraiment trop quoi faire et ça s'est vraiment aggravé ces dernières années, bien sûr.

TM : Est-ce que c'est qu'il y a de plus en plus d'artistes, de plus en plus de noms célèbres ?

JPS : Oui mais paradoxalement, Il y a de moins en moins de galeries. Les galeries ferment car elles ne vendent plus rien. La plupart, ce qu'on appelle les galeries moyennes ou les petites galeries ne vendent plus rien du tout !

TM : Ça se passe comment, avec des ventes sur Internet ?

JPS : Oui, en salle des ventes mais sur Internet, je n'y crois pas trop. Mais en salle des ventes, oui !

TM : Les galeries disparaissent bien sûr.

JPS : Par exemple, à Besançon, dans les années 80, il y avait cinq, six, sept ou huit galeries, je ne sais pas ? Par exemple, les galeries Mathieu, il y avait Jean Greset, il y avait plein de gens aux vernissages mais aujourd'hui, les galeries disparaissent petit à petit. Parce que moi aussi, je ne sens plus aucune appétence pour l'Art chez les gens que je côtoie. 

TM : C'est la faute à qui ? À la culture? À l'éducation ? Aux réseaux sociaux ?

JPS : Et bien oui, j'en ai discuté avec une amie française qui a une galerie à Hambourg et je lui ai demandé : mais qu'est ce qui se passe en France ? Car Il y a moins de 1 % des artistes professionnels en France qui peuvent vivre de leur travail. Moins de 1 %. ! Et en Allemagne, j'avais vu un reportage sur Arte, c'était environ 5 %, c'est en fait cinq fois plus. Donc, d'où viennent ces 4 % supplémentaires ? Et cette galeriste de Hambourg m'avait dit  : Jean-Pierre, c'est très simple, les Allemands, ils ont une éducation artistique et dès qu'ils ont un peu d'argent, ils achètent leur appartement et la première chose qu'ils achètent avant le canapé, ils achètent de l'Art ! Donc, c'est intrinsèquement dans la culture allemande de soutenir leurs artistes et aussi de comprendre que les artistes sont des êtres importants pour la société ! Là, je vais citer une phrase de Joseph Beuys qui est un artiste allemand très important et il disait que si jamais l'Art disparaissait, le cerveau humain disparaîtrait également en moins de mille ans. Mais moi, je crois que le cerveau est déjà en train de disparaître aujourd'hui ! Maintenant, on ne voit que des comiques ou des footballeurs, c'est aussi très important. Mais il n'y a plus de Culture et la Culture n'a plus aucune place, aucune importance en quelque sorte.

TM : Disons que le cerveau peut-être, se détourne vers d'autres choses, des choses plus faciles, plus séduisantes ?

JPS : Bien sûr, parce que l'Art, c'est quand même compliqué à comprendre. Il faut toute une culture pour regarder une peinture. Et puis, il faut aussi de la curiosité et de l'amour, un peu d'amour. On ne peut pas regarder une œuvre d'art comme on regarde un truc chez Ikea, ce n'est pas possible. Il y a une dimension vibratoire et très peu de gens ont ou ressentent cette dimension-là.

TM : Merci Jean-Pierre.

JPS : Merci Thierry, c'est moi qui te remercie ! Donc, la galerie est située au 7 de la rue Proudhon, c'est au fond de la cour au rez-de-chaussée et elle est ouverte du mercredi au dimanche de 14 h à 19 h et sur rendez vous. Au plaisir de vous y rencontrer et au revoir à tous et à toutes.





"JEAN-PIERRE SERGENT EXPOSE À LA NOUVELLE GALERIE KELLER"  | CATHERINE CHAILLET | EST REPUBLICAIN DE BESANÇON | 15 JANVIER 2025

Ils travaillent ensemble depuis 10 ans : lui, le peintre bisontin et Heidi Suter, galeriste zurichoise. Ensemble ils ouvrent au 7, rue Proudhon, la Galerie Keller. Jean-Pierre Sergent, y présente jusqu’en mars, "Erotica, œuvres sur papier".
 
Jean-Pierre Sergent expose à la Galerie Keller, tenue par Heidi Suter, venue de Zurich. Photo Arnaud Castagné.

                               Jean-Pierre Sergent expose à la Galerie Keller, tenue par Heidi Suter, venue de Zurich. Photo Arnaud Castagné.

Sur les 566 œuvres sur papier de sa série "Karma-Kali, Sexual Dreams & Paradoxes",  Jean-Pierre Sergent a choisi d’exposer une sélection de huit œuvres sur papier, réalisées entre l’été et l’automne. Le peintre poursuit son chemin, hors des sentiers battus, nourri aux cultures primitives. « Les artistes sont la mémoire du monde. Sans être christique, je montre ce qui existe, ce qui va partir. » Une quête commencée au hasard d’un voyage en Égypte avec son grand-père. Jean-Pierre Sergent, alors étudiant aux Beaux-Arts à Besançon, n’a jamais repris le cours tranquille de ses études : « J’ai saisi, lors de ce voyage une dimension spirituelle que je ne soupçonnais pas et que je n’ai pas retrouvée en France. Je suis sorti du chemin, comme on sort de son corps ». Il voyage alors : New York durant dix ans, le Mexique, les transes chamaniques et garde aujourd’hui dit-il, alors que les voyages ne sont plus que livres, que l’énergie qu’ils ont apportée.

Intimité sur papier

Énergie donnée à voir dans ces huit petits formats sur papier, vision intimiste, d’une proposition bien plus large et un grand format sur Plexiglas, son support de prédilection, dans la dernière salle de la petite galerie qui mêle cosmos et enchevêtrements de formes triangles, de masculin, de féminin. « Rien ne nous oblige à demeurer artiste, c’est un privilège dont je suis conscient, mais je crois que nous sommes dans une période de rupture, dans une société post-culturelle, ce qui avait de l’importance avant n’en a plus, on ne rêve plus d’être Matisse ou Picasso, mais d’être footballeur. La culture prend du temps et les gens n’en ont plus » songe Jean-Pierre Sergent, dont le travail peine à trouver un écho, même si les durant quatre ans Les quatre piliers du ciel, 72 panneaux en couleurs et symboles, ont été accrochés au musée des Beaux-Arts. Il a goûté la reconnaissance institutionnelle mais avoue une déception face à « l’indifférence du public, je n’ai pas reçu un coup de fil ». Le peintre poursuit son œuvre, « parce que c’est la vie, parce que je suis vivant » et propose donc là, jusqu’en mars, d’autres occasions de rencontres. Après lui, Heidi Suter, qui a dirigé successivement deux galeries à Zurich pendant près de quarante ans, ouvrira les portes de la galerie Keller à d’autres artistes bisontins.



L’ORANGERIE DE SAUVIGNEY-LÈS-GRAY ORGANISE UNE EXPOSITION DÉDIÉE À JEAN-PIERRE SERGENT, INTITULÉE « POLYPHONIES : ARTS, CULTURES ET CIVILISATIONS », JUSQU’AU 6 JUIN
Est Républicain, Haute-Saône, 5 mai 2022

Venir voir une exposition à l’Orangerie de Sauvigney-lès-Gray est une expérience qui invite à prendre le temps, celui pris pour se rendre dans un lieu qui en soit vaut le détour, mais aussi pour y contempler des œuvres contemporaines.
Jusqu’au 6 juin, le lieu accueille des peintures de Jean-Pierre Sergent. Originaire de la région où il a fait les Beaux-Arts après une école d’architecture à Strasbourg, il s’est envolé à Montréal puis New York pour y déployer durant une dizaine d’années son imaginaire sur les toiles.
Revenu à Besançon, il a exposé son travail à travers le monde. Son exposition à l’Orangerie est un bon complément à sa présence depuis 2019 au musée des Beaux-Arts de Besançon avec une fresque de 72 peintures en plexiglas.
À l’Orangerie, une vingtaine de peintures sont mises en avant, originaires de différentes séries qui ont comme point commun de montrer sous un regard nouveau différentes civilisations, cultures et spiritualités. Inde, Mexique, monde Maya, les configurations sont multiples mais avec toujours en fil conducteur « une spiritualité qui relie à la terre. »
Il y a une dimension de sacralité cosmique dans son approche, remplie de multiples références qui apparaissent en scrutant le moindre détail d’une œuvre. Le trait est précis, la profondeur des couleurs également. « Ce qui m’intéresse, c’est de montrer de la joie, la diversité du monde et aussi de cultures qui disparaissent même si on n’en parle pas. L’art guérit et la création procure de l’énergie », assure l’artiste.
Exposition Jean-Pierre Sergent à la galerie de l’Orangerie à Sauvigney-lès-Gray au 32 Grande rue. Horaires : samedis et dimanches de 10 à 19 h, en semaine sur rendez-vous. Conférence le dimanche 15 mai à 16 h 30 (sur réservation). Rencontre avec l’artiste le samedi 28 mai à 15 h.

Par Dominique BOLOPION


article Jean-Pierre sergent: artist of the ecstatic soul, by Ava Baria, Sooni Gander in Happy Ali Magazine, exhibition, polyphonies: arts, cultures & civilizations. Happy Ali Magazine, Hong Kong

JEAN-PIERRE SERGENT: ARTIST OF THE ECSTATIC SOUL, PAR AVA BARIA & SOONI GANDER POUR HAPPY ALI MAGAZINE, HONG KONG | 20 AVRIL 2022

Jean-Pierre Sergent est un artiste franco-new-yorkais, qui vit et travaille actuellement à Besançon, en France. Ses œuvres ont été exposées à l'international depuis les années 1990 : aux États-Unis, en Europe, en Iran et en Chine. En 2019, une fresque monumentale de 72 peintures sur plexiglas, de 80 mètres carrés, Les Quatre Piliers du Ciel, a été installée au Musée des Beaux-Arts et d'Archéologie de Besançon où elle demeure.
Jean-Pierre Sergent

Présentée au public, lors de cette exposition particulière est une sélection de 20 petits formats de la série Shakti-Yoni : Ecstatic Cosmic Dances de 2016 à 2020, 25 x 25 cm ; quatre œuvres sur papier de la série : Beauty Is Energy, 2003 et Sky Umbilicus, 2006, 76 x 56 cm ; ainsi qu'une grande peinture sur plexiglas Ladies Of The Ants, 1,40 x 1,40 m, 2015, issue de la série Mayan Diary.

Depuis les œuvres que Sergent a réalisées à New York après ses voyages au Mexique, et surtout après les attentats du 11/11, il y a une énergie et ce que l'artiste décrit comme " Une violence esthétique, karmique, sexuelle... qui est présente, et qui jaillit de la profondeur, des temps archaïques et lointains : puissante, vraie, indispensable, sauvage, consubstantielle et fusionnelle de la vie.

" Les arts et les rituels des anciennes civilisations lui semblent beaucoup plus adaptés, plus complets, concrets et justes, face et vers les réalités complexes de notre moi cosmique et de nos destins humains, individuels et collectifs : naissance-mort de chaque être humain et de chaque civilisation, la sexualité étant évidemment le lien et le point de départ de tout cela. Et la violence aussi, car la vie se nourrit toujours de la vie, même lorsqu'elle est entièrement végétarienne, il ne peut en être autrement." 

Pendant des années, alors qu'il était entièrement immergé dans le melting-pot new-yorkais, Sergent a commencé à expérimenter des médias et des images qui choquaient et attiraient son public. Dans ses sérigraphies, il a combiné l'image d'une statue d'un prêtre-chambre aztèque sacrificiel, L'écorché, avec le dessin rituel et hiératique, sur un petit morceau de bois, d'un Indien Selknam de la Terre de Feu, une tribu aujourd'hui complètement disparue.

Un taureau égyptien Apis portant sur son dos la momie du mort (le corps et l'âme, le Ka : élément constitutif de la personne représentant sa force vitale, dans la mythologie égyptienne) dans l'autre monde, juste au-dessus d'un Gaïa-Nout avec le corps d'une femme illustré par une image pornographique contemporaine. Gaïa est bien sûr cette divinité grecque fondamentale (la Terre) qui a donné naissance aux premiers êtres divins et Nout, la déesse égyptienne du ciel, qui symbolise le firmament et est considérée comme la mère de toutes les étoiles.

Sergent dit : "Tout Art et toute création sont à la fois un choix ou un non-choix. Et pour ma part, j'assume ce choix d'ouvrir mon travail au monde, à ses diversités, ses étrangetés, en dérangeant parfois certains. 

"Car aujourd'hui, la beauté seule n'est plus une excuse suffisante pour la création artistique. Nous avons besoin de plus de conscience et d'énergies vitales pour créer et recréer de facto, de nouvelles consciences, de nouveaux espoirs, de nouveaux plaisirs... Et bien sûr, en ce jour de 2022, pour insuffler au monde un grand espoir de paix."


EXPOSITION JEAN-PIERRE SERGENT, POLYPHONIES : ARTS, CULTURES & CIVILISATIONS PAR JEAN-PAUL GAVARD-PERRET, 15 AVRIL 2022, LE LITTÉRAIRE

EXPOSITION JEAN-PIERRE SERGENT, POLYPHONIES : ARTS, CULTURES & CIVILISATIONS PAR JEAN-PAUL GAVARD-PERRET, 15 AVRIL 2022, LE LITTÉRAIRE

DU PASSÉ AU FUTUR

Prenant comme sorte d’incipit à son expo­si­tion la phrase de Her­mann Hesse :"Quand vous détes­tez une per­sonne, vous détes­tez quelque chose en elle qui fait par­tie de vous-même. Ce qui ne fait pas par­tie de nous-même ne nous dérange pas.", Jean-Pierre Ser­gent crée depuis ses œuvres réa­li­sées à New York, après ses voyages mexi­cains et l’attentat du 11 sep­tembre 2001, une éner­gie et ajoute-t-il "une vio­lence esthé­tique, kar­mique, sexuelle".
 Tout semble res­sur­gir de la pro­fon­deur, des temps archaïques, sau­vages en fusion avec l’existence.

Face et envers les réa­li­tés com­plexes d’un moi cos­mique et des des­ti­nées humaines, il ramène au jour arts et rituels des anciennes civi­li­sa­tions là où la sexua­lité était le lien et le point de départ.
 L’artiste a donc mélangé plu­sieurs images tirées du fond des temps afin de créer une nou­velle noce de rituels diver­si­fiés et d’ouvrir le monde en péril et en un moment où dit-il "la beauté uni­que­ment, n’est plus une excuse suf­fi­sante à la créa­tion artistique."

Il faut plus et une telle créa­tion le prouve.

 

JEAN-PIERRE SERGENT INTERVIEWED FOR LUXURY SPLASH OF ART, FEBRUARY 13, 2021 BY AGNIESZKA KOWALCZEWSKA

INTERVIEW DE JEAN-PIERRE SERGENT POUR , PAR AGNIESZKA KOWALCZEWSKA | 13 FEVRIER 2021
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L'Art, comme le sexe, a à voir avec la transcendance de la réalité, des couleurs, du plaisir et de la mort...

 

il nous a raconté que pour devenir artiste : "Tout d'abord, vous devez apprendre beaucoup de choses, lire beaucoup de livres, voir beaucoup de films, visiter beaucoup de musées, vivre beaucoup d'expériences, visiter beaucoup de pays, avoir beaucoup de sexe, peindre beaucoup de tableaux... avant même de savoir vraiment ce que vous voulez et pouvez faire. Et quel sera votre vrai cheminement artistique personnel ?

Luxury Splash of Art : Jean-Pierre c'est un grand plaisir de vous interviewer ; merci de nous avoir accordé du temps pour partager votre histoire de vie artistique.   
Aujourd'hui, je voudrais vous parler de votre travail artistique, de vos projets, de votre inspiration, de votre spiritualité et de votre exposition actuelle les "4 Piliers du Ciel" au Musée des Beaux-Arts et d'Archéologie de Besançon. Mais avant d'en arriver à ces questions, pouvez-vous nous en dire plus sur vous. Quand votre voyage artistique a-t-il commencé et qu'est-ce qui fait que l'Art vous passionne autant ?
 


JPS :
Bonjour chère Agnieszka et les lecteurs du Luxury Splash of Art, merci pour l'intérêt que vous portez à mon travail et pour vos questions. Être artiste plasticien, c'est embrasser le plus vieux métier du monde, avec tout le respect dû aux prostituées, dont on dit communément qu'elles font le plus vieux métier du monde ! En tout cas, quand on pense aux premières traces de l'humanité, au-delà de tous les squelettes et du matériel génétique découverts par les archéologues comme les squelettes et les déchets trouvés dans les campements troglodytes ou dans les tombes ; les artistes sont à l'origine et ont posé les premiers jalons tangibles de la pensée et des croyances humaines. Ainsi, être artiste professionnel, en tant que métier, en tant que spécialiste de l'image, est sans aucun doute beaucoup plus ancien qu'être prêtre, architecte, guerrier, agriculteur, politicien, assureur ou même banquier ! Et c'est comme si l'on appartenait à une longue lignée, à une grande famille ou à une sorte d'"old souls club". Picasso a dit un jour dans une interview par le célèbre écrivain français et ministre de la culture André Malraux dans Le Miroir des limbes, "Savez-vous ce que je pense, des fois ? Ça m’amuse : je suis superstitieux. Je pense que c’est toujours le même Petit Bonhomme. Depuis les cavernes.
Il revient, comme le Juif errant. Les peintres se réincarnent forcément comme peintres. C’est une race. Comme les chats."


Ainsi, être artiste, c'est faire partie d'une communauté éternelle et en même temps, avoir besoin d'être à l'extérieur, en marge des principaux courants de pensée et des sociétés dominantes dans lesquelles nous vivons, afin de mieux comprendre et d'englober l'ensemble des choses et des problèmes. Il est également utile d'être une espèce de guérisseur, car l'Art est toujours profondément lié à la Mort ; l'Art a toujours gravé dans ses basques et son essence, le filigrane de la Mort ainsi que le poids du souvenir des morts, vraiment assez paradoxalement plus profondément que l'Amour, je crois en tout cas. Comme l'a dit Henry Miller dans Remember to Remember : "La mission de l'homme sur terre est de se souvenir". Sans œuvres d'art, nous ne saurions nullement parler de toutes les existences de tous les Dieux et Déesses historiques, de tous les rituels que les images et les statues ont accompagnés, dépeints et rendus possibles. Ce serait alors un Monde vide, désenchanté et sans mémoire. D'une certaine manière, l'Art est l'incarnation du vivant dans sa présence, son mouvement et sa réalisation. Non seulement il a et il nourrit encore l'inconscient personnel et collectif, mais il est et a été un support pour toutes les pratiques "spirituelles" qui ont commencé il y a très longtemps et qui se poursuivent dans aujourd'hui.


Quant à ce que représente l'Art pour moi : en quelques mots, je peins depuis mon enfance et j'ai continué à le faire dans un processus ininterrompu jusqu'à maintenant. Enfant, j'ai souffert de terribles crises d'asthme alors peindre des images d'animaux et de paysages, m'a donné une merveilleuse façon d'échapper à la souffrance et aux fortes angoisses de la peur de mourir par suffocation. C'est aussi cette dimension importante que je voudrais évoquer ici et qui est le fort pouvoir de guérison de l'Art, pour soi-même et pour les autres. Je crois que aussi l'Art peut être vécu comme une révélation, c'est ce qui m'est arrivé lors de différents voyages en Egypte (dans la tombe de la Reine Néfertari à Louxor) et au Mexique lors de la visite des pyramides sacrées comme Chichén Itzá ou Uxmal. D'une certaine manière, il faut vivre l'Art avec son corps tout entier, non pas seulement avec son esprit, ses connaissances ou avec des reproductions imagées. C'est à la fois une expérience physique (sensuelle) et spirituelle. L'art nous aide à ressentir le flux constant d'énergies vitales, comme le sang, les rivières, les étoiles... Cela relève d'une appartenance à l'Univers et du fait d'être interconnecté d'une certaine manière. À un moment donné, c'est aussi un langage qu'il faut apprendre, auquel il faut s'initier. Pour en revenir à Picasso qui disait : "Quand les gens veulent comprendre le chinois, ils pensent : je dois apprendre le chinois, non ? Pourquoi, ils ne pensent jamais qu’il faut qu’ils apprennent la peinture ?"


LSA : Une fois, vous avez dit que vous vouliez "Making art alive in a society which is spiritually dead.", pouvez-vous m'en dire plus à ce sujet ? L'Art doit-il toucher l'Ame ou doit-il se vendre ? Peut-être les deux ? Quel est votre point de vue ?

JPS : Oui, exactement, j'aime toujours relire cette phrase là, parce que pour vous dire la vérité, si vous ouvrez vraiment les yeux à notre réalité et cherchez la vérité : nous sommes actuellement confrontés à une situation vraiment difficile, profonde et désespérée, presque apocalyptique. Je vous épargnerai la liste des mauvaises nouvelles pour ne pas trop vous affoler, ni affoler le lecteur mais nous en sommes tous conscients. Et ce qui me frappe le plus émotionnellement, c'est vraiment d'avoir le sentiment de la disparition de la spiritualité ou mêmes des spiritualités, nous conduisant de facto à la disparition de l'âme. Il y a quelques mois de cela, j'ai écrit un petit texte à ce sujet : Au sujet de la disparition de l'âme aujourd'hui, après avoir lu le très beau livre de Maurice Maeterlinck, Le Trésor des humbles, dans lequel il déclare : "Il y a vraiment des siècles où l'âme se rendort et où personne ne s'en inquiète plus" et même le général De Gaule, l'homme le plus connu et respecté du XXe interrogé dans le même livre de Malraux, dit à peu près la même chose : "Et si notre civilisation n'est certainement pas la première à nier l'immortalité de l'âme, c’est bien la première pour laquelle l’âme n’ait pas d’importance."


Ces phrases sont profondément émouvantes pour moi et en tant qu'artiste, je ne peux pas m'imaginer vivre dans un monde totalement sécularisé et privé de toute spiritualité. De fait, ma pratique artistique me permet d'exposer mes œuvres dans des galeries, des foires d'art et des musées et j'ai toujours le sentiment que le public, dans son ensemble ou même les conservateurs ou les critiques d'art, en particulier, n'ont aucune idée, aucun accès à la signification, à la présence des différentes forces spirituelles, fortes et puissantes émanant de mes peintures. Mais encore une fois, pour citer le livre de Malraux : "Le temps de l'Art ne coïncide pas avec celui des vivants". Donc, je dois m'en accoutumer. Ça a été un défi constant pour tous les artistes importants au fil des temps. D'autant plus aujourd'hui, puisque l'Art, par et à travers le Marché de l'Art et son commerce, est devenu un produit manufacturé industriellement et très luxueux, que seuls quelques gens ultra-riches (only a select few!) peuvent se permettre d'acheter et d'exposer. C'est une situation nouvelle à laquelle personne n'avait pensé auparavant. L'Art est maintenant confisqué par les très riches et puissants, cela s'est déjà produit auparavant avec les religions et les pouvoirs politiques mais à cette époque, l'Art était censé éduquer les masses ou les non-croyants alors, il pouvait toujours être vu par tout le monde dans les églises, les temples ou les bâtiments publics. Ce qui n'est malheureusement plus le cas aujourd'hui où la plupart des œuvres d'art achetées dans les salles de vente aux enchères finissent par être enfermées dans des coffres-forts privés et sécurisés. De surcroit, si par exemple, vous consultez la liste des prix des œuvres d'art sur Artprice, vous pouvez constater par vous-même, que les œuvres d'art se vendent à des millions de dollars mais le côté vraiment sombre de la situation est que personne ne regarde les œuvres d'artistes qui ne vendent pas à ce niveau de prix élevé (à moins de 100 000 dollars américains, vous êtes un moins que rien, un pauvre inconnu) ; ces artistes ne peuvent plus exister, ni exposer, ni survivre d'aucune façon aujourd'hui.


LSA : Merci beaucoup de partager votre point de vue, c'est très intéressant ce que vous dites. La spiritualité est très importante pour vous, c'est que le message que vous voulez faire passer à travers votre art ? Qu'aimeriez-vous que les autres voient dans votre travail ?

JPS : Eh bien, l'Art n'est pas seulement porteur de messages : esthétique, politique, environnemental, idéologique ou même spirituel mais plus précisément et plus fidèlement un vecteur d'énergie pure. C'est quelque chose qui doit vous toucher aux tripes, aux organes génitaux, aux yeux et vous émouvoir. C'est une énergie, comme une batterie nucléaire, une tempête, un vortex, le sexe d'une femme, un flux, comme un défilé, un carnaval, une vraie procession de squelettes (non pas comme la drôle de Parade d'Halloween sur la 6ème avenue à NY) et aussi, simultanément, un papillon tourbillonnant dans un rayon de soleil dans la douce lumière du printemps finalement revenu !
Plus sérieusement, je veux que mon Art atteste, qu'il soit le témoin, le jalon, l'étendard des présences de toutes les myriades de sociétés primitives et des cultures traditionnelles en voie de disparition qui à un certain moment, à certaines périodes, étaient vivantes et florissantes dans le monde entier. Comme l'a récemment déclaré lors d'une interview radiophonique la grande photographe de rue Sabine Weiss : "Tout change ! Mais il est bon d'avoir été photographe pour être témoin de beaucoup de jolies choses qui vont disparaître".


J'éprouve donc une forte et passionnante curiosité envers ces différentes cultures, ces différentes façons de penser, ces différentes façons de faire l'amour, ces approches amoureuses différentes ou ces pratiques rituelles inimaginables afin d'honorer les morts, de régénérer et revitaliser la Vie, notre vie, en quelque sorte, quelque part, car rien n'est gratuit dans ce monde ci. Cela peut être philosophique, comme le bouddhisme, ou l'hindouisme ; ou esthétique, comme presque toutes les œuvres d'art précolombiennes, comme celle de la Reine maya Lady Xoc, effectuant un sacrifice sanguinaire en se passant une corde par un trou dans la langue percée afin d'entrer en transe pour rencontrer dans sa vision, le serpent cosmique Quetzalcoatl. Parfois, j'utilise aussi des images de bondage japonais pour montrer comment un corps enchaîné, peut accéder à l'extase sexuelle, en retournant paradoxalement, l'angoisse corporelle en orgasme sexuel libérateur. L'Art, tout comme le sexe d'ailleurs, a à voir avec les transcendances des réalités, des couleurs, du plaisir et de la mort.

LSA : Certains artistes disent que l'Art et la création sont comme une méditation, qui leur permet de se sentir connecté avec le moi intérieur et l'univers. Qu'en pensez-vous ?

JPS : Oui, c'est tout à fait vrai. Car le processus de travail est long et fastidieux tout du long et l'artiste doit y être pleinement concentré et présent. Vous devez être attentif à ce que vous faites à chaque étape, à chaque moment de ce processus et si vous n'êtes pas présent, vous le raterez. Bien sûr, c'est comme dans tout enseignement spirituel de toutes les parties du monde : Si je suis présent, Dieu (quel qu'il soit et quoi qu'il soit) doit l'être aussi. Comme il est dit dans Les Hymnes Spéculatifs du Véda hindou :
"J'ai embrassé tous les êtres,
afin de voir le fil tendu du sacré,
là où les dieux, ayant atteint l'immortalité,
se sont dirigés vers leur commune demeure." Dans JPS Notes Besançon – 2005-présent


LSA : Où puisez-vous l'inspiration pour vos projets et combien de temps faut-il entre le moment où le processus de création commence dans votre tête et le moment où il est prêt. Vous laissez-vous guider par l'intuition ou préférez-vous que chaque étape soit planifiée ?

JPS : Premièrement, je collecte, rassemble et glane des images. Des images représentant des rituels anciens de différentes sociétés, comme je l'ai dit plus tôt. Lorsque j'étais à New York, je prenais beaucoup de photos dans les musées, mais maintenant je les trouve surtout sur le web et principalement des photos érotiques. Il est un fait qu'environ 50% des images circulant sur le Web sont des images pornographiques et il me semble que certaines d'entre elles, très, très rares et uniques, possèdent une sorte d'aura mystique extatique. C'est principalement ce qui suscite mon intérêt pour certaines œuvres d'art dans l'Histoire de l'Art : son aura, sa présence. On peut la voir dans les œuvres de Vermeer, de Giotto, de Pollock, de Rothko, dans certaines peintures rupestres, dans des graffitis ou dans de nombreuses peintures indiennes Moghols et aussi bien sûr, dans presque toutes les œuvres dites "primitives" etc. Ainsi, en choisissant une pauvre image populaire "vulgaire" (comme l'ont fait les artistes pop de New York dans les années 60), qui n'a pas grande importance ou signification, je la transforme, de part ma pratique, en une sorte d'Icône. Cette "sacralisation" se fait, bien sûr, tout au long du long processus de sélection de l'image, du long processus de la redessiner sur mon ordinateur et de sa sélection au jour J, en fonction de ce que je veux faire au moment où je vais finalement sérigraphier cette image sur ma table d'impression. Bien entendu, le processus de sérigraphie nécessite également une préparation importante, au moment de l'impression des images et surtout au moment du choix de la couleur. Et tout au long de ce processus, j'utilise mon intuition et mon esprit spirituel et mes connections avec l'Art en général, ainsi qu'avec le soleil, l'eau, mes ancêtres, les abeilles, le sol (la terre) ou tous mes désirs sexuels... 

LSA : Dans votre travail artistique, vous utilisez différentes méthodes et supports ; vous créez de grandes installations, vous peignez, vous sculptez, vous faites des croquis, de la scénographie... Quelle est votre méthode préférée pour vous exprimer et pourquoi ? Le processus de création de votre art est-il stimulant, si oui, de quelle manière ?

JPS : Oui, j'aime faire beaucoup de ces choses passionnément et toutes les façons de m'exprimer sont importantes dans le présent et même plus fortement a posteriori, car la vie est toujours en évolution et quelque chose que vous étiez capable de faire il y a quelques années, vous n'êtes plus capable de le faire aujourd'hui, par manque d'argent ou à cause d'autres problèmes à l'atelier, etc. C'est pourquoi j'aime aussi écrire des textes, ce qui ne me coûte rien (surtout pendant certaines années de vaches maigres car je n'ai pas toujours assez d'argent pour acheter des fournitures artistiques !) L'écriture est également importante pour moi, non pas pour me justifier, ni pour expliquer mon œuvre, mais pour dire une chose similaire d'une façon différente. Nous savons tous que pour accéder au centre de la connaissance et de la mémoire dans notre cerveau, chaque canal est valable. Il y a quelques années, j'ai également commencé à filmer des interviews vidéos avec des amis dans mon studio. Je crois que c'est un grand changement de vivre aujourd'hui avec ces nouvelles possibilités technologiques qui nous permettent d'utiliser tous ces différents supports qui peuvent être facilement partagés sur le web. Je ne suis pas sûr que cela ait le même impact que l'expérience physique personelle que l'on peut avoir devant un tableau mais au moins cela peut ouvrir les portes afin que de nouvelles personnes puissent découvrir mon Art.


LSA : J'aimerais vous interroger sur votre exposition actuelle "Les 4 piliers du ciel" au Musée de Besançon. Cette exposition est votre dernier projet rassemblant huit grandes installations. Pouvez-vous m'en dire plus sur ces œuvres d'art ? Qu'est-ce qui vous a inspiré à les créer, comment ont-elles été créées et y a-t-il un message pour le public dans vos œuvres d'art ?

JPS : Oui, depuis septembre 2019, 72 tableaux carrés de peinture sur Plexiglas, mesurant chacun 1,05 x 1,05 m, ont été installés sur huit panneaux entourant les quatre coins des deux énormes escaliers principaux du Musée. Cette installation monumentale Les Quatre Piliers du Ciel, d'une surface de quatre-vingts mètres carrés est, à ce jour, la plus grande que j'ai jamais réalisée. Cette installation m'a été proposée par le Directeur du Musée, M. Nicolas Surlapierre, qui a eu la grande idée d'accrocher cette immense sélection de peintures parmi cette belle architecture historique, dont les origines remontent à 1694 et qui constitue la plus ancienne collection publique française. 
Ce fut un projet très difficile à réaliser, car les techniciens ont travaillé pendant plus d'un mois pour fixer les panneaux de bois sur les vieux murs de pierre qui sont très hauts et les assistants et moi-même avons dû travailler sur des échafaudages à plus de 5 m de hauteur. C'est un grand honneur et un privilège de voir mes œuvres exposées dans ce bel espace où toutes les peintures assemblées et reliées entre elles dégagent vraiment une étonnante énergie et pourraient, espérons-le, amener le spectateur dans un état, une expérience de joie, d'élévation esthétique ou même mystique, souhaitons le. L'exposition durera probablement quelques années et un catalogue d'exposition a été publié. J'ai donné une conférence au Musée et nous avons filmé trois entretiens avec des professionnels de l'Art et amis que vous pouvez voir sur ma page Vidéos - Interviews. Voici un extrait du communiqué de presse :


Je veux que mes peintures et mon Art soient : un art-mur (même une armure si l'on veut ! Peu m'importe !), un art-architecture (comme les tipis indiens), un art-animaux (comme Lascaux), un art-arbre, un art-rivière, un art-vide (comme pour les moines bouddhistes zen), un art-nature, un art-sexe, un art-mort (comme les tombes égyptiennes), un art-plaisir (dionysiaque), un art-présence, un art-âme, un art-joie (comme dans les livres de Jean Giono), un art-corps (comme dans la sexualité) etc.
Donc, il n'y a pas vraiment de message simple et singulier, car mon art est très complexe et ce serait plutôt un conglomérat, une agrégation d'images, une multitude d'informations visuelles et d'impulsions stimulantes comme le déploiement, l'épanouissement, la germination, l'éjaculation d'une vie entière, colorée, multiculturelle et sexuelle !

LSA : Y a-t-il un message que vous aimeriez partager avec les lecteurs de Luxury Splash of Art ?

JPS : Tout d'abord, merci beaucoup d'avoir lu cet article jusqu'au bout, j'espère que vous l'avez trouvé intéressant et enrichissant. Deuxièmement, je voudrais citer le peintre allemand Emil Nolde : "J’obéissais à un besoin irrésistible de représenter une spiritualité profonde."
Ce qui nous montre profondément comment l'aspiration du sens, les recherches et les quêtes spirituelles sont importantes voire, substantiellement essentielles pour certains artistes, pas pour tous ! Paradoxalement, c'est quelque chose qui semble totalement absent de la production artistique actuelle. Car nous vivons aujourd'hui, dans une société principalement et uniquement basée sur l'argent, qui est la seule valeur suprême adorée comme le veau d'or biblique et cette déspiritualisation est donc plus que normale, car l'argent n'a bien sûr aucune valeur spirituelle intrinsèque !


LSA : Avez-vous des conseils a donner pour des jeunes artistes débutants ?

JPS : Oui absolument, l'Art n'est pas une simple affaire facile et le temps est à la fois notre ami et notre ennemi car on ne peut pas vraiment devenir un artiste important, avant l'âge de sa maturité physique et à quelques rares exceptions près, tous les artistes ont réalisé leurs œuvres importantes pendant leurs années de maturité. Pour cela, il faut donc être extrêmement curieux et profondément patient. Je viens de lire ce matin sur Twitter un article sur la célèbre écrivain-voyageuse suisse Ella Maillart qui dit "J'avais un sac de couchage, quinze jours de provisions sur le dos et je me disais : Il faut aller voir la beauté du monde, en attendant de savoir pourquoi je vis." C'est un fait, une réalité : tout d'abord, il faut apprendre beaucoup de choses, lire beaucoup de livres, voir beaucoup de films, visiter beaucoup de musées, vivre beaucoup d'expériences de vie, visiter beaucoup de pays, baiser beaucoup, peindre beaucoup de tableaux... avant même de savoir vraiment ce que l'on veut et ce que l'on peut faire artistiquement et quel sera votre parcours artistique personnel ? Pour citer une nouvelle fois Picasso, il a dit un jour : "Tu copies, tu copies, et puis un jour tu rates une copie et alors, tu fais une peinture originale."


LSA : Ce fut un grand plaisir de vous parler. Merci de nous avoir accordé un peu de votre temps. Bonne chance pour vos futurs projets. Où pouvons-nous trouver votre travail, veuillez svp partager le lien vers votre site web et les médias sociaux. 


JPS :
Oui, ce fut un grand plaisir d'écrire cet article avec vous, merci beaucoup pour vos questions intéressantes, chère Agnieszka. Mon travail peut être vu au Musée des Beaux-Arts & d'Archéologie de Besançon (quand il rouvrira), dans mon Studio et à la Galerie Keller de Zürich, en Suisse. Vos lecteurs peuvent également me suivre sur divers médias sociaux et je serai très heureux de poursuivre cette discussion avec eux. Je vous souhaite à tous une bonne journée ainsi qu'une belle vie en ces temps difficiles et troublés, avec mes meilleures salutations de France.

Jean-Pierre Sergent, Besançon, France, le 7 février 2021